[Reportage] – Des Africains parmi les familles ukrainiennes réfugiées

Le groupe de réfugiés est hétérogène. Des mères parlant ukrainien à leurs enfants côtoient de jeunes hommes qui conversent en arabe.
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Mohamed est Algérien. Il était étudiant à l’université de Kiev en développement international. « Je n’ai plus de papiers pour prouver qui je suis, j’ai dû fuir l’Ukraine sans rien », me raconte-t-il. Sur sa main droite, des hématomes. « Les militaires ukrainiens sont racistes, ils m'ont frappé avec leurs armes parce que je voulais sortir d'Ukraine, regardez mes blessures ! », témoigne le réfugié, avant de constater : « En France, on est bien reçus. »

Nous sommes au quartier Chapelle Internationale, dans le XVIIIe arrondissement, à proximité de la porte de la Chapelle, au nord de Paris, dans un espace urbain entièrement mis à neuf. « L’Accueil Ukraine », ouvert depuis le jeudi 3 mars au 39, rue des Cheminots, est dédié aux réfugiés ukrainiens arrivant dans la capitale. Julie Verino, responsable communication de France terre d’asile, nous indique que près de 1.500 Ukrainiens y sont déjà passés. Pour ses opérations d’accueil des réfugiés ukrainiens, l’association est totalement financée par le ministère de l’Intérieur. « Les réfugiés arrivent par la gare de l’Est. Ici, on enregistre les demandes d’hébergement d’urgence », explique la jeune femme. « France terre d’asile gère le lieu en coordination avec les services de l’État. On loge les réfugiés en hébergement d’urgence ou en hébergement citoyen. Il y a des Ukrainiens, ou alors des personnes qui étaient déjà réfugiées en Ukraine », précise-t-elle. Selon Didier Leschi, président de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, cité dans La Croix, « 30 % des personnes qui arrivent à Paris en ce moment sont des résidents étrangers qui vivaient en Ukraine ».

Une autre grande pièce jouxte la salle de réconfort. Une quarantaine de jeunes hommes, étudiants algériens pour certains, originaires d’Afrique subsaharienne pour d’autres, enregistrent un pré-dossier d’accueil.

Ils déclarent avoir fui l’Ukraine où ils séjournaient jusqu’alors. « Nous avons vu un projectile russe tomber à trente kilomètres de nous », me confieront Mohamed et son camarade, algérien comme lui.

Le groupe de réfugiés est hétérogène. Des mères parlant ukrainien à leurs enfants côtoient de jeunes hommes qui conversent en arabe. Cinq cars stationnent à cent mètres de l’Accueil ukrainien. Je rencontre Daniel (le prénom a été changé à sa demande), le chauffeur salarié d’une compagnie de transport privée. Il a pour mission d’emmener les réfugiés à l’hôtel Campanile, un trois étoiles. Il me fait part de son scepticisme : « Toute la journée d’hier, j’ai vu des “Blacks” ressemblant aux migrants que l’on croise habituellement dans Paris. »

À proximité des bus, quatre individus, à l’allure peu recommandable, semblent surveiller l’agitation du départ. Une odeur désagréable de pin résineux acide se fait sentir, au point qu’un riverain demande aux fumeurs de cesser de consommer du cannabis à proximité de nourrissons.

Nous avons demandé au service presse du ministère de l’Intérieur si les migrants accueillis au titre de réfugiés ukrainiens étaient bien ukrainiens ou résidaient bien en Ukraine au moment de l’invasion. À ce jour (10 mars 2022), nous n’avons reçu aucune réponse.

Ces jeunes hommes, âgés de 20 à 40 ans environ, tranchent sur le profil des femmes accompagnées d’enfants, hébergées dans le même bâtiment. Des femmes, des vieillards, des enfants en bas âge réchauffent leurs mains avec les volutes de leur thé brûlant dans une grande pièce. Visages poupons, traits slaves, yeux clairs, on ne peut regarder cette jeune fratrie blottie dans un encart de la pièce sans penser au texte de Saint-Exupéry Mozart assassiné. « Un enfant tétait une mère si lasse qu’elle paraissait endormie. La vie se transmettait dans l’absurde et le désordre de ce voyage. »

Une jeune Française parlant l’ukrainien joue les interprètes pour une jeune mère qui porte un nourrisson : « Les autorités ukrainiennes n’ont pas laissé partir son mari », traduit-elle. Depuis le 25 février, le président Volodimir Zelensky a décrété une mobilisation générale exceptionnelle face à l’attaque russe. Les hommes ukrainiens de 18 à 60 ans ne peuvent plus quitter le pays.


Je retourne auprès d’une famille ukrainienne. Une mère, un grand-père et une grand-mère, une fille et un garçon attendent l’arrivée du car. Le grand-père a les cheveux blancs, les deux enfants se ressemblent, ils sont grands, vêtus de manteaux et entourés de volumineux bagages. Le père est absent. « Mon mari est resté en Ukraine, il sert en tant que volontaire », explique la femme d’une quarantaine d’années. Son visage fatigué indique qu’elle n’a pas dû dormir beaucoup, les nuits précédentes. Sa fille, cheveux bruns longs détachés, regard perçant, indique son âge : 16 ans. « J’ai des amis qui se battent avec l’armée ukrainienne, explique-t-elle. Parfois, ils m’envoient des textos. J’ai très peur pour mon père et pour eux. Parfois, j’en pleure. J’aimerais retourner en Ukraine. » La famille a une maison à Kharkiv. « J’ignore si elle est encore debout », s’inquiète l’adolescente. Son petit frère la rassure : « La ville n’est pas entièrement tombée. » Depuis le 24 février, Kharkiv subit des bombardements de l’armée russe même si, récemment, Vladimir Poutine a mis en place des couloirs humanitaires pour évacuer les civils.

Le jour baisse. Le bus emmène vers l’hôtel Campanile les jeunes hommes originaires d’Afrique et les familles sans hommes coupées d’un pays en guerre, leur pays.

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Jean Bexon
Journaliste

Vos commentaires

76 commentaires

  1. C’est curieux, ces jeunes hommes isolés non ukrainiens, n’ont pas de papiers; je suppose que les ukrainiens ont leurs papiers pour la plupart.

    • Je crois que c’est un réflexe, chez eux, de ne « pas avoir de papiers.
      Comme ça, ils peuvent déclarer ce qu’ils veulent.

    • Ils ont même des papiers biométriques pour certains , ce que la France n’a jamais voulu faire pour la carte de sécu qui se trouve en surnombre

  2. Tous les africains, maghrébins, arabes, turcs, présents en Ukraine, au fait on a une idée du nombre ? , vont profiter de la situation pour venir s’établir en France, pays de l’UE qui compte le plus de musulmans dans sa population et donc des communautés accueillantes qui ne demandent qu’à se développer.
    Et pendant ce temps au sud de l’Espagne l’invasion continue et on n’en parle plus.

    • ILs ont laissé leurs femmes et leurs enfants sous les bombes eux aussi pour préparer le terrain?

      • Leur méthode migratoire est connue, ils envoient les plus jeunes , des hommes religion oblige , en Occident , et une fois sur place , ils font venir leur famille , élargie grâce à la réforme du rapprochement familial du gouvernement actuel.

  3. On comprend par cette fin de message (Le bus emmène vers l’hôtel Campanile les jeunes hommes originaires d’Afrique et les familles sans hommes coupées d’un pays en guerre, leur pays) que certaines sont plus méritantes que d’autres… Cela devrait enfin ouvrir les yeux de ces « bonnes âmes » qui accueillent les soi-disant réfugiés qui s’imposent chez nous sans femmes ni enfants (!) grâce à la naïveté (bêtise ?) de nos élites.

  4. Décidément, ils sont partout, ils sont incontournables.
    Puisqu’ils étaient en Ukraine pour étudier et qu’étudier n’y est plus possible, la logique voudrait qu’ils retournent dans leur pays d’origine dès que possible.

    • Ah ben oui, c’est la logique, mais en fait ….non, vous le savez bien, ils préfèreront 1000 x rester en France ou l’on peut survivre gratos au frais du contribuable.

      • Mais bien sûr, c’est l’évidence même et en plus, ils auront des avantages supplémentaires, en qualité de réfugiés de guerre, opprimés par l’ours, le méchant ours russe ! Et une fois, l’ordre, la paix retrouvés en Ukraine, « eux faire quoi ? » Rester en France ?

    • cerise sur le gâteau:
      « À proximité des bus, quatre individus, à l’allure peu recommandable, semblent surveiller l’agitation du départ. Une odeur désagréable de pin résineux acide se fait sentir, au point qu’un riverain demande aux fumeurs de cesser de consommer du cannabis à proximité de nourrissons. »

  5. Mais ces « étudiants maghrébins ou africains » ne pouvaient-ils pas retourner dans leur pays ?
    Femmes ,enfants ukrainiens se réfugient dans les pays limitrophes , les hommes étant restés au pays pour combattre , par contre parmi les réfugiés africains que des hommes ?
    Cherchez l’erreur
    Comme disait une franco-sénégalaise face à Zemmour , on vient en France pour bien vivre

  6. « Je n’ai plus de papiers pour prouver qui je suis, j’ai dû fuir l’Ukraine sans rien »
    Ah ben c’est curieux, tous les vrais Ukrainiens qui arrivent en France ont leurs passeports et pièces d’identité.
    Il a du être contacté par des assoss françaises avant le départ.

    • Ce sont ces assos françaises (et autres) qui mettent en place ces filières d’immigration clandestines, chapeautées par la Mafia internationale (ça rapporte un max).

    • hélas oui, pour la plupart ! en revanche ils ne peuvent pas rentrer en Pologne et visiblement çà fait  » scandale » dans les couloirs de Bruxelles, mais les Polonais sont moins cons que nous !

  7. Il est sûr que, si les femmes et enfants ukrainiens sont destinés à retourner là-bas, nul doute que les étudiants africains, eux, resteront en France.

  8. Mohamed n’a plus de papiers pour prouver qui il est ?? Je ne vois pas bien le rapport avec le fait de vouloir venir en France… quoi que, à y bien réfléchir

  9. L’occasion est trop belle pour venir et rester en France tout frais payé, et puis les Français veulent aider tous les Ukrainiens même ceux de couleur venant d’Afrique alors pourquoi se priver…

  10. Ben voyons , l’a plus de papier , lui aussi ! étudiant ? il a pas de poches ? ah oui : c’est pour y ranger l’Iphone et la carte bancaire multipass ( voire le couteau à cran d’arrêt… pour découper des écorces de bouleau à sucer ; ou des fois qu’il rencontre un ours ( on sait jamais , dans ces contrées sauvages….

  11. Il ne faut accueillir que les enfants , les femmes et les vieillards , les hommes en âge de se battre doivent défendre leur patrie , quand à ceux qui étaient en Ukraine pour des études ou autres motifs doivent être reconduit dans leurs pays d’origine . C’est pourtant pas compliqué et ça éviterait ces embrouilles et surtout ça refroidirait ces profiteurs pour qui tout est bon pour venir en France et y rester .

    • Voyons, ce qui est clair et logique pour vous, moi et tous sur BV n’est pas admissible pour les autorités françaises.
      Manquerait plus que Mélanchon soit élu.

  12. Ces familles ukrainiennes ne seront pas accueillies ad vitam eternam. Le gouvernement s’est bien empressé de le préciser. Les Ukrainiens sont destinés à retourner chez eux. Les ressortissants maghrebins et sub-sahariens, eux, non. Mais il est vrai qu’eux sont des « chances pour la France ».

      • Un peu comme ces pseudo mineurs qui arrivent sur le territoire. Mais avec la bien-pensance à l’œuvre…

    • Bizarrement on peut prendre des sanctions contre Poutine , mais quand MLP dit qu’il faut prendre des sanctions pour que les états du Maghreb reprennent leurs ressortissants alors là , ce n’est pas possible…..

  13. L’accueil des réfugiés ukrainiens pourrait fort bien avoir un effet d’aubaine pour des migrants d’autres origines se présentant comme des étudiants étrangers en Ukraine. Mais si l’on raisonne (?) comme Sandrine Rousseau, mieux vaut les laisser rentrer aussi en France pour mieux les contrôler …

  14. Ben voyons, les ukrainiennes ont des papiers et les algériens nen ont pas… Ils y a quand même 500 non ukrainiens qui aujourd’hui profitent du système mis en place…

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