Retour du concours écrit à Sciences Po : cela suffira-t-il ?

Sciences Po

Trois ans et puis s’en va. En 2021, Sciences Po révolutionnait son mode de recrutement et de sélection en supprimant le concours écrit d'admissibilité, épreuve phare et redoutée. Seuls le contrôle continu sur les années de lycée, une lettre de motivation et les notes obtenues au baccalauréat étaient désormais retenus comme critère de sélection par l’institution de la rue Saint-Guillaume. Mais trois ans seulement après cette réforme, décriée par nombre d’anciens étudiants et par l'UNI, syndicat étudiant de droite, Luis Vassy, le tout nouveau directeur de l’IEP de Paris, songe à rétablir un concours écrit. Un projet qui couvait déjà depuis plusieurs mois, mais qui devrait être mis en œuvre dès la rentrée 2025. Dans un entretien aux Échos, il explique ainsi : « À Sciences Po, nous assumons l'excellence. C'est ce qui va nous amener, dès cette année, à modifier les procédures d'admission de manière que, en plus des notes de contrôle continu reçues sur Parcoursup, nous soyons capables de comparer les mérites des étudiants avec un instrument qui les mette tous à égalité. » Sur le site de Sciences Po, il est précisé que « cette épreuve écrite permettra de conserver l'excellence comme principal critère de recrutement ». Mais si les contours de cet examen restent encore flous, Luis Vassy précise néanmoins que cette épreuve sera « socialement non discriminante »… Alors que l’école reste prisonnière de nombreux militants qui entachent son image, cette décision marque-t-elle un premier pas vers le retour de l’excellence ?

Mise en place d’un nouveau concours

Pour l’heure, difficile de déterminer les tenants et les aboutissants de cette épreuve écrite. Avant 2021, le concours d’admission était constitué d’une épreuve de langue, d’une épreuve de spécialité (français/philosophie, mathématiques ou économie) selon la filière et d’une épreuve d’histoire-géographie. Mais il est peu probable que Sciences Po décide de rétablir ce modèle de concours. D’une part, parce que les filières et les matières enseignées au lycée ont changé. D’autre part, et surtout, parce que ces épreuves étaient à l'époque jugées discriminantes envers les personnes issues d’un milieu moins aisé.

Une épreuve de questions contemporaines, construite sur un thème connu des élèves et sur une bibliographie, comme il en existe pour le concours commun des IEP de province, pourrait être mise en place. Elle aurait l’avantage de ne léser aucune filière du baccalauréat ni d’être « discriminante ». Un groupe d’études planche sur le sujet et devrait prochainement dessiner le visage de ce nouveau concours.

Le RN demande la fin des subventions

En février, alors que la précédente direction songeait déjà à rétablir un concours écrit, l’UNI Sciences Po pointait du doigt les failles de l’admission sur dossier. Le syndicat dénonçait notamment les « inégalités engendrées » - la lettre de motivation est bien souvent rédigée avec le soutien de l’entourage quand celui-ci est présent - et « la généralisation de l’utilisation de l’intelligence artificielle », qui pouvait fausser les candidatures. L’annonce du retour d’une épreuve écrite réjouit donc le syndicat étudiant de droite, qui l'appelle de ses vœux depuis plusieurs années.

Autre mesure forte : le nouveau directeur a également décidé d’interdire temporairement l’accès au campus à quatre étudiants ayant participé « à une action dirigée contre les représentants de quatre entreprises ». Une décision qui révolte les syndicats de gauche mais qui marque le retour d’une certaine fermeté à la tête de l'établissement. Un moyen, également, de rassurer les soutiens financiers de l’école, inquiets de la tournure des événements au sein de Sciences Po. Mais cela suffira-t-il pour redonner un cap à une école devenue, au fil des années, davantage le théâtre du militantisme d’extrême gauche que le lieu de formation des élites françaises ? N’est-ce pas trop tard ?

Face aux dérives, trop nombreuses, qu’a connues l’école ces derniers mois, la région Île-de-France avait décidé, dès le mois d'avril dernier, de suspendre ses subventions (un million d'euros). À l’Assemblée nationale, alors que les parlementaires travaillent à trouver des économies sur le budget de l'État, le Rassemblement national entend ainsi déposer un amendement pour supprimer la subvention de 80 millions d’euros versée à Sciences Po. Cette mesure, certes symbolique, est justifiée, selon les élus, par la dérive militante de l’école. La tâche de redonner à l’école ses lettres de noblesse s’annonce ardue pour Luis Vassy, mais pas impossible. S’y emploiera-t-il avec sérieux ?

Clémence de Longraye
Clémence de Longraye
Journaliste à BV

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