Retour sur le 49.3 : Emmanuel Macron, autocrate contrarié
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Joyeux Noël, patronne ! En décembre 2022, au cours du traditionnel dîner de fin d’année qui rassemble les membres du gouvernement, Élisabeth Borne a gaiement enfilé un maillot de football offert par ses ministres, floqué des chiffres 49 et 3 en référence à l’article de la Constitution auquel elle a déjà recouru plusieurs fois depuis qu’Emmanuel Macron l’a nommée Premier ministre, le 16 mai 2022. Ce qu’on se marre, à Matignon !
Le 16 mars dernier, pour faire adopter à l’Assemblée nationale sa réforme des retraites, Élisabeth Borne s’est à nouveau servie du 49.3, pour la onzième fois en dix mois. Elle est partie pour battre le record de Michel Rocard, qui en avait usé vingt-huit fois en trois ans ! C’est pourtant un aveu de faiblesse, car elle a utilisé cet article de la Constitution, non seulement pour lever l’obstruction créée par la NUPES, mais surtout par crainte de ne pas disposer d’une majorité suffisante pour que le texte soit voté.
Faut-t-il dénoncer, comme l’extrême gauche, un « déni de démocratie » du pouvoir macronien ? L’article 49.3 n’est pas neuf : avant Élisabeth Borne, quinze autres Premiers ministres de la Ve République en ont fait usage, quatre-vingt-neuf fois au total. Macron régnant, Édouard Philippe y avait déjà eu recours pour faire adopter en première lecture au palais Bourbon… le précédent projet de réforme des retraites ! En matière d’autoritarisme, le 49.3 n’est d’ailleurs pas comparable avec les mesures autoritaires prises pendant le premier quinquennat Macron dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire et du régime de « sortie de crise ».
L’état d’urgence a été institué par la loi du 3 avril 1955 pour permettre de faire face à un « péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public » ou à des « événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique ». Excipant de la lutte contre le Covid-19, Emmanuel Macron crée, par la loi du 23 mars 2020, un état d’urgence « sanitaire » qui lui donne le pouvoir de légiférer par ordonnances : il en publiera quelque 350 pendant son quinquennat.
La restriction des droits et libertés
La France subit alors une restriction draconienne des libertés publiques et individuelles, marquée par les confinements, les couvre-feux, le port du masque obligatoire, les atteintes aux libertés de circulation, de réunion, de culte, de manifestation, d’entreprendre, de commercer, de travailler, de prescrire (pour les médecins libéraux), l’esseulement contraint des personnes âgées dans les EHPAD et maisons de retraite, la création d’un « passe sanitaire » puis vaccinal, discriminant, la mise à pied de salariés non vaccinés… Doublant le gouvernement, un Conseil scientifique et des Conseils de défense sanitaire prennent, dans l’opacité, des décisions qui bouleversent le quotidien des Français.
Certaines institutions s’en émeuvent. La Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) s’inquiète ainsi, dans un avis publié le 28 avril 2020, d’une « concentration entre les mains de l’exécutif du pouvoir de restreindre les droits et libertés que la République n’a jamais connue en temps de paix ». Et la présidente de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), Marie-Laure Denis, évoque devant la commission des lois du Sénat, en juillet 2021, « un risque certain d’accoutumance à de tels dispositifs de contrôle numérique, de banalisation de gestes attentatoires à la vie privée » qui pourrait conduire à glisser, « pour d’autres considérations que la seule protection de la santé publique […], vers une société où de tels contrôles seraient la norme et non l’exception. »
Le personnel politique d'En Marche se conforme à cette conception despotique du pouvoir d’Emmanuel Macron : disposant de la majorité absolue, les godillots parlementaires de la Macronie prorogent les régimes d’exception (lois des 11 mai, 9 juillet et 14 novembre 2020, 15 février, 31 mai, 5 août, 11 septembre et 10 novembre 2021, 22 janvier 2022) qui auront duré du 23 mars 2020 au 31 juillet 2022. Le 30 juillet 2022, l’Assemblée nouvellement élue, retrouvant une autonomie, retoque, au grand dam d’Élisabeth Borne, la version allégée du « passe vaccinal » présentée par le gouvernement. Celui-ci, ne pouvant plus gouverner par ordonnances, cherche un autre moyen d’imposer sa politique : adieu état d’urgence, bonjour 49.3… Mais l’utilisation de cette béquille se complique après le dépôt, au mois de mars, d’une motion de censure transpartisane qui a manqué faire chuter le gouvernement, à neuf voix près. Emmanuel Macron risque d’avoir de plus en plus de mal à satisfaire ses pulsions autocratiques.
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« Mon Dieu pardonnez leur, ils ne savent pas pour qui ils et elles ont votés….et même revotés ». S’ils et elles savaient jusqu’au très fond du C.V., du cursus ! ! !