Retraites : vers une crispation de la France profonde contre Macron ?

macron

Les journées de mobilisation contre la réforme des retraites se suivent et le flux ne se tarit pas. Au contraire : pour cette quatrième journée, les cortèges ont été fournis, notamment dans les préfectures et les sous-préfectures. Depuis le début du mouvement, c'est le phénomène qui retient l'attention : la surmobilisation de la France des sous-préfectures. Dès le 31 janvier, les 8.000 manifestants de Châteauroux, les 10.000 de Foix, les 11.000 de Rodez avaient surpris et Jérôme Fourquet, le grand oracle de la France archipellisée, y était allé de son analyse dans Le Figaro. Pour lui, c'était d'abord « la France manifestante » qui était de sortie, celle du secteur public, dans des petites villes où les fonctionnaires sont surreprésentés. Ce 11 février, le phénomène s'est répété : des petites villes comme Montauban, Agen ou Albi ont battu de nouveaux records de mobilisation.

Bien sûr, la gauche est à l'affût de ce mouvement populaire porté par les syndicats. La fondation Jean-Jaurès qui l'analyse dans une note intitulée « La gauche et les sous-préfectures : la révolte inattendue », publiée le 8 février, espère que les partis de gauche pourront se refaire la cerise à cette occasion. Et, en effet, Jean-Luc Mélenchon est omniprésent. Après une série de mouvements populaires atypiques - gilets jaunes, manifestations contre le passe sanitaire -, la France aurait repris le chemin normalisé des luttes syndicales contre un pouvoir libéral. Retour au XXe siècle. Et cette contestation balisée rassurerait l'exécutif : pour le moment, il n'y aurait pas de convergences des luttes avec les gilets jaunes.

C'est se rassurer à bon compte et méconnaître l'état du pays. Si l'exécutif l'avait d'ailleurs correctement apprécié, il n'aurait jamais lancé cette réforme à ce moment-là. Certes, on ne voit guère Laurent Berger ni Philippe Martinez se muer en véritables révolutionnaires et mettre le feu aux ronds-points. Eux aussi doivent se rassurer en contemplant leur pouvoir de mobilisation retrouvé.

Mais l'essentiel est ailleurs : cette réforme arrive au moment précis où les ménages comptent les dégâts financiers causés par l'inflation, les prix vertigineux de l'énergie et du carburant, et voient fermer, les uns après les autres, les commerces de leurs villages. Les gilets jaunes furent en quelque sorte des précurseurs, des premiers de cordée. Mais désormais, c'est toute la France populaire des sous-préfectures qui voit fondre sur elle le spectre de la « gilet-jaunisation ». Des comptes rapides entre trimestres manquants, temps partiel et décote lui ont révélé l'ampleur du déclassement qui allait être le sien à la retraite. La vie active était loin d'être rose, la retraite s'annonce noire.

L'autre erreur de l'exécutif est d'avoir pensé qu'il pourrait compter sur le soutien des actuels retraités, épargnés par cette réforme. Or, les enquêtes d'opinion ont montré que les retraités, notamment populaires, étaient majoritairement hostiles à la réforme. C'est toute une population qui voit le grand déclassement frapper à la porte.

Une fois de plus, Emmanuel Macron aura réussi à crisper le pays et, quelle que soit l'issue du conflit, il aura des conséquences politiques. La gauche espérera en être la grande bénéficiaire. C'est oublier que, dans la France périphérique, l'exaspération née du sentiment d'être méprisé et relégué profite systématiquement au Rassemblement national, comme l'a montré la forte progression du vote RN chez les fonctionnaires en 2022. Et le durcissement du mouvement qui se dessine pour début mars, s'il se traduit par des débordements et une incapacité du gouvernement à y faire face, risque de lui être aussi favorable.

Frédéric Sirgant
Frédéric Sirgant
Chroniqueur à BV, professeur d'Histoire

Vos commentaires

62 commentaires

  1. Le problème, c’est que même ceux qui accepteraient une augmentation raisonnable de l’âge de la retraite, ne sont pas prêts à soutenir un gouvernement qui a montré tant de complaisance avec les réformes « sociétales » aberrantes et n’acceptent plus la démocratie après le referendum de 2005 bafoué. Pour l’instant ils s’abstiennent en grande majorité. On va donc au-devant de tous les dangers et la NUPES est prête à en profiter. Macron compte sur un réflexe de soutien face à l’émeute et a renforcé les moyens matériels des forces de l’ordre, mais je ne suis pas sûr que les Français ( et même les policiers) soient prêts à le soutenir quoi qu’il arrive !

  2. Soyons sérieux : les écolos, les socialos, les cocs, LFI qui manifestent dans la rue contre la Réforme Macron (Zemmour?) ont voté Macron en 2017 et 2022 , et sont les descendants de la « gauche plurielle » de Jospin premier ministre qui, en 2002, a signé le protocole européen de Barcelone qui prévoyait la fin des retraites que nous connaissons (et le fin du service public « à la française ») . Alors, ces gens là, il faut bien comprendre que leur action sert de faux nez à Macron (et aux mondialistes).

    • Oui il est bon de rappeler ce fameux épisode où Jospin avait été à Barcelone en 2002 pour négocier le début de la fin de notre système de retraites avec ses partenaires européens mais rappelons nous aussi que cela lui a valu peut-être d’avoir été éliminé du second tour des élections présidentielles au profit de Jean Marie Lepen !

      • j’espère que les descendants de Jospin et de la « gauche plurielle » seront alors éliminés au profit de MLP, ce serait dans l’ordre des choses!

  3. A quand la destitution ?
    Tout ceux qui on trouvé malin de ne pas voter aux présidentielle ont voté Macron. Sans compter tout ces gauchistes qui aujourd’hui s’en plaignent. Si la situation n’était pas tragique, on pourrait en rire.

  4. Les français rejettent ce qu’ils avaient déjà baptisé le « bling-bling-sarkozien », pourtant calmé sous le « plouc-plouc-hollandiste », mais qui sous Macron c’est transformé en une insupportable suffisance, pas seulement de Macron lui-même, mais de ce couple d’une arrogance qui dépasse tout.
    La bling-bling paraît alors bien pâle comparé à ce mépris consciemment affiché sans retenue, à l’égard des « petits ».
    Les français dans l’ensemble forment un peuple populaire, dans le bon sens du terme, mais pas nécessairement vulgaire, mais c’est pourtant l’image contraire que leur renvoient le couple de l’Élysée.
    L’image de parvenus nouveaux riches que renvoient les Macron, va à l’opposé de l’image que les français se font d’eux-mêmes, de leurs traditions, et surtout de la France.
    Les français n’en peuvent plus, ils se sentent insultés par leur président et le sont presque quotidiennement, ils se sentent méprisés par le couple présidentiel, aussi ils ne craignent plus de manifester leur dégoût profond de tout ce que l’on cherche à leur imposer et dans lequel ils ne se retrouvent pas !

  5. Ces manifestations marquent bien le clivage profond entre les deux France : celle des grandes métropoles élisant un maire écolo-gaucho, et la France profonde et rurale, la Province disons, pour faire ressurgir un mot désuet. Province de plus en plus méprisée par le pouvoir. Or le peuple provincial peut tout supporter, et la crise Covid l’a encore prouvé, de même qu’aujourd’hui l’inflation artificielle de l’énergie, tout sauf une chose : le mépris. Or Macron méprise viscéralement la Province…

    • « Province de plus en plus méprisée par le pouvoir.  »
      Ce pouvoir si plein de suffisance qui vomit, voire emmerde, tous ceux qui ne supportent pas ou plus sa gouvernance débile et toxique pour la France et les Français

  6. Dac. Et comme ce  »hasard malencontreux de l’histoire » ne nous aime pas il il y aura crispation réciproque : il partira avant terme, tentant d’imiter de Gaulle en 1969

  7. Macron est tranquille, il ne brigue pas un nouveau mandat, et quand il aura bien mis la M… E. Il laissera les commandes au RN. Quand à la gauche c’est un agglomérat qui n’a plus de légitimité populaire à part les bobos.

    • Croyez vous ? Moi je le vois très bien se débrouiller pour partir et mieux revenir surtout si le prochain Président n’est qu’un faire-valoir genre E. Philippe

    • Macron ou le suicide assisté , Macron tient la seringue … hélas bien lucide le Patgic , la France en phase terminale …

  8. oui le peuple en a marre de cet incapable destructeur de la France , qui sème un pognon de dingue partout dans le monde et rien pour les français, qui nous humilie et qui en plus nous emmène à la guerre , il a mis la France à ras de terre , alors oui Dehors, avant qu’il ne reste vraiment rien !!

    • Il serait grand temps! Mais il n’est pas certain qu’une bonne partie des électeurs connaisse le terme DESTITUTION!

    • Qui va le destituer, les assemblées ont des politiques peu chauds pour la demander et il n’y a qu’un à deux millions du peuple français qui parcoure les rues le samedi avec quelques pancartes où est inscrit D’émission. Macron n’a rien à craindre, il a beau jeu avec les médias pour anesthésier les citoyens et il a les forces des diverses polices pour dissuader le peuple d’aller plus loin qu’une manifestation. La matraque est prévue éventuellement.

    • DESTITUTION! Tout le monde se plaint et personne ne bouge. Les différents partis politiques , au lieu de se tirer dans les pattes feraient mieux de s’unir en laissant leur étiquette devant la porte. Mais là, je rêve!

  9. Les Français sont contre cette retraite, et aussi contre Macron. Macron l’homme qui dit tout et son contraire ! En 2019 il déclarait ne pas vouloir s’attaquer à une réforme, il fait le contraire. OK , on répondra que dans ses promesses de campagne , il était revenu sur sa déclaration, mais il a changé d’avis sur le nucléaire , les places de prison , il n’a pas tenu sa promesse , idem pour l’indexation des retraites sur l’inflation, idem pour le pass sanitaire, prix de l’énergie qui s’envole ,etc….. Les Français ne lui font plus confiance, et cette réforme c’est l’occasion de dire Stop. Enfin , cette réforme mal expliquée , bâclée, injuste pour les femmes, cristallise les mécontentements.

  10. La France n’est plus gérée. C’est un véritable radeau de la Méduse qui vogue au gré du vent qu’insuffle le grand prêtre du Dieu Eole : Macron. Poussé par la finance tel un pantin agité au bout de ses ficelles aidé par les médias soumis ce pseudo président n’ayant exercé au cun mandat électoral est apparu au grand jour sur le trône Élyséen. Comment as t-on élu ce météore inconnu de la politique ? Les campagnes électorales sont bourrées de menteurs qui promettent monts et merveilles se dénigrant les uns et les autres. Nous en avons le résultat, une république bananiere s’est installée dans un des plus beaux pays du monde. Le système électoral est à revoir et un nettoyage politique en profondeur s’impose avant la chute.

  11. Les français ont mis du temps, mais il me semble qu’il sont entrain de comprendre que macron, c’est mépris, mensonge, arrogance, narcissisme, manipulation.
    La réforme de la retraite est un plus au ras le bol général de l’ère macron, alors les français agissent :
    « Macron veut nous emmerder, emmerdons le » voilà on récole ce qu’on sème.
    Jamais nous n’avons eu un président aussi répulsif, même hollande tout incompétent qu’il était, n’a pas fait pire .Un désastre. C’est tout simplement un désastre que vit actuellement la France. Le mot « crise » ne suffit plus à définir la situation présente. Tout va de mal en pire, l’insécurité, l’économie, la santé, l’éducation et pendant ce temps les citoyens voient macron se rengorger, se gaver, c’est insupportable.

  12. Tout le monde sait que la retraite est un point sensible chez les français. Logiquement, Macron ne devrait pas céder, quitte à : »griller  » la première ministre. Pour autant, il faudra bien un jour introduire une part de capitalisation dans les retraites. Le système suisse est sûrement le meilleur.

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