Revendre ses cadeaux : mal ou malin ?

cadeaux noel

Les Allemands les offrent à la Saint-Nicolas, les Français pour Noël, les Espagnols à l'Épiphanie. Censés faire plaisir, il arrive parfois qu'ils déçoivent ou, pire, qu'ils agacent : on prête au livre de cuisine offert par telle belle-mère un message subliminal, au dernier roman de Philippe de Villiers ou d'Annie Ernaux choisi par tel beau-frère une sournoise provocation ou une visée prosélyte. Il s’agit, bien sûr, des cadeaux de Noël. Le sujet de leur revente est devenu, pour la presse, un marronnier de l’entre-deux-fêtes. Selon un sondage Ipsos récent, un Français sur deux, cette année, serait prêt à revendre un cadeau, 8 points de plus qu'en 2021. Les Français seraient donc de plus en plus décomplexés sur ce sujet ; la faute, nous dit-on, à l’inflation, à la baisse du pouvoir d’achat et à l’explosion des sites de revente d’occasion, façon lebonboin, eBay ou Vinted. Nombre de médias vantent l’aspect malin et pragmatique de la démarche, mais si celle-ci était surtout un signe de plus de décivilisation, une victoire de l’individualisme et du consumérisme ?

« Revendre ses cadeaux de Noël, est-ce vraiment mal ? », demandait, en 2019, le site du Figaro Madame à une psychothérapeute. Sylvie Tenenbaum, auteur de Pensez enfin à vous !, n'y voyait aucun inconvénient : « Au fond, plutôt vendre le cardigan offert par sa grand-tante que de le laisser moisir au fond du placard, non ? » Sans doute nombreux sont les lecteurs, y compris parmi ceux qui ont offert des cadeaux cette année, qui lui donnent raison : foin du sentimentalisme (de ceux qui ont l'impression de mettre leur gentille tante sur eBay en même temps que le cardigan violet), vive le pragmatisme !

Pourtant. Qui pouvait prévoir que le « pull moche » de Noël - à tête de cerf, réputé tricoté main, venu des pays anglo-saxons et popularisé par Bridget Jones - deviendrait, un jour, follement festif et à la mode, donnant même lieu à des soirées en entreprise et entre amis ?

Du reste, ceux qui revendent le cardigan préfèrent que la grand-tante ne le sache pas. Ils ont bien conscience qu’elle en serait peinée. Comme cet auditeur des « Grandes Gueules », sur RMC, qui, il y a quelques jours, a raconté à l'antenne avoir vu sur le dos d’un ami de son frère le blouson en cuir qu’il lui avait offert la veille. C'était il y a dix ans. Blessé et mortifié, il ne lui a plus fait de cadeau depuis.


Car un cadeau n’est pas qu’une valeur marchande, sinon, on remplacerait les souliers sous l’arbre de Noël par un tiroir de caisse enregistreuse, un temps pris pour son prochain, celui du choix et de l’emballage. Revendre le cadeau, c’est le réduire à un ticket de carte bleue et dire, en filigrane, tu ne me connais pas, tu ne sais pas ce que j’aime et tu as mauvais goût.

Imagine-t-on Charles X revendre la girafe qui lui avait été offerte par Méhémet Ali, vice-roi d’Égypte ottomane, en 1827, dont pourtant l’utilité, au départ, n’était pas forcément flagrante ? Ou le pape François mettre subrepticement sur eBay le Bernanos donné par Macron en 2018 lors de sa visite officielle. Il l’avait pourtant sûrement déjà lu, attendu que Le Journal d’un curé de campagne est un best-seller de séminaire, même à l’étranger. La diplomatie, ce n’est pas seulement entre États, elle doit aussi régner dans les familles. Alors, si on laissait au cadeau sa chance… disons jusqu'en février ? Si on tentait au moins de lire, avant de se coucher, le premier chapitre de la correspondance entre saint François de Sales et sainte Jeanne de Chantal au risque de la trouver fantastique… ou, au pire, soporifique, ce qui, le soir, a aussi son utilité.

Gabrielle Cluzel
Gabrielle Cluzel
Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

35 commentaires

  1. Le problème est la nature du cadeau offert et dans quelle circonstance celui ci va être choisi . Pour beaucoup, la période des achats de noël est plus vécue comme une corvée que comme un plaisir. Et donc les cadeaux seront choisis à la va vite sans vraiment réfléchir à ce que l’on offre sinon parfois de l’avoir vu dans une publicité . Pourtant un cadeau ne devrait pas être anodin, il devrait y avoir une part de réflexion et de sentiment dans ce que l’on offre . Ce qui ne veut pas dire se plier obligatoire au goûts de la personne concernée. Le cadeau est souvent accompagné d’un petit mot, parce que l’on offre aussi un peu de ce que l’on est . Au début des années 60 ma marraine, que je voyais très peu, m’a offert une collection de livres des « contes et légendes » de différents pays et civilisations . Elle ne savait pas réellement ce que je souhaitais mais j’ai aimé par la suite le fait qu’elle ait pensé à m’offrir des livres qui pouvait m’ouvrir l’esprit et le savoir . En m’offrant cela, alors que j’étais encore très jeune, elle supposait que je sois un garçon qui fût capable de les lire . Je les ai tous lu !

  2. On ne revend pas un cadeau, on ne le donne pas à quelqu’un d’autre non plus. C’est méchant, malpoli. Pour moi les personnes qui font ça sont comme des gosses gâtés, égoïstes et sans aucun savoir vivre.

    • He oui, vous pouvez mettre tous les qualificatifs, revendre un cadeau est un signe évident de j’m’en foutisme voir limite insultant. Faire un cadeau est une marque d’affection et de considération de la part de celui qui l’offre. D’ou ma décision depuis quelques années de ne plus offrir de cadeaux, quelque soit l’occasion, à ceux qui pratique ce genre de commerce. Ça éclairci le cercle relationnel et en assaini les bases.

      • Plus de savoir vivre, plus de respect, plus d’honneur, plus d’amour propre, plus d’affection etc… Société individualiste, égocentrée, sans-gêne, éhontée, méprisante… carrément déshumanisée. Beurk !

  3. Il faut mieux ne pas offrir de cadeaux quand on sait à l’avance qu’ils risquent d’être revendus . Un cadeau à toujours une valeur sentimentale. Il faut mieux donner un chèque que les enfants dépenseront à leur guise .
    Il leur suffira qu’ils nous disent ce qu’ils ont acheté avec ce chèque , et tout le monde sera content .

  4. Hormis les legs et autres héritages, et hors d’une situation de précarité qui contraigne à faire feu de tout bois, j’ai du mal à comprendre que l’on revende ce qui a été offert : « Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement » (Mt, 10, 8)

  5. J’ai toujours trouvé que vendre des cadeaux surtout reçus à Noël était parfaitement malhonnête .
    Il faut les donner à d’autres ,à des associations , à l’Eglise .
    Cette pratique montre une fois de plus le délitement de notre société .

  6. Revendre un cadeau ? Certes si vous avez déjà le livre ou le CD , à la rigueur pourquoi pas , mais on peut aussi penser que celui qui l’a offert , a eu une bonne intention , celle de vous faire plaisir. Il a réfléchit à ce que vous aimez, et revendre son cadeau c’est aussi mettre en vente son amitié. Maintenant si la personne qui vous l’a offert , le fait uniquement pour respecter les convenances , alors c’est différent.

  7. C’est moche ,nul et prouve une baisse dans l’éducation des gens ..et cette recherche du fric me dégoûte profondément .

  8. Que cela devienne un processus systématique au lendemain de Noel est emblématique d’une civilisation qui a encore perdu un autre de ses repères, la signification du cadeau, symbole de l’attachement que l’on éprouve vis à vis d’une autre personne.

  9. Ou alors me concernant, je donne le surplus à une association, mais vendre un cadeau de Noël donné à proximité de la crèche, jamais.

    • « surplus » ? Vous voulez dire  » en double » ?
      Dire  » merci », c’est bien aussi, même quand on n’aime pas la musique, sauf les marches militaires..
      Je note que les envois postaux avec plein de jolis timbres, s’ils ne sont pas déposés contre la crèche familiale, ne valent pas plus qu’un pet de lapin ( pour les gens de castes supérieure qui ont déja tout et le superflu..)

  10. Énorme avantage : ça évite de parler de choses qui fâchent comme la prise d’otages de 200.000 Français, pour le week-end de Noël, par une poignée d’individus nombrilistes, avec tous les drames humains induits…

  11. Revendre ses cadeaux ? C ‘est une possibilité que l ‘ on aurait jamais envisagé dans le temps ;
    Tout dépend des circonstances , du donateur , de l ‘ objet lui même , mais les sites de reventes étant devenus omniprésents , l ‘ idée est tentante , ce cadeau sera enfin le bienvenu …
    Le tout étant tout de même de rester le plus discrêt possible .

  12. Revendre ses cadeaux c’est pas top viv à vis de celui qui vous l’a offert . C’est souvent un cadeau choisi avec amour donc avant de revendre pensez y .

  13. La magie de Noël tout doucement s’estompe emportée par un consumérisme toujours grandissant. Mais, j’ai bien l’impression qu’avec la chute de notre modèle économique, beaucoup ne vont pas comprendre que seules nos racines chrétiennes soient notre salut pour retrouver l’espoir.

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