Révocation de Jean-Luc Coronel de Boissezon : histoire de l’atteinte à un tabou

Jean-Luc Coronel de Boissezon

Ce 27 septembre 2024, le Conseil d’État a révoqué définitivement le professeur agrégé Jean-Luc Coronel de Boissezon de l’université de Montpellier, pour participation à l’évacuation d’étudiants opposés au projet de réforme de l’université qui occupaient la faculté en mars 2018. L’aboutissement d’une procédure judiciaire complexe de six années que l’universitaire, aujourd'hui enseignant-chercheur à l'ISSEP, dénonce comme un « acharnement des autorités », « sous la pression de certains médias et des organisations d’extrême gauche ». Décryptage.

 

Sabine de Villeroché. Que s’est-il réellement passé, la nuit du 22 au 23 mars, à l’université de Montpellier. Pourquoi avez-vous été sanctionné ?

Jean-Luc Coronel de Boissezon. C’est un cas d’école de l’inversion médiatique du réel. Il a été dit que j’avais favorisé une « intrusion d’éléments extérieurs » pour « déloger des étudiants grévistes », alors que l’intrusion a été celle des occupants, militants d’extrême gauche extérieurs à l’établissement, introduits dans les locaux par un syndicaliste SNESUP et militant LFI qui n’a fait l’objet d’aucune poursuite disciplinaire.

De même, les médias ont dénoncé le scandale d’une « évacuation violente » alors que la première évacuation a été perpétrée par les occupants qui, vers 22 heures, ont voté « l’exclusion » des étudiants et enseignants en droit qui s’opposaient au blocage de leur Faculté et les ont poussés dehors, les molestant et les frappant ! La seconde évacuation de l’amphi, qui a eu lieu vers minuit, ne fut que la réponse à la première ; elle s’est simplement déroulée dans l’autre sens. Les médias ont repris en chœur les éléments de langage des arroseurs arrosés, qui avaient occupé l’amphi par la force et s’en étaient fait sortir par la force : ils ont parlé de « commando d’extrême droite », « cagoulé et armé » !

La vérité est que, dans la mesure où le préfet avait refusé de faire intervenir la force publique, le doyen Philippe Pétel, confronté à une situation devenue intenable, a décidé d’user de son autorité de police, en tant que directeur d’UFR, pour faire évacuer l’amphi au moment où il s’y trouvait le moins d’occupants. Il a usé pour cela de l’équipe de sécurité-incendie, en chandails d’uniforme rouges sur les vidéos de l’événement, et a également sollicité le concours de quelques personnes qui avaient fini par rejoindre, elles aussi, la Faculté pour porter secours à ses légitimes usagers ; le doyen les a recrutés dans l’urgence à la manière des « collaborateurs occasionnels du service public » reconnus par la jurisprudence administrative. Je ne me suis pas désolidarisé de sa décision et ai donc participé à l’évacuation, faisant en sorte qu’elle se passe le moins mal possible. Ce qui fut le cas : les occupants de l’amphi ont été évacués en à peine plus de deux minutes et une seule personne parmi eux a eu un jour d’ITT, l’autre personne s’étant vu pareillement reconnaître un jour d’ITT n’étant autre que moi-même. Sur les vidéos, on voit nos étudiants applaudir de joie et de soulagement, et le lendemain, j’ai été accueilli par les félicitations chaleureuses de nombreux collègues.

 

S. d. V. Quelles sanctions vous ont été infligées ? Avec quelles conséquences pour votre vie professionnelle ?

J.-L. C. d. B. Une fois que le tribunal médiatique est passé, l’appel est le plus souvent impossible. Dans l’ordre judiciaire, le tribunal correctionnel m’a condamné pour « violences en réunion » à l’invraisemblable peine de quatorze mois de prison, dont six ferme, et un an d’interdiction de fonction publique, avant que la cour d’appel ne réforme ce jugement, le réduisant à douze mois avec sursis, avec relaxe partielle et absence d’interdiction professionnelle. Par ailleurs, dans l’ordre administratif, j’ai d’abord été déféré devant une section disciplinaire délocalisée à la demande du président de l’université de Montpellier qui souhaitait voir l’affaire s’éloigner de lui, et livré à quatre élus syndicaux de Jussieu (Sorbonne Université), dont Marie-Christine Marcellesi, signataire des appels d’universitaires en faveur de Jean-Luc Mélenchon à chaque élection présidentielle. Ces gens ont prononcé contre moi une « révocation et interdiction définitive de toute fonction dans un établissement public » assortie d’une exécution provisoire rendant l’appel non suspensif !

J’ai ainsi tout perdu, rémunération, statut et possibilité de travailler dans mon milieu professionnel, cela étant encore aggravé par le ciblage médiatique. Le CNESER disciplinaire a fini par m’entendre en appel et ma monstrueuse sanction a été réduite à quatre ans de suspension sans rémunération. Mais c’est alors qu’une poignée de revanchards s’est mobilisée contre mon retour, relayés avec insistance par France 3 Occitanie, qui, comme la plupart des antennes régionales du service public, se situe très à gauche. Le président de l’université, Philippe Augé, s’est pourvu en cassation devant le Conseil d’État et a obtenu le soutien du ministre de l’Enseignement supérieur Sylvie Retailleau. Le Palais-Royal a fait droit à ces pourvois et a annulé ma réintégration, renvoyant l’affaire au CNESER, qui m’a réintégré à nouveau ! Fort mauvais joueurs, M. Augé et Mme Retailleau ont alors dépassé les bornes de l’acharnement et se sont pourvus devant le Conseil d’État une seconde fois, obtenant aux forceps ma révocation.

 

S. d. V. Pourquoi cet acharnement ?

J.-L. C. d. B. Il trahit la panique conjuguée de trois pouvoirs à la légitimité de plus en plus douteuse, cherchant à tout prix à conserver leurs positions, aux dépens du bien commun. Il y a d’abord la volonté de la gauche de garder un règne sans partage sur l’enseignement, et notamment sur l’université, en raison de sa stratégie « gramscienne » d’hégémonie culturelle déployée depuis soixante-dix ans. En osant mettre dehors des occupants illégaux, j’ai porté atteinte à un tabou, celui de l’impunité de l’extrême gauche, marge avancée du progressisme, qui donne le ton dans l’ensemble des lieux de production du discours autorisé, universités et médias, sphères de cooptation très éloignées des souhaits de la grande majorité des Français, aux dépens desquels ils vivent pourtant de l’argent public.

Ensuite, il y a la crispation du pouvoir d’État, entre les mains d’une classe politique responsable de la situation dramatique de notre pays et qui réprime tout ce qui pourrait la remettre en cause. Ce fut visible dans le premier jugement pénal, me condamnant à de la prison ferme alors qu’il n’y avait pas même de parties civiles, donc pas de véritables victimes ! J’étais condamné pour l’exemple, afin que soit dissuadée toute tendance à la légitime défense, dont on sait qu’elle croît dans notre société confrontée à l’insécurité que l’État ne se donne pas les moyens de stopper. Enfin, il y a la poursuite de son seul intérêt par le président de l’université, qui a cédé à la pression de la gauche, incarnant de façon emblématique nos fausses élites invertébrées.

Sabine de Villeroché
Sabine de Villeroché
Journaliste à BV, ancienne avocate au barreau de Paris

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