Ribera et Jørgensen : deux antinucléaires à la tête de l’Union européenne

Capture écran Commission européenne
Capture écran Commission européenne

Bien que passées inaperçues auprès du grand public, trois nomination récentes ont fait grand bruit, dans le microcosme de la Transition écologique.

L'énergie sous tutelle écologique

Bonne élève de la Macronie, la Française Agnès Pannier-Runacher a récupéré, au sein du nouveau gouvernement Barnier, un ministère de plein exercice au périmètre élargi : il fusionne la Transition écologique, l'Énergie, le Climat et la Prévention des risques. Courageuse et persévérante face à des partenaires européens majoritairement hostiles, Agnès Pannier-Runacher avait notamment arraché à l’Allemagne, en 2023, l’introduction de l’atome dans la taxonomie verte (énergies susceptibles d’être financées par des fonds européens).

Si cette nomination est cohérente avec le discours de Belfort prononcé par Emmanuel Macron en 2022, on peut en revanche regretter que l’énergie, repassée sous la tutelle du ministère de l’Économie dans le gouvernement Attal, retourne à l’Écologie. Une décision d’autant plus étonnante que le nouveau ministre de l’Économie et des Finances, Antoine Armand, fut en 2023 le rapporteur de la commission parlementaire Schellenberger sur la souveraineté énergétique française. Après avoir auditionné sous serment nombre de personnes influentes, la commission avait pointé d’invraisemblables errements et négligences ainsi que l’influence énergétique très défavorable de l’Union européenne. De son rapport, l’ancien député de Savoie avait tiré en 2023 un remarquable ouvrage, Le Mur énergétique français (aux Éditions Stock), que l’Institut Sapiens avait recensé. Espérons que cette stratégie n’augure pas l’évitement d’une remise en question en mettant la poussière sous le tapis !

Idéologues bruxellois

Parallèlement, Ursula von der Leyen, réélue à la tête de la Commission européenne, a présenté sa nouvelle équipe de commissaires. Au-delà du camouflet Breton/Séjourné dont la France se serait bien passée, deux nominations ont fait couler beaucoup d’encre. D’une part, l’ancien ministre (socialiste) de l’Énergie danois Dan Jørgensen couvrira l’énergie et le logement, tandis que la non moins socialiste espagnole Teresa Ribera a été proposée pour… la Transition (énergétique) propre, juste et compétitive (tout un programme !). En tant que première vice-présidente, elle fera office d’adjointe de von der Leyen à la tête de la Commission. Si ces deux nouveaux commissaires sont peu connus du grand public, ils le sont en revanche dans leurs pays respectifs pour leurs positions écologiques et énergétiques tranchées.

Défenseurs irréductibles du Green Deal dans sa version la plus radicale (c'est-à-dire 100 % renouvelables à terme), Ribera et Jorgensen sont également reconnus comme des opposants dogmatiques à l’atome, en ligne avec la stratégie défendue, en France, par EELV et LFI. Ce n’est donc pas un hasard si le Danemark et l’Espagne ont refusé de rejoindre l’initiative louable de onze États membres (France, Bulgarie, Croatie, République tchèque, Hongrie, Finlande, Pays-Bas, Pologne, Roumanie, Slovaquie et Slovénie) affirmant leur volonté de faire du nucléaire l’énergie prioritaire de la transition énergétique. Lors de l’âpre négociation au cours de laquelle la France avait gagné l’introduction de l’atome dans la taxonomie verte, Jorgensen en avait été l’un des opposants les plus radicaux. Son discours très marqué à gauche et inévitablement teinté de lutte des classes avait mentionné que l’énergie nucléaire avait été « soutenue par les partis bourgeois ».

Désastreux « Pacte vert »

Combattante résolue de la cause climatique depuis vingt ans, Teresa Ribera a été ministre espagnol de la Transition écologique et du Défi démographique entre 2018 et 2024. « En plaçant Ribera à la tête de ce portefeuille, von der Leyen envoie un message fort : l’Europe va poursuivre le Pacte vert », s’est délecté le média d’extrême gauche Reporterre.

Un Pacte vert que l’Europe continue de porter malgré des indicateurs économiques désastreux largement commentés dans le récent rapport Draghi, malgré la déconfiture annoncée de plusieurs filières européennes, dont une industrie automobile aux abois. La Commission est ainsi restée sourde à l’appel du PDG de Renault ainsi qu’à l’annonce de Volkswagen préparant un plan massif d'économies associé à la fermeture d'usines en Allemagne. Quoi qu’il en coûte en matière économique et sociale, l’agenda mortifère du Green Deal, dont l’arrêt de la vente des voitures thermiques neuves à partir de 2035, reste gravé dans le marbre. Quoi qu’il en coûte, l’Europe se suicidera sur l’autel de la vertu !

Si les Français se plaignent légitimement du non-changement de la politique hexagonale après les élections législatives, la même remarque s’applique à l’Union européenne. Le statu quo sera de rigueur au cours de la prochaine législature.

Philippe Charlez
Philippe Charlez
Chroniqueur à BV, ingénieur des Mines de l'École polytechnique de Mons (Belgique), docteur en physique de l'Institut de physique du globe de Paris, enseignant, expert énergies à l’institut Sapiens

Vos commentaires

3 commentaires

  1. L’Europe ne doit pas se suicider pour l’UE. Il faut contrer l’UE, en votant de façon à être en position de la menacer. Quant aux constructeurs automobiles, il leur faut s’unir et simplement rejeter un plan inacceptable car fait de clauses impossibles à satisfaire, comme l’arrêt du thermique en 2035.

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