Richard Ferrand : le péché originel de la présidence Macron
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Avec la marche du Louvre et les ors de Versailles, et ce nuage de grâce qui confine à de l'enfumage, on aurait tendance à oublier que notre nouveau Président n'est pas né de rien, ni de personne.
Il fut d'abord la roue de secours du socialisme hollandais. Et le premier à avoir empoigné le cric, à avoir participé à l'aventure Macron, à avoir piloté le mouvement En Marche !, ce fut donc ce député PS du Finistère, Richard Ferrand. Inconnu jusqu'à ce qu'il apparaisse sur les estrades des meetings, chauffant la salle pour le candidat. On ne lui fera pas l'injure de retranscrire toutes ses diatribes contre le candidat Fillon. Ni ses mensonges sur sa propre situation (l'emploi de son fils comme attaché parlementaire). La situation d'arroseur arrosé est suffisamment établie aux yeux de tous - presse et opinion – pour que sa démission ne soit plus qu'une affaire de jours ou d'heures. Mais l'arroseur arrosé, avec l'affaire Ferrand, c'est tout ce gouvernement, qui s'était engagé, avec M. Bayrou, sur un projet de loi sur la moralisation de la vie politique. Il se dit que sa présentation est repoussée pour des difficultés... techniques !
Mais, en fait, M. Macron se trouve bien embarrassé pour gérer ce qui est maintenant devenu un boulet pour lui. Car ce qui est en cause dans cette affaire, ce sont les liens pas vraiment transparents, pas très éthiques non plus entre le monde des mutuelles et les socialistes. M. Ferrand symbolise la permanence regrettable de toute une tradition politique française. Faut-il rappeler l'affaire Teulade avec la Mutuelle de retraite de la fonction publique, en 2011 ? L'affaire de la MNEF, dans les années 1990 ? Décidément, entre les socialistes et les mutuelles, le cordon n'a jamais été coupé. Le parcours et les pratiques de M. Ferrand le prouvent. Et M. Macron est aussi né de ce monde-là.
Mais en repoussant chaque jour cette démission inéluctable, le nouveau pouvoir érode son crédit tout neuf et que l'on dit grand. M. Philippe a remis le sort de son ministre aux mains des électeurs du Finistère ? Ont-ils le pouvoir de laver M. Ferrand de ses pratiques où vie privée, vie professionnelle au sein du milieu mutualiste et vie publique en tant qu'élu PS se croisaient beaucoup trop souvent, comme le révèle la dernière enquête du Monde ? Paradoxalement, la réélection de M. Ferrand sur ses terres bretonnes compliquerait encore la tâche du gouvernement et prolongerait le scandale.
Mais au-delà, c'est la personne et le crédit du Président lui-même qui sont atteints. Il s'agit tout de même de son plus proche lieutenant. Et M. Macron s'est personnellement engagé sur ces sujets de transparence et de moralisation. À qui fera-t-il croire qu'il ne savait rien de tout cela ? Qu'il a eu besoin d'un soudain réveil de la presse, enfin décidée à enquêter un peu sur les hommes de M. Macron - une fois l'élection acquise, cela va de soi -, pour découvrir les pratiques de son bras droit ?
On peut donc comprendre l'embarras de l’Élysée, et le souhait de donner du temps au temps pour que l'affaire fasse pschitt. Mais, si tel était le cas, cela révélerait que M. Macron, contrairement à ce que nous répète M. Bilger, n'a pas vraiment appris de son prédécesseur en ces matières. M. Hollande est mort politiquement au printemps 2013, sous le coup de l'affaire Cahuzac et de ces longues semaines de déni où Président et gouvernement lui ont maintenu leur confiance, faisant mine de découvrir la vérité, comme les Français moyens, dans leur journal.
M. Macron peut bien compter sur la capacité d'oubli des Français, sur la servilité de la presse et de la justice, qui ne sortent pas non plus grandies de leur inaction concernant M. Ferrand, après leur frénésie anti-Fillon et anti-FN. Mais l'affaire Ferrand restera bien le péché originel de sa présidence.
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