Richard Ferrand sauvé par le RN : va comprendre !

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Après un suspense insoutenable, Richard Ferrand devrait donc être nommé président du Conseil constitutionnel pour neuf ans. Par grâce magistrale d’Emmanuel Macron et grâce au nihil obstat du Rassemblement national. « Va comprendre, Charles ! », comme disait le regretté André Pousse.

Il s'en est fallu d'un poil...

Laurent Wauquiez ayant annoncé, mardi 18 février, que les députés LR de la commission des lois de l’Assemblée nationale s’opposeraient à la candidature de l’ancien locataire du perchoir, on pouvait penser que l’affaire était réglée : un tir de barrage des trois cinquièmes des parlementaires des commissions des lois des deux chambres renverrait l’ancien député du Finistère à ses chères études. Car, même si le RN, jusqu’à ce jour, était resté relativement silencieux, pour ne pas dire ambigu, sur sa position quant à la candidature de Ferrand, on pouvait imaginer que le premier parti d’opposition à Emmanuel Macron s’opposerait au premier des macronistes. De la même façon, d'ailleurs, que l’on pouvait imaginer que les LR, qui gouvernent actuellement avec les macronistes, ne s’opposeraient pas à la désignation de Ferrand. Cela devient compliqué de suivre tout ça ! Comment, alors, expliquer cette surprise stratégique qui doit à l’évidence susciter l’incompréhension, voire la colère, de l’« électeur de base » ? D’autant qu’il s’en est fallu d’un poil, c’est-à-dire d’une voix, pour que la candidature de Ferrand soit rejetée.

On aurait pu sabler le champagne...

Imaginons, en effet, ce qu’aurait été la situation si Ferrand avait été blackboulé par les trois cinquièmes des parlementaires. Cela aurait été une première, depuis la réforme de 2008 lancée par Sarkozy qui oblige les candidats au Conseil constitutionnel à passer un casting parlementaire. Un désaveu pour le candidat Ferrand mais surtout, d’abord, essentiellement, un échec cuisant, cinglant, humiliant pour Emmanuel Macron. Et une victoire tactique pour la coalition des contraires au Parlement, allant du RN aux LFIstes, en passant par les LR, un coup dans l'opposition, un coup dans la majorité. On aurait sans doute sablé le champagne, tant dans le camp national qu'à gauche. Alors, pourquoi donc le RN s’est-il privé d’offrir ce petit moment de jouissance à sans doute une majorité de Français, tout du moins à ceux qui s’intéressent un tant soit peu à la tambouille politique ?

Deal ou pas deal ?

La gauche et la droite, qui n’ont jamais rien négocié avec Macron (c’est bien connu), affirment, sans preuves, que Marine Le Pen a passé un deal avec le président de la République. « Quel accord secret ? », a lancé Mathilde Panot. Le LR Olivier Marleix ne dit pas autre chose en évoquant « un deal secret entre Marine Le Pen et le Président Macron », ajoutant : « On a évidemment envie de penser aux prochaines décisions que doit prendre le Conseil constitutionnel. Il y a une QPC [question de priorité constitutionnelle] pour savoir si Mme Le Pen sera ou pas inéligible. » Olivier Marleix devrait réécouter Alain Juppé qui s’exprimait, la semaine dernière, sur la désignation du futur président du Conseil constitutionnel et les accusations de partialité qui sont faites à Ferrand. En prêtant serment, « il y a un principe que nous respectons : le devoir d'ingratitude. Nous ne devons rien à la personne qui nous a nommés ». Un devoir d’ingratitude qu’un Ferrand - plus d'un quart de siècle de politique au compteur - n’hésiterait sans doute pas à appliquer vis-à-vis de Marine Le Pen si deal il y avait eu. D’autant que – rappelons-le – les décisions du Conseil constitutionnel sont prises au secret et rendues collégialement. Imagine-t-on, du reste, un Juppé, toujours membre de cette éminente institution, se plier à un marché auquel il n’aurait pas pris part… et, qui plus est, pour sauver Marine Le Pen ? On a comme un doute…

Il y a pire que Ferrand... Et pas seulement Taubira !

Un député RN nous confiait, ce mercredi soir, qu’en fait, il faut voir dans ce choix du RN une réflexion stratégique. Il est fort probable qu’un Emmanuel Macron, désavoué, piqué au vif, aurait cherché ailleurs un candidat de substitution en pratiquant une volte-face. Ailleurs ? C’est-à-dire à gauche (voir le deal avec les socialistes après la gamelle de Barnier). Et, donc, un candidat pire que Ferrand. Le député des Alpes-Maritimes Bryan Masson évoquait, ce mercredi après-midi, pour justifier cette décision, les noms repoussoirs de Taubira et Dupond-Moretti. Mais cela aurait pu être non pas un politique mais, pire encore qu’une Taubira ou un Dupond-Moretti, un juriste, forcément éminent, bien sous tous rapports forcément, issu, par exemple, du Conseil d’État, de façon à évacuer d'emblée le procès en partialité à son encontre. Mais, au fond, un parfait serviteur du système, comme on peut le constater souvent, tant dans les décisions que dans les avis rendus par la plus haute juridiction administrative du pays (C8, par exemple…). Alors que, comme nous le confie encore ce député, c’est un Richard Ferrand particulièrement faible, démonétisé, qui devrait rejoindre les sages de la rue Montpensier. Procès en incompétence, en partialité et, surtout, large désaveu du Parlement : seuls 39 parlementaires sur 116 ont approuvé sa désignation, ce qui n'est tout de même pas très glorieux pour Ferrand... et pour Macron. La moins pire des solutions, donc, si on raisonne politiquement, stratégiquement et non à la petite semaine, à en croire ce député.

Reste, maintenant, au RN à convaincre de la pertinence de cette décision ses militants, ses électeurs et, plus largement, tous ceux qui veulent du sang, tout de suite, sur les murs.

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Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

Vos commentaires

302 commentaires

  1. J’ai moi aussi été choquée sur le coup par la position du RN…choquée, sidérée, colère, écœurée… ensuite j’ai entendu l’explication et je suis convaincue que le pire a été évité. Il est certain que Macron nous aurait flanqué des juristes renommés donc Taubira ou Moretti. Vous imaginez?
    Maintenant ce que je crains c’est que si Marine Le Pen avait encore une chance légitime d’échapper à l’inéligibilité (car cette sentence est injuste), maintenant c’est fichu car on dirait qu’il y a eu « deal »…
    Marine a pris cette position pour nous le peuple, pour les français… elle ne pourra sans doute pas se présenter aux élections (et j’en suis ulcérée) elle prend se risque de se sacrifier, mais avec un Ferrant pendant 9 ans notre sort sera en de moins mauvaises mains qu’avec l’un des deux autres…

  2. Perso difficile d’avoir confiance en MLP pour changer le mode de fonctionnement de cette république aristocratique, je crois que le RN n’a pas bien mesuré l’écœurement qu’il vient de provoquer dans son électorat.
    N’oubliez pas mesdames messieurs les députés RN que vous êtes élus en opposition à la macronie, et là par votre abstention vous avez favorisé l’élection d’ un personnage malveillant à un poste où il pourra nuire à l’intérêt de la majorité des français.
    Et si c’est comme certains le disent pour éviter une condamnation à MLP c ´est que vous êtes des judas et ne tiendrez pas vos promesses en cas de victoire à la présidentielle.
    Perso je ne crois plus en vous , pour les patriotes il va falloir faire un autre choix que votre parti et vite !!

  3. Les arguments du RN concernant cette abstention sont pour le moins capillotractés !
    Jean Phillipe Tanguy, qui me parait le moins médiocre d’entre eux, devrait peut être envisager de changer de crèmerie. MLP aurait du confier la direction de son parti à une autre pointure que Bardella.
    Quant aux conjectures de Bob Marleix, on s’en fiche un peu au regard de son bilan à la présidence de son groupe à l’Assemblée.

  4. Abstention difficile à comprendre pour les adhérents et électeurs du RN. Mais Macron était tout à fait capable de se venger en nommant un candidat autrement plus toxique que le fragile Ferrand, par exemple Taubira, qui aurait été soutenue par toute la gauche.

  5. ils viennent aussi (le RN) que ce sont des fourbes, nous dire qu’il y aurait eu pire que Ferrand qui est la béquille de macron, c’est vraiment npous prendre pour des jambons, quand au devoir d’ingratitude Fabius s’est assis dessus pendant 9 ans, et ferrand fera de même, le RN qui espère gagner la présidentielle se met ce b^ton pour 9 années, c’est à dire en cas de victoire pour 1 quinquennat et demi, bonne chance. Quand à courir chez Philippot il y a de la marge quand même.

      • Pour ma part c’est sahra knafo..elle bosse vraiment,fait des révélations qu’aucun autre ne fait,et fait preuve d’ grand courage,pour siéger seule au parlement europeen véritable nid de frelons

  6. On peut comprendre les explications du RN, qui selon ses dires aurait appliqué l’adage de nos anciens : « entre deux maux, il faut choisir le moindre ». Mais si les deux chambres, auraient pu, avec les voix RN repousser la candidature de Ferrand, pourquoi n’auraient-elles pas pu aussi rejeter les candidature trop orientées comme Taubira ou Dupont-Moretti ? Et s’il y a « deal », vu la moralité du bonhomme, je ne suis pas du tout sûr qu’il le respecte. N’est-ce pas Juppé lui même qui a déclaré qu’en entrant dans cette fonction « on avait un devoir d’INGRATITUDE » ? Ferrand sera-t-il ingrat à l’égard de Macron, ou à l’égard du RN qui a permis sa nomination?

  7. Nul doute que le RN a énormément déçu sur ce coup et a démontré une nouvelle fois que c’est un parti comme les autres, dont l’activité principale est la tambouille politique, les magouilles et calculs sordides, tout ça au mépris de l’intérêt de la France. Plus le temps passe, plus la supercherie du RN se fait jour. Le salut de notre pays n’est pas là.

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