Ringo Starr, l’ami qu’on aimerait tous avoir !
Bon, d’accord, Richard Starkey, plus connu sous le nom de Ringo Starr, n’est plus vraiment le perdreau de l’année. Il n’empêche qu’à 84 balais (de batterie), l’ancien joueur de tambour des Beatles rempile avec un nouvel album, Look Up, aux accents de country music. Un véritable retour aux sources, après Beaucoup of Blues, sorti en 1970, aux accents déjà très nashvilliens. Bref, notre homme a toujours aimé la musique à chapeaux, immortalisée par Johnny Cash et, entre autres, Hank Williams, dont le I’m So Lonesome I Could Cry, demeure l’hymne emblématique de ces chansons usinées pour chialer dans sa bière.
Un batteur enfin reconsidéré
Longtemps, Ringo Starr a été raillé, lorsque comparé à des batteurs autrement plus virtuoses, Ginger Baker (Cream), Jim Capaldi (Traffic) ou John Bonham (Led Zeppelin). Il est vrai que l’homme aux bagues, d’où son surnom de Ringo, jamais ne prit de solos, hormis sur le morceau The End, venu conclure la brève mais intense carrière des Fab Four, sur le sublime Abbey Road, leur testament musical.
Et alors ? À l’instar du défunt Charlie Watts, son homologue des Rolling Stones, il a toujours été métronome humain, capable de s’interrompre pour aller aux cagoinces tout en revenant après, sans perdre le tempo, se contentant d’impulser un imparable swing et allant compenser son manque de technique par une inventivité à nulle autre pareille.
Un exemple ? Son intro de cymbales et ses roulements de caisse claire sur Come Together, là où il fait tout ce qu’un batteur ne devrait pas faire ; sauf que lui le fait et que personne n’aurait su le faire comme lui. La preuve en est que ses pairs ont fini par le tenir pour l’un des meilleurs de leur aristocratique confrérie.
Le seul Beatle auquel on pouvait s’identifier
Mais Ringo Starr, c’était encore autre chose, à l’époque de la Beatlemania. Il y avait Paul le talentueux, John le tortueux, George le ténébreux. Lui n’était que… Ringo, le moins beau, mais celui auquel le public masculin pouvait s’identifier. Parce que si même lui avait rejoint l’Olympe beatlesien, tout le monde aurait pu y arriver.
En 1994, dans un numéro hors-série de la défunte revue Best, le musicien et écrivain Patrick Eudeline* notait déjà : « Ringo, le chanceux de l’histoire, le joyeux drille. Quand George et John s’enfonçaient dans la mystique orientale, il lâchait simplement, lors d’une interview : "Comment va-t-on faire pour être encore hippie ? On va avoir froid, dans ces petites chemises, dès que l’automne sera venu !" »
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Il est vrai que lors de l’équipée de ses trois compères à Rishikesh, en 1968, à la rencontre du Maharishi Mahesh Yogi, il est le seul Beatle à refuser le régime spartiate imposé par le gourou. Prudent, il avait rempli à ras bord ses valises de cartouches de cigarettes, de conserves de haricots à la tomate et de pack de Guinness. Pas fou, le Ringo, s’étant d’ailleurs carapaté au bout de quelques jours, tandis que les trois autres gandins s’adonnaient à la méditation transcendantale, histoire de mieux vider leurs ego et leurs comptes en banque respectifs.
On lui doit une bonne partie de la survie des Beatles
Ringo Starr, homme de bon sens ? À l’évidence. Il ne s’est jamais drogué, ou alors très peu, même si ayant un temps abusé de la bouteille ; mais s’agissant de cognac français, la faute est à l’avance pardonnée. Et c’est aussi grâce à sa bonne humeur communicative que les Beatles ont pu durer quasiment huit ans. Il était celui qui arrangeait les coups, tout en en payant au pub à ses collègues, souvent au bord de la fâcherie, qui mettait un liant évident, puisque ne se prenant jamais trop au sérieux. Le copain idéal, en quelque sorte.
Pour lui, l’amitié a toujours été sacrée
C’est d’ailleurs grâce à ces derniers qu’il put mener la carrière qu’on sait ; sans éclair de génie, mais avec dignité. Mieux : c’est encore grâce à lui que les quatre garçons dans le vent pouvaient encore être présents sur le même disque ; les siens. Dont Rotogravure (1976), dédié « au Pouilly-Fuissé », où même l’ami Eric Clapton vient faire entendre sa guitare. Puis, il y a son All-Starr Band, son petit groupe à lui, parti dans une tournée sans fin depuis le siècle dernier, à l’occasion de laquelle il permet à quelques vieilles gloires de renouer avec le devant de la scène : Dr John (himself), Rick Danko et Levon Helm (The Band), John Entwistle (The Who), Gary Brooker (Procol Harum), Jack Bruce (Cream) ou Greg Rollie (Santana). L’une des chansons que les Beatles lui avaient données, dans le mythique album Sgt Pepper’s Lonely Hearts Club Band, n’était autre que With a Little Help From My Friends. Soit avec un coup de main de mes amis. Belle histoire.
Dans un show-biz où tout le monde ou presque se déteste, même si faisant mine de s’aimer, la fraîcheur d’un Ringo Starr est bien rare. On n’en écoutera donc son album, joyeux et primesautier, qu’avec plus de plaisir. Comme si on retrouvait un cher, un très cher ami.
On a tous quelque chose en nous de Ringo. Enfin, il n’est pas interdit de l’espérer.
* À ce propos, nous ne saurions que trop vous recommander la lecture de Perdu pour la France, ses Mémoires publiés chez Séguier. Ou l’itinéraire d’un punk libertaire ayant viré réactionnaire.
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