Robert Badinter et Marc Bloch au Panthéon : deux salles, deux ambiances

Emmanuel Macron vient d’annoncer la panthéonisation de Robert Badinter. L’ancien ministre de la Justice, artisan de l’abolition de la peine de mort sous François Mitterrand, entrera dans ce temple républicain, dans cette Olympe païenne (« Panthéon » veut dire « résidence de tous les dieux »). Pour que la signification de cette entrée solennelle soit vraiment évidente, la Macronie assure les sous-titres : la date retenue est celle du 9 octobre 2025, anniversaire de la promulgation de la loi d’abolition de la peine capitale.
La dépouille de Robert Badinter ne sera pas transférée. Sa veuve ne le souhaite pas. En revanche, un cénotaphe sera inauguré à l’intérieur du monument pour que chacun puisse se souvenir que Robert Badinter mérite d’incarner l’inscription célèbre « Aux grands hommes la patrie reconnaissante ».
On pourrait se dire que, décidément, Emmanuel Macron n’en finit pas de glisser sur sa pente sous-préfectorale. Amateur d’inaugurations, de commémorations, de défilés, de prises d’armes, de cérémonies diverses, avec écharpes et couronnes de fleurs, il trouve ici une énième occasion de faire son intéressant en s’appropriant les succès ou les deuils des autres. Mais, au fond, le problème est un peu plus grave que cela.
La panthéonisation de Robert Badinter intervient à un moment politique où l’expression « flottement » est encore trop bienveillante pour qualifier la dégringolade d’un système sénile, pour graver dans le marbre ce que sont les valeurs de la république, du moins tel que le pouvoir les comprend. Après l’inscription dans la Constitution de l’avortement (comme s’il était menacé…), voici que celui qui a fait interdire la peine capitale entre au Panthéon. En France, on ne renvoie pas les illégaux, on ne condamne pas les délinquants, on ne se révolte pas contre les pays qui nous haïssent, mais il y a deux choses pour lesquelles on sait rester ferme sur les prix : la mort des innocents, la vie des coupables. En voilà, des valeurs de la république, des vraies.
Les journalistes de tous bords vont probablement se focaliser sur cette seule annonce, mais ils auront tort. Ce n’est pas Robert Badinter, qui est le plus important, dans ces annonces d’entrée au Panthéon. C’est l’autre : Marc Bloch. Historien remarquable, fondateur de l’école des Annales, médiéviste de premier ordre, il fit, en 14-18, une guerre magnifique dont il revint en héros. Comme il le dira lui-même plus tard, ce n’était pas un soldat mais c’était un guerrier. Théoriquement dégagé de ses obligations militaires en 1939 (trop vieux et père de six enfants), il est mobilisé à sa demande et assiste, aux premières loges, à la débandade des états-majors et à la chute vertigineuse de la France en quelques jours. Chassé de l’université où il enseigne parce que juif (état dont il ne se prévalait jamais… sauf devant les antisémites), il se fait résistant. Il est arrêté puis fusillé. Ses dernières paroles furent « Vive la France ! »
Voilà un exemple un peu plus édifiant que celui d’un avocat mitterrandiste dont le principal fait d’armes est d’avoir supprimé la peine de mort. Peut-être la panthéonisation de Marc Bloch, en catimini, quelques mois avant la fin d’un mandat qui n’en finit pas, est-elle emblématique. Dans son ouvrage posthume, L’Étrange Défaite, Bloch, avec l’œil clinique de l’historien qu’il était, avait tout vu des causes de la débâcle : politiciens aux fraises, militaires serviles, population démoralisée, poids de l’administration… Ça ne vous rappelle rien ?

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58 commentaires
Badiner on s en tape, Il aurait dû demander aux parents d enfants victimes de criminels ce qu il en pense
Oui et en tant qu’ancien militaire je suis sidéré de voir la servilité de nos généraux face au conflit ukrainien. Ils sont prêts pour le massacre de notre jeunesse pour une cause qui ne nous regarde que peu, sauf à rester vigilants.
Mettre Robert Badinter au Panthéon est une manière pour la Gauche de séparer le bon grain de l’ivraie.
Badinter au Panthéon ! On aura tout vu en FRANCE . Si la guillotine était encore en « service » , il y aurait moins de prédateurs . Quand à Macron ,il continue de se pavaner , il a l’emphase ridicule , la posture martiale bricolée de toutes pièces , la boursouflure mal a propos , le côté fantoche d’un chef d’état grandiloquent à la tête d’un pays failli dont il ne se préoccupe pas .
Après Joséphine Baker, voilà Badinter.. On a vraiment , en France, un problème de hiérarchie des valeurs. En tous cas, ce ne sont pas les miennes.
En effet !
Vu l’état de notre pays ,je ne pense pas que c’est la meilleure idée que ce monsieur a eu et que cela mérite le Panthéon !!
Puisqu’on nous rebat les oreilles avec la diversité, j’aimerais que le Panthéon soit justement une diversité d’opinions et de religions et qu’on en finisse avec les copains dont on ne sait pas si leur souhait était vraiment d’aller au Panthéon, peut-être que leur petit bout de cimetière leur convenait très bien.
Intéressant
Enore un prétexte pour briller et nous assommer d’un discours aussi creux qu’emphatique.
Panthéoniser un individu qui a instauré la peine de mort des innocents.Le comble de la décadence
Depuis la suppression de la peine de mort pour les assassins. et terroristes tueurs, le nombre des victimes s’est accru énormément. Ceci mérite t il cela?
Penser à garder des places pour J.Lang, B.H.L. , Fabius et cætera bien entendu.
Badinter, pourquoi ?
Parce qu’il a nuit à la France en supprimant la peine de mort. Nous sommes depuis désarmés devant des égorgeurs qui nous narguent. Cela mérite bien une récompense.
Excellent.
Je vous lis avec émotion. La justesse de votre papier me touche. Il rend justice à la vérité. Deux hommes aux portes du Panthéon mais l’un d’eux en offrande sacrificielle à la patrie et l’autre, en conseiller d’un prince au passé flou dont il attendait sans doute qu’il le nommât à Matignon. J’ai croisé M. Badinter et jusqu’au bout son idéologie l’avait rendu prisonnier de sa fidélité. Il a fait de toute sa vie une plaidoirie. Marc Bloch l’avait donnée pour la patrie.
Cette observation judicieuse que vous faites sur notre président, son goût théâtral, cérémoniel de l’hommage dont il tire crédit pour se grandir est à la fois patent et pitoyable. On ne manie pas les hautes valeurs morales qu’on n’a pas comme des cartes à jouer tenues par des mains sales.