Roman Polanski : quand les Femen font leur cinéma

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Comme les temps changent. Naguère, la figure du violeur de grand écran, c’était Jean Carmet, concentré de beaufitude et de veulerie, dans le fameux Dupont Lajoie d’Yves Boisset ; film à réévaluer, au demeurant. Désormais, de Harvey Weinstein à Roman Polanski, il y aurait comme une sorte de montée en gamme sociale, même si ce n’est plus tout à fait du cinéma : charge aux Femen de faire le leur.

Ainsi la Cinémathèque française honorait-elle, ce lundi, le célèbre cinéaste pour l’ensemble de sa carrière. Et les Femen sont là pour l’accueillir à leur manière, toutes bannières brandies : "Pas d’honneur pour les violeurs" et "Si violer est un art, donnez à Polanski tous les Césars", entre autres saillies spirituelles, si l’on peut dire en la circonstance. En effet, au milieu de la seconde moitié du siècle dernier, Roman Polanski a été accusé d’avoir abusé d’une apprentie actrice, Samantha Geimer, mineure à l’époque des faits.

Interrogée par L’Obs, en 2013, elle assurait, non sans une certaine lucidité :
"J'étais présentée comme la petite salope qui voulait profiter du réalisateur célèbre, et ma mère comme la maquerelle n'hésitant pas à monnayer sa fille pour faire carrière." Et ce que semblent oublier ceux et celles qui s’acharnent sur cet homme de 84 ans, c’est que la victime a depuis longtemps pardonné : "Ce pardon, on me l'a souvent reproché. Je ne souffre pas du syndrome de Stockholm. Je lui ai pardonné pour moi, pas pour lui. Tout le monde veut me voir traumatisée, brisée, mais c'était il y a trente-six ans, maintenant, ça va, merci. Et tant pis si je ne suis pas la victime idéale, celle que veulent voir les médias ou le procureur." On a déjà entendu moins digne.

Depuis, trois autres "affaires" ont eu les honneurs des gazettes, remontant elles aussi à ces sulfureuses seventies. On peut bien penser ce que bon semble de l’artiste en question et rappeler qu’il ne fut pas forcément un parangon de courtoisie et de galanterie. Mais on n’a jamais cru savoir, non plus, qu’Hollywood était une annexe d’abbaye cistercienne, tant ces histoires sont à peu près aussi vieilles que cette usine à rêves. On ajoutera que la première victime a porté plainte au moment des faits, ce qui donne à son témoignage une valeur certaine, à rebours des trois autres, dont la mémoire semble avoir eu quelques sautes de courant ces décennies dernières.

On avait encore cru savoir que sans pardon, il n’y avait pas de justice possible ; d’où la nécessaire prescription des crimes, quand trop d’eau a coulé sous les ponts. La faute d’un Roman Polanski serait-elle donc imprescriptible, au même titre que celles des criminels nazis ? Ce serait un peu fort de café pour un enfant du ghetto de Varsovie dont la mère est morte à Auschwitz et qui, d’une barbarie l’autre, a dû ensuite subir celle de la Pologne communiste.

Pour l’une des manifestantes, Anne-Marie El Ghozi, du collectif La Barbe, "c’est important d’être là pour dénoncer les hommes de pouvoir qui se protègent les uns les autres". Certes. Mais comment expliquer le silence – coupable ? – de ces mêmes féministes quant au harcèlement sexuel quotidien dans certains quartiers parisiens ? Parce qu’il s’agit de prédateurs qui ne sont pas des "hommes de pouvoir" ? Bref, des immigrés clandestins dont l’éventuelle "stigmatisation" serait synonyme de racisme sournois, si l’on croit comprendre… Contre ce fléau, guère mobilisateur chez les Femen, Anne Hidalgo propose donc d’élargir les trottoirs. En attendant de faire de même des entrées des villas de Beverley Hills et des palaces cannois ?

Ces choses dites, Roman Polanski est un assez bon réalisateur.

Nicolas Gauthier
Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

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