Roumanie : le candidat nationaliste définitivement exclu de la course

La décision d’exclure Călin Georgescu plonge la Roumanie dans une crise sans fin, entre colère et défiance.
Capture écran TV5 Monde
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En Roumanie, la saga électorale autour de la présidentielle de mai 2025 atteint un tournant controversé. Călin Georgescu, figure de droite radicale aussi adulée que décriée, a été définitivement écarté de la course par la Cour constitutionnelle, ce 11 mars, après le rejet unanime de son appel contre la décision de la commission électorale. Cet ancien haut fonctionnaire de 62 ans, arrivé en tête du premier tour annulé en novembre 2024 avec 23 % des voix, incarne une radicalité qui séduit autant qu’elle inquiète. Anti-OTAN, admirateur de Vladimir Poutine, il est accusé d’avoir bénéficié d’une campagne TikTok illicite, entachée de soupçons d’ingérence russe – un motif qui a conduit à l’annulation rarissime du scrutin initial par la même Cour. Si son exclusion soulage une partie de l’establishment pro-européen, elle alimente une tempête de critiques : beaucoup y voient une atteinte à la souveraineté populaire, dans un pays où Georgescu cristallise un profond désir de rupture avec le système en place. George Simion et Anamaria Gavrilă, respectifs chefs des partis souverainistes AUR et POT, se lancent à leur tour dans la course présidentielle avec l’intention que l’un des deux se retire pour unifier le vote nationaliste.

Une figure sulfureuse au cœur du chaos électoral

Călin Georgescu n’est pas un inconnu pour les observateurs avertis. Cet ex-bureaucrate, devenu en quelques mois une étoile montante grâce à une campagne virale sur les réseaux sociaux, prône un discours nationaliste assumé, teinté de complotisme pro-russe. Sa percée surprise au premier tour a révélé une fracture dans la société roumaine, entre un électorat pro-européen et une frange lasse des élites. Mais son ascension fulgurante a été stoppée net : inculpé en février pour « fausses déclarations » sur le financement de sa campagne et « incitation à des actions anticonstitutionnelles », il est perçu comme une menace par les institutions. La commission électorale, s’appuyant sur un jugement de décembre 2024, a estimé qu’il avait enfreint « les règles démocratiques d’un suffrage honnête et impartial », une décision confirmée par la Cour sans détails publics.

Pour ses partisans, qui le créditaient de 40 % des intentions de vote avant son exclusion, Georgescu est un martyr. À Bucarest, des centaines de manifestants ont conspué la décision devant le Parlement, scandant « Liberté » et « À bas la dictature ». Jugée opaque, cette dernière ravive le spectre d’un « coup d’État » dénoncé par Georgescu et George Simion (dont la candidature est soutenue par Marion Maréchal).

https://x.com/MarionMarechal/status/1899847592827048253

Une justice constitutionnelle sous le feu des critiques

La Cour constitutionnelle, pilier de la démocratie roumaine, se retrouve pourtant dans l’œil du cyclone. Si elle justifie son verdict par la nécessité de protéger l’intégrité électorale, son silence sur les motifs précis du rejet alimente les soupçons d’arbitraire. Contactés par BV, des eurodéputés roumains font part de leur indignation. Luis-Vicențiu Lazarus, non-inscrit, estime que cette décision est parfaitement « inacceptable et antidémocratique ». Même ton du côté du groupe des Conservateurs et Réformistes européens (ECR). Son vice-président, Gheorghe Piperea, alerte : « Ce qui s’est produit en Roumanie, un État membre de l’UE, peut très bien arriver en France, en Pologne, en Allemagne ou en Italie… » Georgiana Teodorescu, elle, estime que « les partis au pouvoir voudraient que seuls leurs candidats soient autorisés ». Son collègue Şerban-Dimitrie Sturdza juge que « des millions de Roumains se sentent aujourd’hui ignorés et humiliés ».

Du côté du Parti national-libéral (PNL) - parti au pouvoir -, on salue une décision qui « protège le processus démocratique ». Interrogé par BV, l'ancien ministre de l'Énergie roumain, Virgil-Daniel Popescu, membre du PNL, évoque des « pressions directes de la Russie ». L'homme, également député européen membre du Parti populaire européen (PPE, centre droit), dit toutefois comprendre le « mécontentement » mais prévient : « Nous ne résoudrons pas les problèmes par des illusions. ».

L’onde de choc dépasse les frontières. La décision, bien que saluée par Bruxelles pour contrer l’influence russe, divise. L’annulation initiale du scrutin, suivie de cette exclusion, est un précédent rare dans l’Union européenne, suscitant des débats sur l’équilibre entre sécurité démocratique et droits électoraux. En Roumanie, où la crise politique s’éternise depuis novembre, les candidats restants – Crin Antonescu (pro-européen) et Nicușor Dan (maire de Bucarest) – peinent à combler le vide laissé par Georgescu.

Vos commentaires

67 commentaires

  1. Puisque le camp du bien nous sort en permanence l’ingérence étrangère , cette même ingérence interdit à ce candidat de se présenter , il a bien fallu tordre le bras de la cour constitutionnelle pour arriver à ce résultat .

  2. « La décision, bien que saluée par Bruxelles… ». Attention danger ! On n’est plus dans un débat d’idées mais dans un coup d’état . Seule solution : Frexit vite….

  3. La citation de Bertold Brecht sur la dissolution du peuple quand il vote mal est décidément d’actualité : il l’ont fait ! A qui le tour ?

  4. Donc dans les pays soit disant en démocratie, le peuple ne peut pas voter pour qui il veut! Dans certains pays que l’on dit en dictature, le dirigeant est élu avec 99% des votes. Dans un pays qui se veut exemplaire, un front républicain élimine les représentants arrivés en tête au premier tour. C’est un pas de géant vers une dictature!

  5. c’est arrivé n France avec l’annulation du vote du peuple au référendum de 2005, par N Sarkozy avec le fameux traité de Lisbonne où le peuple était exclu du vote, ça arrive en Roumanie, on se croirait au temps de Ceaucescu, ça va arriver en Pologne, et ce n’est qu’un début, « l’excellent » Thierry Breton ex commissaire européen l’a dit « il affirme sa volonté de dénier aux peuples le droit de choisir leurs dirigeants » et rajoute « on l’a fait en Roumanie,il faudra le faire en Allemagne si nécessaire », scholz ayant été aussi margement battu récemment aux élections, il parait que l’UE est une démocratie qui ressemble de plus en plus à l’ex URSS.

  6. Et si la « menace russe » tellement à la mode, se concrétisait en envoyant des troupes russes défendre la légitimité du candidat déchu? Ce serait encore plus grave sur le plan géopolitique que la crise initiale intervenue en Ukraine, et avec les memes effets, en pire, en raison de la protection occidentale actuelle envers la Roumanie…

  7. Contrairement à ce que dit Gheorghe Piperea, cela s’est déjà produit, d’une certaine manière. On a bien un vilain fraudeur qui a été écarté de la course à la présidentielle pour une histoire de costumes et d’emploi fictif de sa femme.

  8. Question provocatrice, si un jour on a en France un candidat qui plaide pour la fin de la Vème République, est-ce qu’on le laissera se présenter ? Manifestement oui on en a un qui s’est présenté 3 fois. Est-ce que si un candidat veut abolir le capitalisme, la République et confisquer les biens des personnes peut se présenter ? Oui on en a régulièrement deux comme ça avec les étiquettes LO et NPA. Si maintenant on a un candidat qui veut mettre fin à la loi de 1905 et rétablir une religion d’état (soit l’islam, soit la chrétienté) voire le retour du roi, pourra-t-il se présenter en France ? Je demande à voir… Par contre pendant la guerre froide on a laissé des candidats pro-russe se présenter partout en Europe.

  9. Que se passerait-il si tous les Roumains scandalisés par cette exclusion mettaient un bulletin dans l’urne au nom de Georgescu ? Une présidentielle avec 20% ou plus de votes déclarés nul, ça ferait quand même un beau désordre, non ?

  10. J’ai toujours été sceptique à l’égard des bienfaits que, selon ses promoteurs, l’Union européenne devait nous apporter. Pourquoi ? Parce que l’Europe ne possède aucune caractéristique d’un espace démocratique. Le Parlement de Strasbourg est une parodie d’assemblée et tout est décidé par la Commission, le syndic de la copropriété. Je n’aspire plus aujourd’hui qu’à revenir au Marché commun d’autrefois. Et je crois bien ne pas être le seul à m’exaspérer des pouvoirs qui ont été abandonnés à Mme von der Leyen. Ce qui se passe en Roumanie est une honte et renvoie au régime du grand démocrate Ceouscescu. Si comme je l’espère l’Union finit par voler en éclats, les Thierry Breton, Emmanuel Macron et von der Leyen pourront battre leur coulpe.

  11. Y a t-il un Conseil d’Etat, un Conseil Constitutionnel, Défenseur des Droits, CESE, CNIL, Syndicat de Magistrature, ARCOM etc ( issus du système ) en Roumanie ?

  12. LES ÉCLAIRES CONTRE LES PEUPLES
    L’hyper-nationalisme avait ses graves inconvénients, surtout quand il était exploité par certaines « élites » pour servir leurs intérêts commerciaux. C’est l’origine de la première guerre mondiale. Mais les nations différentes permettaient à certains peuples d’échapper à l’absolutisme. La CEE est devenue une grande entreprise de totalitarisme à l’échelle de l’Europe. Au nom de la Démocratie évidemment. C’est ce que les Suisses ont compris dès le départ. C’est ce que les Roumains sont en train de découvrir. La mise hors la loi de Calin Georgescu, dit « d’extrême droite », est exemplaire d’une certaine élite européenne, totalement anti-peuples. La prétendue « menace Russe », absolument factice, appartient au même schéma : La guerre des « éclairés » contre les peuples est une évidence de l’histoire occidentale contemporaine.

    • Ne vous méprenez pas, les suisses sont malheureusement obligés quelquefois de passer sous les fourches caudines de l’u,e ,,, Droits de l’homme et Commerce obligent !

    • Merci pour votre commentaire @ jean louis mazieres que je partage. En insistant sur cette phrase :  » La prétendue menace russe est absolument factice » mais bien utile pour agiter la peur et faire oublier la vraie menace qui ravage notre pays.

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