Sabotage du gazoduc Nord Stream : et maintenant, un « groupe pro-Ukraine ». L’avis des experts ?

espion

L’affaire du sabotage des gazoducs Nord Stream 1 et 2 refait surface. Et cela passe par l’Allemagne. Le site de la chaîne ARD, la Südwestrundfunk et le Zeit viennent de dévoiler qu’un « yacht loué par une entreprise qui se situe en Pologne mais appartiendrait apparemment à deux Ukrainiens » serait au centre des investigations des enquêteurs allemands. Le New York Times, de son côté, toujours bien informé, évoque un « groupe pro-ukrainien ». Pourquoi l’Allemagne enquête-t-elle, tout comme la Suède et le Danemark ? Tout simplement parce les gazoducs passent dans les zones économiques exclusives de ces trois pays. Après la piste américaine et norvégienne du journaliste d'investigation américain Seymour Hersh, nouveau rebondissement, donc. Mais faisons un petit tour en arrière.

Si, dès le lendemain de la découverte des fuites sur les gazoducs, les 26 et 27 septembre 2022, la thèse du sabotage fut vite accréditée dans un large consensus, les « experts » ayant parlé, il faut bien avouer que le traitement médiatique de cette affaire, qui pourrait d’ailleurs inspirer un magnifique James Bond, a relevé de la navigation à la godille. Dans ce grand film à la Walt Disney qui se joue en parallèle de la guerre atroce qui se déroule sur le terrain, il eût été tellement simple que le coupable fût d’emblée désigné. Et que, bien évidemment, le coupable soit russe, cela va sans dire. « Tandis que les regards se tournent vers Moscou… », écrivait La Croix, le 28 septembre. Les regards de qui, au fait ?

Mais rien ne coulait vraiment de source. D’ailleurs, les Russes ouvraient une enquête pour acte de terrorisme international. Ce qui ne veut rien dire, soit dit en passant. « Les Russes sont-ils assez bêtes pour saboter un gazoduc qui, de toute façon, était à l’arrêt pour cause de blocus économique ? », disaient les uns. « Justement, suprême intelligence et perversité des Russes ! », avançaient les tenants du billard à trois bandes et du coffre à double fond. Passons sur les gros sabots des autorités ukrainiennes qui dénoncèrent ipso facto – réflexe de Pavlov, peut-être ? – « une attaque terroriste russe planifiée ». À la guerre, tous les coups sont permis.

Sur les plateaux télé, les experts défilaient comme à la parade. Ainsi, le 28 septembre, au lendemain et surlendemain de ces sabotages, le général français Michel Yakovlev, ancien vice chef d'état-major du Grand Quartier général des puissances alliées en Europe (OTAN), déclarait sur LCI : « Le consensus des experts – et je ne fais pas partie des experts dans ce domaine –, c’est une action d’État à partir de sous-marin. Puisqu’on n’a rien vu en surface… Cela suppose des moyens que peu d’États ont, que peu d’États ont en Baltique… Oui, c’est un attentat, c’est un État. » Toujours pour le général Yakovlev, « l'hypothèse la plus logique » était que c’était « les Russes qui l’ont fait à titre de démonstration ». Mais tout n’est pas toujours tout logique !

Un autre expert, Denis Florin, « spécialiste de l’énergie » auprès du cabinet Lavoisier, interviewé par L’Express, faisait, lui aussi, appel à la logique pour essayer de répondre à cette maudite question : mais qui donc est derrière ce sabotage ? Démonstration implacable. Les Américains ? « Mais ils ont déjà gagné de leur point de vue car les gazoducs Nord Stream sont neutralisés, donc je ne vois pas pourquoi ils les auraient détruits. » Les Ukrainiens ? Non, ils n’ont pas les moyens. Ils n’ont jamais les moyens. Donc ? « La troisième théorie met en avant la responsabilité de la Russie. » L’intérêt pour la Russie ? « Cela ne peut se comprendre qu'en prenant en compte la dimension de menaces et la stratégie de tensions », expliquait alors l’expert. Logique.

Donc, en septembre dernier, pour résumer : les sabotages avaient été commis depuis un sous-marin, forcément par un État, pas forcément par la Russie (dommage !), mais il n’était pas impossible non plus qu’elle ait été derrière cette affaire. D’ailleurs, de toute façon, c’est quand même un peu la faute des Russes. Je n’invente rien, je reprends, grosso modo, les propos de la secrétaire générale adjointe de l’ONU, la diplomate américaine Rosemary DiCarlo, le 21 février dernier : « Bien que l’on ne sache pas encore exactement ce qui s’est passé sous les eaux de la mer Baltique en septembre 2022, une chose est constante : quelle que soit la cause de l’incident, ses retombées comptent parmi les nombreux risques que l’invasion de l’Ukraine a déclenchés. » Logique aussi.

Maintenant, une hypothèse, qui n’engage que moi qui ne suis expert en rien du tout : le sabotage aurait pu être commandité par les Russes qui auraient manipulé un groupe pro-ukrainien qui aurait affrété un yacht camouflé en sous-marin (ou le contraire). Une implication des services secrets du Vatican n’est pas à exclure, le pape ayant appelé à maintes reprises à ce que les armes se taisent. Logique.

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

Vos commentaires

63 commentaires

  1. Ils ne se posent surtout pas la question qui risque de fâcher : « A qui profite le crime ? ». Réponses d’un néophyte : « A celui qui vend de l’énergie ». Ou « à celui qui a intérêt à monter les uns contre les autres ». Un petit filou en quelque sorte. Mais ils sont si nombreux !

    • C’est bien connu. Diviser pour mieux régner! C’est ce qui se passe actuellement et les Français sont tombés dans le panneau. Jupiter se frotte les mains.

  2. A qui profite le crime? C’est toujours le même principe. C’était bien bien dans l’intérêt de l’Ukraine de priver son adversaire de source de profit. Je fais la différence entre le peuple ukrainien et les dirigeants du pays. Ces derniers sont depuis des années corrompus et placés au pouvoir par les Américains. C’est bien l’Occident qui a refusé d’obliger l’Ukraine à respecter les accords de Minsk, ce qui est la cause principale de cette guerre.

  3. La piste américano- norvégienne me parait la plus probable, et c’est pour créer un « écran de fumée » qu’apparait cette piste polono-ukrainienne qui soit dit en passant « lache » le mafieu zélinski, génocidaire de son peuple. Le début de la fin ?
    N’oublions pas une chose, la Norvège avec ses champs gaziers et pétroloier dispose de toute la technologie pour ce genre d’intervention. Pauvre peuple norvégien instrumentalisé par le diable

    • Tout à fait d’accord avec ceci…. mais le silence protège des conséquences qui decribiliserait la coalition occidentale…

  4. Pour moi, le b a ba de toutes enquêtes policières, c’est : à qui profite le crime ?…
    Aux américains pardi, plus de gaz russe, on achète du gaz de schiste, et qui a
    du gaz de schiste à vendre …. nos amis américains qui en toute logique ne vont
    pas commettre le crime eux même mais par l’intermédiaire d’officines elles même
    intermédiaires , et voilà , on n’a tout de même pas oublié l’affaire des armes
    de destruction massives en Irak non !…

  5. A qui profite le crimes? Essentiellement aux américains qui font un coup triple.
    1.ils diminuent un peu le PIB russe.
    2.ils stoppent l’approvisionnement en gaz de leur bon ami allemand.
    3.ils vendent à l’Allemagne du gaz liquéfié de chiste .
    Les mensonges déballés par les experts de plateaux télé font partie de l’argumentation de guerre.

    • Les experts de la chaîne d’information ukrainienne baptisée LCI ne risque pas d’éclairer qui que ce soit trop empêtrés dans leur propagande !

  6. Une seule certitude cela profite en premier aux américains qui se gavent en vendant leur GNL au moins 5 fois plus cher aux idiots d’européens que chez eux et aux norvégiens qui engrangent des milliards grâce à leurs réserves naturelles. D’ailleurs ils vont bientôt n’avoir que des voitures électriques ce qui est vraiment super bon pour la planète (je rigole) sachant que les batteries sont produites ailleurs dans des pays où l’extraction des terres rares est souvent un scandale écologique et humain pour le Congo. Pauvre monde bien malade.

  7. Seymour Hersh prix Pulitzer decrit tout et c’est du vrai James Bond mode américaine. Le problème était la synchronisation des charges sur le fond. C’est une balise qui l’a fait après des exercices militaire habituels (qui avaient masqué la pose des charges). Tout est expliqué en détail du vrai John le Carre.

  8. Votre thèse est aussi crédible que tout ce que peut raconter ce général d’opérette totalement inféodé aux Américains et à l’Otan. Mais au fait, avec un nom pareil, ne serait-il pas lui aussi un sous-marin russe en immersion périscopique dans les studios de télévision ?

  9. Une explosion de gaz est ravageuse et le risque d’un tsunami provoqué est énorme, qui aurait été ressenti jusqu’à Saint Petersbourg qui aurait risqué d’être submergé par un raz de marée. De plus, le risque encouru par les populations riveraines de Suède, Norvège, Danemark, Allemagne, Pologne aurait été énorme. Ceci ne peut être que le fait d’irresponsables, ou d’états capables de calculer précisément les effets et de doser l’intervention. Je ne vois que les Etats-Unis et la Russie capables d’endosser une telle responsabilité, et je pencherais plutôt pour les Etats-Unis, compte tenu du risque encouru.

  10. Le colonel Michel a la délicatesse de ne pas désigner l’évidence ; c’est bien dans le camp occidental qu’il faut rechercher les auteurs. Pas l’Allemagne, qui est la deuxième victime de la destruction du gazoduc, après la Russie.
    C’est donc un coup des Américains qui voulaient absolument écarter toute possibilité d’approvisionnement de l’Allemagne, maillon faible.

    • Il y avait aussi des intérêts Français. Certes moindre que la Russie et l’Allemagne, car nos besoins sont moindre. Mais il y en avait quand même. Demandez à Total.

  11. A mon sens il n’a pas de doute possible,vue le nombre de méthaniers qui traversent l’Atlantique nord à un cout et une pollution supplémentaire très élevé, nous apportant un gaz à l’origine impropre directement à l’usage avec un prix très élevé pour les consommateurs, il n’y a pas de doute ce sont les états unis en premier qui avaient intérêt à empêcher l’usage définitivement ce gazoduc Russe. Imaginons que, comme la surveillance de la mer du Nord est importante, à l’occasion des manœuvres de l’Or=tan, une équipe de plongeurs expérimenté placent des charges explosives sur ces tuyaux télécommandé de la surface, par exemple des bouées en surface, et de les activer le moment venu. bien sur, c’est d’une imagination absurde qui aurait osé tant polluer la mer du Nord. Surtout pas les Américains, tant de gens des plus « bien pensants ».

    • C’est tout à fait ça !! Seulement, ça n’est pas dans la bienpensance, pensez donc, nos amis américains ne peuvent pas faire ça !!! Bigre bigre,ils ne connaissent pas l’oncle Sam ???

  12. Merci de votre hypothèse qui , selon moi, est incomplète sans l’implication de Wagner, pas Richard, les autres.

  13. En temps de guerre tout est sujet à caution. Il faut prendre la propagande avec des pincettes . On l’a subie à plein rendement pendant les années 40 et au delà , les gouvernements mentent habillent l’est faits pour justifier leur cause et font avant tout passer ce qu’ils nomment «  la raison d’Etat  ».
    Le peuple n’est que pions sur l’échiquier.

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