Sahara occidental : « Une escalade ne serait pas à l’avantage des Algériens »

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Coup de tonnerre dans le ciel franco-algérien. Après plus de soixante années de discorde opposant l’Algérie et le Maroc sur le dossier du Sahara occidental, la diplomatie française, sous l’égide d’Emmanuel Macron, a tranché en faveur de Rabah, provoquant l’ire d’Alger, avec laquelle Paris entretient des relations diplomatiques houleuses et teintées de méfiance depuis l’indépendance de juillet 1962. Une décision qualifiée par beaucoup d’« historique », synonyme d'échec des tentatives de réconciliation mémorielle franco-algérienne à la peine depuis sept ans, en dépit du repentir colonial affiché par le Président français. Emmanuel Macron a, semble-t-il, perdu ses illusions.

Dans une lettre officielle adressée au souverain marocain Mohammed VI, rendue publique ce mardi 30 juillet par le cabinet royal de Rabah, l'Élysée entérine le plan marocain d’autonomie du Sahara occidental de 2007 comme « la seule base pour aboutir à une solution politique, juste, durable et négociée ». Une reconnaissance de la souveraineté marocaine sur ce vaste territoire du nord-ouest africain. Un camouflet pour Alger. L'Algérie condamne « un pas qu’aucun autre gouvernement français avant lui n’avait cru devoir franchir ». Le pouvoir algérien a aussitôt enclenché des rétorsions diplomatique : le « retrait immédiat » de son ambassadeur en France et l’annulation de la visite officielle du président algérien Abdelmajid Tebboune, prévue à Paris à l’automne prochain.

Ambassadeur de France en Algérie pendant sept ans, sous les quinquennats de Nicolas Sarkozy et d’Emmanuel Macron, Xavier Driencourt revient sur l'événement.

 

Anna Morel. L’Algérie a accusé la France de soutenir « le fait colonial imposé au Sahara occidental ». Alger estime également que la France « bafoue la légalité internationale » et « prend fait et cause pour la négation du droit du peuple sahraoui [soutenu par Alger] à l’autodétermination ». Que pensez-vous de ce réquisitoire ?

Xavier Driencourt. Il s’agit là de la rhétorique algérienne habituelle. Depuis 2007, la France n’a jamais remis en cause sa position officielle, qui est celle de son soutien au plan marocain, tout comme elle ne s’est jamais départie de la légalité internationale, le Conseil de sécurité des Nations unies soutenant l’initiative marocaine d’autonomie avec constance. L’Algérie est rancunière ; elle ne s’est pas privée d’épancher son amertume, puisqu’elle déclare que « les puissances coloniales, anciennes et nouvelles, savent se reconnaître, se comprendre et se tendre des mains secourables ». Une phrase que je n’avais auparavant jamais entendue, lourde de sous-entendus.

 

A. M. Certains observateurs affirment que la décision d’Emmanuel Macron s’inscrit dans le sillage des accords d’Abraham, négociés par l’administration Trump à l’été 2020. Est-ce votre avis ?

X. D. La reconnaissance de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental a été actée par les États-Unis, Israël, l’Espagne et l’Allemagne, notamment. La France a jugé le moment opportun, à l’occasion de la Fête du trône (qui célèbre l’accession au pouvoir du roi Mohammed VI, il y a de cela 25 ans), de mettre fin à l’ambiguïté qui prévalait entre Paris, Alger et Rabah. La décision d’Emmanuel Macron répond principalement à deux objectifs. Tout d’abord, sortir du statu quo, stérile, dans lequel les relations diplomatiques franco-marocaines étaient plongées depuis la présidence de François Hollande. Les relations entre Paris et Rabah était si glaciales que le roi refusait, dit-on, de prendre au téléphone le Président français. Le Maroc a imposé à la France ses conditions de réconciliation : la reconnaissance solennelle de la souveraineté marocaine au Sahara occidental. Dont acte.

Puis, l’impasse algérienne : en dépit des efforts déployés par le Président français, l’Algérie s’est montrée très peu coopérative, nourrissant une animosité peu encline à l’établissement d’un climat apaisé et de confiance. Citons les insultes répétées, le refus de reconduite à la frontière de ses ressortissants placés sous OQTF, le cas des ingérences algériennes, comme celle de la grande mosquée de Paris, l’absence de l’enseignement du français au sein des écoles privées algériennes, etc.

Face à l’absence de débouchés et de perspectives avec un gouvernement algérien récalcitrant, les avantages de la réconciliation marocaine l’ont emporté. La pression des grand industriels français a sans nul doute pesé, les perspectives économiques marocaines étant plus florissantes, d’autant que la Coupe du monde de football de 2030 se déroulera au Maroc.

 

A. M. Peut-on craindre que la politique intérieure française pâtisse de ce revirement de politique étrangère ?

X. D. C’est une décision qui, incontestablement, va aviver les tensions bilatérales, déjà fortement imprégnées de méfiance et de crispation. Il peut y avoir une escalade ou une bouderie de la part d’Alger, mais cela n’est pas à l’avantage des Algériens, la France disposant de moyens de rétorsion bien plus grands, avec la réduction des visas octroyés ou la dénonciation des accords de 1968, qui est pour l’Algérie un véritable sésame. Je propose justement l’abrogation de cet accord franco-algérien, qui octroie à l’Algérie un régime dérogatoire, devenu obsolète, et qui grève considérablement nos marges de manœuvre en matière de politique migratoire. Une proposition saluée par Nicolas Sarkozy, Édouard Philippe, Jordan Bardella, Éric Ciotti ou encore Éric Zemmour.

Également, il ne faut pas perdre à l’esprit que l’Algérie, au-delà de ses relations tumultueuses avec le Maroc, est isolée diplomatiquement. Elle peut compter sur la Russie, la Turquie ou l’Afrique du Sud, mais cela ne suffit pas. Cet isolement a des répercussions économiques certaines et accroît d’autant sa dépendance à l’égard de la France, et plus largement de l’Europe qui est son premier partenaire commercial. Quant à savoir si de potentiels débordements populaires pourront avoir lieu, je n’y crois pas. Autant la cause palestinienne mobilise fortement les Algériens et les Français d’origine algérienne, autant le Sahara occidental ne concerne que quelques intellectuels. Il est possible que quelques effets de manche surviennent à l’automne, une fois l’été passé, mais je pense qu’au-delà, le gouvernement français aura d’autres priorités.

 

A. M. Les partis de gauche français dénoncent le soutien présidentiel apporté au Maroc. Ils revendiquent, entre autres, le droit à l’autodétermination du peuple sahraoui.

X. D. Effectivement, je constate que le Parti socialiste et les Écologistes se sont mobilisés contre le choix du gouvernement ; prenant à contresens les déclarations de soutien de la droite française, unanime et favorable à la position française. Quand à La France insoumise, il semble y avoir discorde. Mathilde Panot a toujours soutenu le peuple sahraoui (ce qui ne l’empêche pas de passer ses vacances au Maroc). Quant à Jean-Luc Mélenchon, natif de Tanger, il appelait la France a faire preuve de « réalisme », prenant fait et cause pour Rabat dont il jugeait les « propositions intéressantes ».

Anna Morel
Anna Morel
Journaliste stagiaire. Master en relations internationales.

Vos commentaires

37 commentaires

  1. Macron et l’artiste des bévues mais là, j’approuve sans la moindre réserve. L’algérie retire son ambassadeur ! Mais ce n’est qu’un parmi les millions qui devraient prendre le chemin du retour.
    Le gaz ? On s’en fout, Nous n’avons qu’à exploiter les monstrueuses réserves que nous avons en France et dans les iles Eparses

  2. je lis qu’il est difficile d’aller au bout du retour des OQTF algériens en Algérie, mais qu’en est il des mineurs isolés du Maroc qui arrivent en nombre et qui tombent dans la délinquance, est ce que cela fait parti des perspectives économiques ?? Ils nous coùtent très chers en délinquance mais aussi en prise en charge de leur éducation, POURQUOI ? ces enfants nous en voudront toujours car plus en liaison avec leurs parents et leur propre pays , c’est connu !! quand à l’accord de 68 avec l’Algérie, il y a longtemps que des partis demandent à y revenir, mais c’est vrai que les lois sociétales sont plus importantes pour ce gouvernement et le précédent, que la protection des français !

  3. 2 600 000 Algériens en France dont 40% ne vivent que des aides publiques, est-ce tenable ? acceptable ?

  4. Nos relations avec l’Algérie sont à sens uniques et rarement amicales. Il faut arrêter de baisser la tête devant des dirigeants qui nous méprisent ouvertement. Nous ne leurs devons rien, bien au contraire.

  5. L’Algérie qui s’est largement civilisée, développée pendant la colonisation grâce aux infrastructures construites par la France, écoles, hôpitaux, chemin de fer, etc. ; l’économie algérienne s’est grassement développée pendant cette période durant laquelle l’Algérie subvenait aux besoins de sa population, mais exportait également quasiment le même volume de produits alimentaires que celui nécessaire à l’alimentation de ses habitants. Les Algériens n’ont plus voulu des Français. Depuis, le pays s’appauvrit drastiquement et met son incapacité à se développer, voire même sa régression économique et civilisationnelle, sur le dos de la France. La France donne encore et toujours un pognon de dingue à l’Algérie, accueille des populations algériennes : au nom de quoi, on se le demande ? L’Algérie n’est pas un pays en guerre donc comment nous explique t’on l’arrivée massive et l’accueil massive d’algériens sur notre territoire ? Il serait temps que ce pays grandisse et se débrouille tout seul, c’est bien ce qu’il a exigé me semble t’il, non ?

    • Dû à la lâcheté des dirigeants français, nous avons laissé le FLN nous cracher dessus tous les jours. Ce que ces pôvres Algériens avaient lorsque les Français ont été chassés, ils en ont profité quelques années puis tout détruit petit à petit. Les dirigeants FLN ont quant à eux bien rempli leurs comptes bancaires à l’étranger.

    • Il serait bon de rappeler la véritable raison du départ des français. Ce n’est pas la volonté des Algériens, mais celle de de gaulle, comme il a déclenché la guerre d’indochine. Le grand bradeur de notre pays. Et La guerre d’Algérie n’a eu pour seule et unique raison de son déclenchement : Le PETROLE et absolument RIEN d’autre. Français ! Apprenez la vraie histoire

    • « Depuis, le pays s’appauvrit drastiquement  » Le mélange République Islamique + Régime communiste ne peut qu’aboutir à la ruine par potentialisation de leurs tares respectives.

  6. Difficultés rencontrées avec le Pouvoir Algérien ne sont qu’une concrétisation de rapports qui depuis 1962 sont teintés de malentendus liés à des accords d’Evian inaboutis…Profitant à un pouvoir Algérien FLN…

  7. Enfin un peu de bon sens ! (on attend le « enmêmetemps » macronien qui va lui faire dire le contraire dans quelques temps).

  8. Il était temps de cesser de se plier aux oukases des dirigeants Algériens qui ne cessent de démontrer leur mépris pour notre pays. Avec leur ambassadeur ils auraient également pu rapatrier leurs titulaires d’une obligation de quitter le territoire français en attente de leur hypothétique bon vouloir et tant qu’à faire ils pourraient également exiger de récupérer leurs ressortissants, en nombre dans nos prisons.

  9. voilà une bonne occasion de mettre un terme aux visas accordés par la France et renvoyer tous les voyous qui sévissent en France ! et effectivement abrogation des accords de 1968 !

    • Exact ! Mais pas seulement les voyous, mais tous les ressortissants avec déchéance de nationalité française pour les bi-nationaux.

  10. L’Algérie se limite beaucoup trop en ne rappelant que son ambassadeur en France immédiatement il aurait pu être accompagné par quelques nombreux compatriotes et il y en a tellement au grand soulagement de la France qui du fait fera beaucoup d’économies sur son budget.

  11. Il serait quand même grand que la France se décide à rompre les amarres qui nous unissent à l’Algérie.
    Les politicards de ce pays transpirent la haine de notre pays, il est temps de devenir intransigeant, ils ne nous manqueront pas !

    • Au niveau des « accords », ce n’est pas des « amarres » mais bien une « corde de pendaison » que l’algérie a mis et serre depuis trop longtemps ! … Il est grand temps de se servir de la « veuve » démocratiquement envers ce pays qui n’a su que mettre en place une corruption digne de celle de la FRANCE qui la gangrène depuis trop longtemps ! …

  12. Il faut en profiter pour stopper l’immigration algérienne et renvoyer les OQTF chez eux . Quand à ces gauchistes dont le coeur est en Algérie nous les invitons à quitter la France pour vivre là bas .

    • En effet, ça va assainir les banlieues, les prisons et diiminuer l’insécurité. Que du bonheur !

      • Les relations devraient même opter pour transférer une partie des prisons (conditions à définir contre accords coopératifs; ils en ont tant besoin) sur leurs territoires; l’Algérie comme le Maroc …

      • De quoi satisfaire les ecolos. 5 millions d’algériens qui respirent un France, ça fait des millions de tonnes de CO2 et du mettre en moins. On pourra garder nos vaches.

    • Tout à fait d’accord; que la gauche parlementaire s’engage donc à accompagner les retours puisqu’ici elle est en but à la créolisation.

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