Sale temps pour les poissonnières !
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On vient à peine de remballer la crèche dans les boîtes à chaussures qu’un personnage emblématique fait parler de lui : la poissonnière. Dans La Pastorale des santons de Provence, tout comme chez Pagnol, elle se prénomme Honorine. Un prénom qui ne court plus beaucoup les rues, même du côté du Vieux-Port. Une sacrée bonne femme, l’Honorine : du caractère et de la poitrine. Lorsque sa fille, la pauvre Fanny, lui annonce que Marius l’a engrossée, elle s’exclame : « Ne pleure pas, vaï. Ça ne sert à rien. Après tout, l’honneur, c’est pénible de le perdre. Mais quand il est perdu, il est perdu. Que voulez-vous y faire ? » Une sorte de fatalisme antique hérité des fondateurs de la cité phocéenne, pour reprendre l’expression consacrée par des décennies de journalisme sportif.
Aujourd’hui, à 3 heures 20 de TGV de la Canebière (quand tout va bien), l’honneur d’une femme est en jeu. Elle ne s’appelle pas Fanny mais Mathilde. Mathilde Panot, députée du Val-de-Marne, étiquetée France insoumise. Le drame s’est déroulé dans l’Hémicycle. Alors que l’Insoumise va prendre la parole du haut de la tribune, un député s’exclame « La poissonnière ! » Et là, l’affaire part en vrille. La députée exige des excuses : « Ce n’est pas une question personnelle. C’est notre institution qui ne doit pas laisser passe ça », déclare-t-elle à l’AFP. « Beaucoup trop de sexisme à l’Assemblée nationale », selon elle.
Le fautif est un député LREM (on a échappé au pire : imaginons, s'il avait été d'estrèmedrouate...) de Vendée, Pierre Henriet. Ce dernier s’en est expliqué sur Twitter : « Mathilde Panot passe son temps à vociférer à la tribune et à couper la parole. J’étais excédé et mon propos n’est en rien une injure encore moins sexiste, c’est une expression pour dénoncer son comportement comme je le fais aussi pour ses collègues masculins. » Et de citer un tweet de ladite Panot en date du 10 septembre 2020 : « L’éborgneur Christophe Castaner viré du ministère de l’Intérieur pour son incompétence crasse revient par la fenêtre en devenant président du groupe LREM à l’Assemblée. Encore une fois, la Macronie recycle ses déchet. » Une analyse lapidaire qui, à bien y regarder, se défend factuellement parlant, mais, reconnaissons-le, ne fait pas dans la dentelle de Calais.
Oui, mais non. Mathilde Panot est une femme. Et donc, selon les principes édictés jadis par Ségolène Royal, elle bénéficie d’une sorte d’immunité féministe faisant que le moindre quolibet la concernant est forcément suspecté de sexisme. Le député a présenté ses excuses très poliment : « Si elle se sent à tort insultée, je la prie de bien vouloir m’excuser. » Sans pour autant s’aplatir : « Au passage, je remercie ses camarades insoumis pour les centaines d’insultes dont ils me couvrent... » Oui, mais tu es un garçon, mon gars. Pas pareil, donc ! Visiblement, des excuses qui ne suffisent pas à la dame, qui veut aussi des sanctions. Les excuses n'effacent pas la faute, surtout quand elle est quasi irréparable. De son côté, Richard Ferrand, président de l’Assemblée nationale, a « condamné fermement », ajoutant que « le sexisme n’a pas sa place dans notre société, encore moins dans l’expression d’un élu de la République, au sein même de l’Hémicycle ». On est tous d'accord là-dessus.
Se pose alors tout de même la question : est-ce vraiment sexiste que de traiter quelqu’un de poissonnière ? Et puis, élargissons la « problématique » : les poissonnier.es, qui ne hurlent plus sur le marché pour vendre leur poisson, ne sont-ils pas en droit de s’insurger, de leur côté, contre ce procès en vulgarité, venu du fond du Moyen Âge, qui leur est fait ? De la même façon, d’ailleurs, peut-on continuer à traiter de « boucher » les criminels de guerre (par exemple, « Mladić, le boucher de Srebrenica ») ? La profession parfaitement honorable des bouchers ne mérite pas ça. Le débat est ouvert. Mais la pauvre Honorine n’en demande sans doute pas tant. Elle ne souhaite qu’une chose : qu’on ne l’interdise pas de crèche l’an prochain.
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