[SANTÉ] Des stocks d’embryons sauvés de la destruction mais pas de la recherche

La question agitait associations et professionnels de santé mais pas pour les mêmes raisons.
@Lucas Vasques-Unsplash
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Ce 6 mars, le ministère de la Santé a tranché : « Les embryons issus d'une FIV impliquant un tiers donneur et réalisée avant le 31 mars ne seront finalement pas détruits ». La question agitait associations et professionnels de santé, puisqu'à la fin du mois de mars, doit entrer en vigueur un décret d'application de la loi de bioéthique 2021 exigeant le droit des enfants issus de PMA avec tiers donneur à accéder à leurs origines. Mal connue du grand public, l'affaire revêt une importance singulière au regard de ce chiffre que livre à BV le président de la Fondation Jérôme Lejeune, Jean-Marie Le Méné, selon lequel « il subsisterait entre des dizaines, voire des centaines de milliers d'embryons congelés, fabriqués en très grand nombre pour des raisons d'efficacité - leur implantation dans l’utérus féminin ne marche pas à tous les coups. C'est pourquoi un si grand nombre d'entre eux sont conservés dans des cuves d'azote à -180 degré  dans des hôpitaux spécialisés ou centre de PMA. »

Des dizaines voire des centaines d'embryons devaient être détruits

C'était par ailleurs un des aspects positifs de la loi de bioéthique version 2021 : la prise en compte des traumatismes causés aux enfants issus de PMA par don anonyme qui souffraient cruellement de ne pas connaître leur véritable géniteur. Désormais, le donneur de spermatozoïdes ou la donneuse d'ovocytes doit consentir à la divulgation future de son identité. Mais les conséquences de ce changement ont été fort mal anticipées. Les dons se sont raréfiés (qui pour prendre le risque d'assumer une progéniture 20 ans après ?) face à des demandes qui explosent, au point que les autorités ont été contraintes de faire des campagnes publiques.

Opposés à la destruction mais pas pour les mêmes raisons

Autre conséquence qui pose un véritable problème anthropologique : fallait-il détruire les stocks d'embryons issus de dons devenus  "inutilisables" au 31 mars ? Hypothèse rejetée ce 6 mars par le ministère de la Santé à la satisfaction de professionnels qui ne se réjouissent pas tous pour les mêmes raisons. Deux conceptions d'affrontent.

Pour Jean-Marie Le Méné, les embryons ne devaient pas être jetés à la poubelle car ils sont « des êtres humains très petits ». A l'inverse le professeur Sami Hamamah, « figure majeure de la PMA  » considère que « les embryons créés in vitro et congelés ne peuvent être assimilés ni à une personne ni à un bien », tout en s'opposant lui aussi fermement à leur destruction. « Une résistance intéressante qui ne se fait pas par respect pour l’humain, mais simplement pour dire que c’est du gâchis : on a récupéré tout ce stock, on les traite, on les maintient avec des techniques de froid très coûteuses ; ce serait en effet une grande perte pour ces techniciens chercheurs de détruire tout ce matériel qui a coûté de l'argent à fabriquer » décrypte pour BV Jean-Marie Le Méné. Bien placé pour parler du sujet (sa Fondation intente parfois des recours contre les autorisations de recherche délivrées par l'Agence de biomédecine) ; il craint que « ces embryons ne soient donnés à la recherche par l'Agence de biomédecine de manière très large sans respect des conditions légales comme ce qui se pratique parfois. »

Des embryons humains utilisés comme matériaux de laboratoire

Car, poursuit-il, « chaque famille concernée par la PMA a ainsi un petit stock d'embryons qui restent à disposition des couples qui peuvent choisir de s'en servir durant une période de cinq ans ». Expiré ce délai, si l'embryon n'a pas fait « l'objet d'un projet parental »,  il peut être donné à un autre couple (pratique très peu utilisée dans les faits), simplement détruit ou bien encore - ultime solution - donné à la recherche, une pratique légalisée par la loi de bioéthique de 2004 sous l'impulsion de l'ancien ministre de la Santé Jean-François Mattei. « Autrement dit,  la science s'en servira comme matériaux de laboratoire à la place des animaux qui sont mieux protégés », s'inquiète Jean-Marie Le Méné.

Vérifications faites, en effet, en parallèle, beaucoup d'efforts ont été faits notamment au niveau européen pour limiter l'utilisation des seuls animaux pour la recherche scientifique (voir la directive européenne de 2010). Avec un certain succès, le nombre d'animaux sacrifiés dans les laboratoires ayant, à la satisfaction de la Commission européenne, baissé de 11 % en 2024. Tandis que les expérimentations sur les embryons risquent de se multiplier...

Curieux sens des priorités pour une société qui, déplore Jean-Marie Le Méné, « a fabriqué des embryons humains en surnombre sans réellement anticiper ». Cette affaire de stock d'embryons si encombrants pour les uns, si utiles pour les autres révèle à quel point le véritable transhumanisme est déjà là.

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Sabine de Villeroché
Journaliste à BV, ancienne avocate au barreau de Paris

Vos commentaires

3 commentaires

  1. Quand vous additionnez les foetus victimes d’IVG (243.623 en 2023) aux embryons surnuméraires issus de la FIV, puis atteints par la  » Date Limite de Consommation  » des cinq ans, annuellement, depuis la loi du 17 janvier 1975, un demi-million de français tombent au champ d’honneur. Et pourtant, la solution existe: elle s’appelle la Naprotechnologie. On en parle ?

  2. L’intérêt individuel prime sur tout.
    Tous nous pouvons à partir de notre ADN faire des recherches sur nos origines, personnellement je ne comprends pas je ne suis pas attiré par les secrets de famille.
    Par contre tout ne dois pas être permis aux scientifiques pour la recherche.
    Pourquoi autant d’embryons sans avenir ?

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