[SANTÉ] Explosion des violences contre les professionnels de santé
Estimant n'avoir pas été pris en charge assez rapidement aux urgences de l'hôpital d'Annemasse (Haute-Savoie), le 8 janvier, Hassim, 33 ans, et son frère Nasser, 23 ans, s'en sont pris au personnel de l'établissement. Bilan : treize victimes, dont 12 qui se sont vu reconnaître des incapacités de travail (entre 1 et 6 jours). Placés sous contrôle judiciaire, les deux individus seront jugés le 17 février. Mais le choc a été tel que le service a fermé ses portes durant une semaine. Comme un air de déjà-vu, le nouveau ministre de la Santé, Yannick Neuder, dépêché sur les lieux, a promis une série de mesures de fermeté. Annemasse n'est pas un cas isolé, dans cette France 2025 où les professions médicales sont deux fois plus exposées que l'ensemble de la population aux violences physiques ou verbales. Des agressions partout en augmentation (+27 % en 2023, selon l'Observatoire de la sécurité des médecins). Deux médecins racontent à BV.
« Ils m'ont prévenu qu'ils m'attendraient dehors en faisant le geste de se passer le pouce sur la gorge »
Le Dr Benjamin Levavasseur est médecin à l'hôpital de la Fondation Rothschild. Il se souvient, lorsqu'il exerçait au service de réanimation d'un établissement précédent, avoir été menacé plus d'une fois, et particulièrement par une famille « qui, faisant le geste de passer le pouce sous la gorge, [l']ont prévenu qu'ils [l']attendraient dehors parce qu'[il] avait refusé une IRM ». Une autre affaire, celle de Sabrina, infirmière, suivie dans la rue par l'enfant d'un patient « qui savait où elle habitait et menaçait de la démolir », l'a aussi particulièrement marqué. Des menaces qu'il décrit comme « non exceptionnelles, en augmentation très franche », particulièrement dans les services de réanimation et ceux des urgences. Le Dr Jacques-Michel Lacroix, bien connu des lecteurs de BV, s'est, lui, déjà fait braquer au fusil de chasse par un patient qu'il venait visiter. Pour prévenir ce type d'agression, dit-il, « en ville, il m'est arrivé de monter des escaliers avec un bombe lacrymogène à la main pour parer, si possible, à toute éventualité, surtout si le patient à voir risquait d'être un malade psychiatrique ou un drogué ».
« L'hôpital a cessé d'être un sanctuaire »
Si, comme en témoignent nos deux médecins, « l'hôpital a cessé d'être un sanctuaire », les médecins de ville sont encore les plus exposés : 54 % des « incidents » ont lieu en milieu urbain et un quart (24 %) en milieu rural. Derrière les statistiques, personne n'oublie ces visages tuméfiés du Dr Oulmekki, à Drancy, ou celui du Dr Jean-Yves Ollivier, à Nice, 80 ans, tabassé pour avoir refusé de délivrer un bon de transport. Avec, à la clé, une réponse pénale qui laisse pantois ( 6 mois de prison avec sursis pour l'agresseur de Nice)...
6 mois de prison avec sursis pour l’homme qui a tabassé ce médecin généraliste à Nice, car il refusait de prolonger son arrêt maladie. L’agresseur ressort donc libre avec obligation d’avoir un suivi psychologique.
Du coup, le consanguin va gagner un nouvel arrêt maladie. Il peut… pic.twitter.com/zG5LbrF7Eo
— Kim Jong Un ᵖᵃʳᵒᵈⁱᵉ (@KimJongUnique) February 13, 2024
« L'accusation de racisme est également régulièrement employée »
Comment expliquer une telle violence et quels sont les profils des agresseurs ? En ville, explique le Dr Lacroix, « les malades viennent au cabinet médical pour chercher une ordonnance comme ils iraient au supermarché remplir leur Caddie™ ; ils se comportent en simples consommateurs, exigent ce service parce qu'ils y ont droit, quitte à employer la violence pour y parvenir ».
« Dans les services de réanimation, poursuit Benjamin Levavasseur, nous sommes confrontés à des réactions très agressives de familles très infantiles qui souffrent d'un défaut d'éducation, ne savent pas prendre de recul face à la mort qu'ils n'acceptent pas et retournent leur colère contre le médecin. L'accusation de racisme est également régulièrement employée pour nous mettre en difficulté. » Preuve que l'effet communautarisation de toute la société n'arrange rien.
Un plan gouvernemental pour rien ?
Les promesses, les déclarations d'intention et les « plans gouvernementaux » sont pourtant légion : en septembre 2023, le gouvernement annonçait même 42 mesures pour la sécurité des personnels de santé (sensibilisation du public, formation des soignants, diffusion d'une culture de la sécurité des bâtiments, renforcement des sanctions, amélioration des signalements)... Beaucoup de bonnes intentions qui n'ont pas empêché l'agression d'Annemasse. « Rien n'a changé, depuis 2023, en dehors de mettre des affiches dans les hôpitaux pour expliquer qu'être violent, c'est mal », confirme le Dr Levavasseur, qui poursuit : « Ces agressions, tout comme celles qui concernent les pompiers ou la police, ne sont qu'une des conséquences d'un trouble plus profond qui gangrène la société depuis des années : l'abandon d'une éducation respectueuse des valeurs établies et la promotion d'un individualisme peu, ou pas, respectueux de ces valeurs traditionnelles. »
Bruno Retailleau a décidément du pain sur la planche.
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27 commentaires
C’est un peu plus compliqué que ça en a l’air. Certes les actes mentionnés sont inadmissibles mais il y a une colère sourde qui monte contre le corps médical de la part de la population tout entière et ce serait bien de creuser un peu le sujet. Et, question racisme, je me demande bien pourquoi étant donné que, dans certains endroits, il n’y a que des médecins étrangers.
Les professions médicales comme ceux de la sécurité et de l’éducation nationale, sont devenues : « Métiers à Risques » comme beaucoup d’autres…
« La peste est entrée dans la ville »…Le Cheval de Troie aussi…Allez, membres du gouverne-ment, il faudrait peut-être se réveiller et agir avec un peu de courage!…Mais le gouverne-ment a peur des représailles, se cache et laisse souffrir son peuple.
Où en est-on avec « notre système santé que tout le monde nous envie » ? Pour information, le cardiologue de l’hôpital de St Affrique (sud Aveyron) vient de démissionné. Une rumeur dit qu’un conflit laurait opposé au Maire… (?) Mais cela signifie que, pour le Sud Aveyron il n’y a plus de cardiologue auprès duquel il est encore possible de prendre rendez-vous ! L’un, proche de Millau a 73 ans… Un autre a fait un double AVC… Les seuls recours sont Rodez (85 km mais 1 h 30 vu la sinuosité des routes) ou Montpellier 130 km ! Et encore RDV dans 6 mois ou 1 an ? Alors passer par les Urgence ? Non il faut d’abord contacter le 15 expliquer son car et, avec de la chance vous serez pris en considération. Vous avez une pile cardiaque dont il faut vérifier la pile, comment fait-on ? Et on condamne des médecin à cesser toute pratique pendant 2 mois parce qu’il refuse de prendre en charge un/une (?) transsexuel(le) où se met en retrait des gardes de nuit alors qu’il assure le service sur 2 000 patients. Et pour régler le problème on veut rajouter un an d’internat ce qui va sûrement inciter les jeunes à se ruer sur la profession alors que durant ces internats ils sont corvéables à merci et payés avec des cacahuètes. Ces bureaucrates confortables dans leurs bureau avec leurs horaires bien réglés sont des irresponsables. L’ARS est une hérésie dispendieuse régie par des fonctionnaires.
Marre d’exprimer ma colère contre cette justice indigne d’un pays comme le nôtre.