[SANTÉ] Trop de médecins en 2035 ?

Les patients voudront-ils des « médecins » ou voudront-ils simplement « être soignés » ?
médecins

S’il est un sujet récurrent, c’est bien celui des déserts médicaux. Eh bien, le croiriez-vous, plusieurs chapeaux à plumes de la profession s’inquiètent, cet hiver, de ce qu’on pourrait bien avoir trop de médecins vers 2035 !

Du numerus clausus au numerus apertus

Un peu d’histoire. Devant l’envolée des dépenses de santé, les technocrates choisirent, en 1988, de réduire l’offre en instaurant le MICA (mécanisme d’incitation à la cessation d’activité), lequel permettait aux médecins de partir à la retraite dès 60 ans et même, un temps, à 56. Beaucoup en profitèrent, d’autant que l’ingérence fouineuse des administrations commençait à leur peser.

Comme ça ne suffisait pas, on ferma le robinet des études avec le fameux numerus clausus et même « super clausus », de 92 à 99, avec le fond du gouffre en 93 : 3.500 étudiants, seulement, admis en deuxième année.

Ajoutons à cette pénurie programmée l’attitude des nouveaux installés - qui sont majoritairement des nouvelles installées - baignés dans l’idéologie des 35 heures et qui souhaitent consacrer plus de temps à leur vie de famille, tandis que le gros des boomers prend sa retraite, et nous avons la situation actuelle.

En 2020, le numerus clausus est remplacé par un numerus dit « apertus » mais qui, en pratique, conserve une sélection encore importante à la fin de la première année. En avril dernier, Gabriel Attal n’en alléguait pas moins un objectif de 16 .000 nouveaux carabins par an, qui commenceront à arriver dans dix ans. Il y aura alors moins de départ en retraite, car les derniers boomers seront partis.

L’inquiétude actuelle du professeur Patrice Diot, président de la Conférence des doyens de médecine de 2020 à 2022, pourrait donc bien s’avérer : « Nous ne sommes pas à l’abri de nous retrouver dans une situation de pléthore médicale dans les années à venir. » Et deux autres éléments vont à l’appui de cette crainte.

D’abord, que savons-nous de l’exercice médical, dans dix ou quinze ans ? Les patients voudront-ils des « médecins » ou voudront-ils simplement « être soignés » ? Ce n’est pas exactement la même chose. Parce qu’aujourd’hui, déjà, plusieurs professions paramédicales (infirmières, sages-femmes, pharmaciens) sont habilitées à pratiquer des gestes ou des prescriptions qui, il y a peu encore, étaient réservées aux médecins. Et cette tendance ne fera que s’étendre, au grand dam des praticiens qui redoutent de n’avoir plus à prendre en charge que les cas longs, difficiles et polypathologiques, mais pour le même prix.

On peut penser, aussi, que l’intelligence artificielle dégagera de plus en plus de temps médical et administratif, ce qui permettrait la prise en charge de patients un peu plus nombreux.

En attendant, la résolution du manque de médecins par la contrainte ? Certains y pensent

Tout cela ne résout pas la carence actuelle, contre laquelle les grands patrons fonctionnaires proposent plus de bâtons que de carottes pour forcer les installations en libéral. Pour le doyen de Besançon, Thierry Moulin, « il y a bien un moment où il va falloir un peu contraindre, comme les pharmaciens l'ont fait » et « favoriser les installations dans les zones sous-denses ».

Plus prudent mais aussi plus ambigu, un autre mandarin propose, en prenant soin de ne parler ni de volontariat ni d’obligation, un « service médical national », contrat d'un an pour que de jeunes médecins aillent s'installer en zones sous-denses.

Plus simple, rapide et motivant serait, dès aujourd’hui, la réduction des tâches administratives, le cumul emploi-retraite intégral sans condition et une fiscalité plus incitative. Mais moi, je ne suis pas professeur...

Picture of Richard Hanlet
Richard Hanlet
Médecin en retraite, expert honoraire près la Cour d'appel de Versailles

Vos commentaires

35 commentaires

  1. Les jeunes médecins recherchent la satisfaction de leur égo. Ce qui veut dire présence de pôles culturels et divertissants très denses. Tout est concentré dans les métropoles. Ruralité désertée, médecins fuyants. La ruralité doit se rendre attractive par l’intermédiaire d’investissements significatifs. Aux régions de partager ses profits. Question de volonté, comme toujours.

  2. Ce n’est pas à un ministre ou autre autorité administrative à gérer du haut de son piédestal le nombre de médecins, sinon à se complaire en URSS.

  3. « Quand on fait 8 ou 10 ans d’études payées par les contribuables, on doit à la société. C’est vrai pour l’école Polytechnique. Pourquoi pas pour les médecins ? » Et pourquoi pas ceux qui ont bénéficié du collège et du lycée ?

  4. La médecine s’est dégradée. Les lapins se multiplient comme les papiers à remplir, l’administration et les contraintes matérielles. La soumission de certains médecins lors du Covid est honteuse ainsi que l’Ordre des Médecins. Les urgences inondées de personnes qui n’ont rien à y faire etc…Je m’arrête là car il y a un grand ménage à faire.

  5. « Plus simple, rapide et motivant serait dès aujourd’hui la réduction des tâches administratives, le cumul emploi retraite intégral sans condition, et une fiscalité plus incitative. »

    Absolument. Un ami médecin se retrouvant avec un seul collègue (au lieu de 4 collègues) dans la maison médicale où il travaille + un médecin qui a son cabinet en ville, pour un canton d’environ 1200 habitants, a du salarier une assistante médicale (Infirmière) pour faire les démarches administratives et la prise des constantes (Tension, pouls saturation, Poids…) car il n’avait plus que 10 mn par patient ce qui est, pour lui, trop juste pour faire un diagnostic et une bonne anamnèse.
    Il a donc dégagé du temps pour ses malades. mais il doit payer la salariée! revenus diminués fortement, mais plus de temps consacré à son métier (il aime les gens et est un excellent médecin).

    Et l’un de ses anciens collègues voyant son état d santé (il a beaucoup maigri) revient une journée par semaine bien qu’en retraite (avec des difficultés administratives car il est en retraite!)

    Est ce normal?

  6. Dans mon désert médical, les communes et départements offrent d’énormes avantages aux médecins pour venir s’installer en campagne : prise en charge des paperasses par des secrétaires au sein de pôles médicaux, 35 h, repas, voiture et logement pris en charge, 6500 euros de salaire ! Et malgré cela, point de candidats ! Mon médecin est parti se vendre en agglomération pour 10 000 euros mensuels, sans état d’âme pour ses malades ! Cela s’appelle un mercenaire !

  7. Quand on fait 8 ou 10 ans d’études payées par les contribuables, on doit à la société. C’est vrai pour l’école Polytechnique. Pourquoi pas pour les médecins?

    • 1- On paye l’inscription! On paye notre logement et notre nourriture!

      2- pour avoir nos examens, on travaille sans rémunération, même lorsque l’on est en stage!
      Donc sans indemnités de stage, malgré ce que l’on peut lire sur le web (ou alors ce doit être exceptionnel), sauf pour les Internes (qui sont payé avec un élastique)
      Il y a même des stages que l’on doit payer (heureusement non obligatoires, mais nécessaires)

      3- Une fois dans la vie professionnelle on paye aussi pour les étudiants, car on est contribuable!

      Ceci dit, oui, pourquoi pas quelques années obligatoires données à l’Etat dans les régions qui sont des déserts médicaux? Mais 8 ans me parait beaucoup. Il faut vivre (manger, avoir un toit, s’habiller, se chauffer…). Et vu le métier (les 35h n’existent pas dans le milieu médical) cela parait injuste.
      Il faudrait peut être qu’ils soient salariés au SMIC pendant 5 ans dans les déserts médicaux. Ce serait plus juste.
      Et les urgences seraient par contre rémunérées, sinon, là encore on est dans l’injustice totale, vu que, déjà une journée complète d’un médecin est d’au moins 10h , avec les urgences il faut compter 2 à 3h de plus).

      • Précisons que les indemnités (qu’on devrait appeler aumônes) des gardes de nuit,en moyenne une nuit sur trois, et souvent occupées au moins partiellement par des interventions longues, ne sont pas prises en compte dans le calcul de la retraite.
        Y a-t-il une autre profession qui accepte cela?

      • Logement, nourriture, inscription : et tous les autres étudiants ( en autre chose) il font comment, croyez-vous ? En + , ils se payent leurs bouquins; puis ils pointent à po^le emploi et sont afffectés n’importe où dans l’hexagone en 15 jours pétantes…Pas faire pleurer dans les chaumières ; chacun son problème selon son choix..

  8. S’ il y a trop de médecins, ce ne sera pas longtemps un problème: on aura vite fait d’ inventer de nouvelles maladies. Le Dr Knock n’est pas près de la retraite.
    Et on pourra aussi faire venir des malades de l’étranger pour pallier au manque des pays encore  » en voie de développement »: ce sera même un devoir moral car actuellement on peut considérer qu’on pille des pays, notamment africains,de leurs jeunes médecins pour venir faire les tourner tant bien que mal les hôpitaux français. Nous aurons toujours une dette à rembourser. Parfait, car les dettes c’est un bon moteur de la croissance, la divine « Croissance » sans laquelle tout s’ effondrerait fatalement. D ailleurs tout irait bien , certainement, si on avait laisser croître le nombre d’étudiants admis en médecine.

  9. Ah ah : Vous aussi, vous avez une dent contre les « super mandarins » ? En effet, pour le soin prorement-dit (et si on réhabilitait l’homéopathie et l’herboristerie ?), pas forcément besoin d’un ou une assermenté aux chevilles enflées par bourrage de crâne; Surtout depuis la « plaisanterie » COVID où ils se sont tous déconsidérés…

    • « depuis la “plaisanterie” COVID où ils se sont tous déconsidérés »;
      Dans mon entourages, ils se sont tous retrouvés devant le Conseil de l’Ordre, voire certains devant un commissaire de police…. Pour avoir soigné! Et certains se sont vu suspendus (donc sans revenus!
      Mais bizarre, ceux là, pourtant finalement assez nombreux, on n’en parle pas.

      • Je suis restée sans soins avec un COVID long(25 jours sans pouvoir bouger) et m’en suis sortie toute seule. Désormais, moins je fréquente les médecins (et accessoiristes) mieux je me sens.. J’ai de l’argile dans mon potager, des saules en bordure de ruisseau, et toutes les « simples » bien connues avant 1958..

    • Vous avez tout à fait raison. Je pense que vous savez comme les « Chefs de Service » se tirent dans les pattes dans les hôpitaux…

  10. Au rythme ou ça va bien sur qu’il y aura trop de médecins ! LMisez le Journal Officiel, rubrique nomùination, ministère du travail et de la santé, en moyenne tous les deux jours des dizaines de médecins étrangers autorisés à travailler chez nous. Pendant ce temps, les jeunes français qui veulent se lancer dans les études de médecine sont bloqués avec le « numérus clausus » instauré dans les années 70 par la caste !

  11. Peut-être faudra-t-il demander à quelques médecins parlant un français approximatif (savez-vous que c’est contre la déontologie de s’installer sans maîtriser suffisamment la langue pour ne pas mettre le patient en danger? Si celui-ci vous dit « Je ne peux pas respirer et que vous ne comprenez pas, vous êtes fautif) de rentrer chez eux?

  12. De gros manques dans cet article !
    1/les évolutions démographiques ne sont pas prises en compte.
    2/Le déséquilibre entre l’évolution des pathologies et la distribution des spécialités n’est pas abordé / L’offre globale est une chose, sa composition en est une autre. Quid du déficit colossal en psychiatrie par exemple ?
    3/Les déséquilibres régionaux ne sont qu’effleurés.
    4/ La phrase « Parce qu’aujourd’hui déjà, plusieurs professions paramédicales (infirmières, sage-femme, pharmaciens) sont habilitées à pratiquer des gestes ou des prescriptions qui, il y a peu encore, étaient réservées aux médecins. » est lunaire. Ce sont des actes « de base » qui n’ont rien à voir avec la pratique médicale dès qu’on aborde les « choses sérieuses » : cardiologie, cancérologie, urologie, psychiatrie, orthopédie, neurochirurgie, radiologie et radiologie interventionnelle et l’imagerie qui a fait des progrès incroyables mais nécessite des praticiens de haut niveau et de plus en plus spécialisés, ophtalmologie, médecine tropicale et virologie, etc, etc, Or ces choses sérieuses ne font qu’exploser tant en raison de l’évolution démographique que des capacités de la médecine à les traiter de manière de plus en plus étendue et performante. L’IA ça peut aider, mais ça ne remplacera jamais le clinicien formé et expérimenté qui aura le dernier mot ; et encore moins la main, l’instinct et l’œil du chirurgien. Le robot opératoire aura toujours besoin d’être « initialisé » guidé et contrôlé, avec un chirurgien prêt à reprendre les commandes du « vaisseau » en manuel.

    • spécialisation « IVG » et apprentissage au jeu de fléchette » pour lancer efficacement « les doses létales » pour euthanasier vont être les deux mamelles des médecin.3 biberonnés à l’ère macronienne …
      Y a t-il même « besoin » de temps d’années d’études pour faire des piquouzes ? ! …
      IGNOBLE ! …

    • Ce matin au JO un décret pour les infirmiers en « service avancé », pour en faire des médecins au rabais avec actes de chirurgie autorisés. 21 heures de formation !

  13. On doit avoir à faire aux mêmes qui il y a quelques dizaines d’années pensaient qu’en diminuant le nombre de médecins il y aurait moins de malades !

Commentaires fermés.

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

Voiler la Tour Eiffel, c’est convertir un symbole de France
Lire la vidéo

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois