[Satire à vue] L’entreprise dérangeait le sommeil du pyromane congolais

Pour le Congolais Fistel Kavoka, la grasse matinée est sacrée. Venu en France pour pratiquer son cérémonial, le dormeur avait trouvé à Évreux un squat équipé d'un matelas respectant les règles internationales de la spécialité. Ni trop ferme, ni trop mou. Chaque soir, il pouvait ainsi se lancer dans une nuit prometteuse de réveil tardif. Pour ce métier en tension que beaucoup de travailleurs français rechignent à exercer, il s'agit de bien remplir la mission. Jamais avant midi ! Les ordres de l'employeur Morphée SARL ne souffrent aucun manquement. Soumis à des cadences infernales, Fistel tient bon, malgré les nuisances sonores d'une entreprise de peinture située non loin de là. Des malfaisants s'agitent chaque matin à des heures où le somnolent est au sommet de son art. Dans des voitures bruyantes les employés arrivent, les portes de l'entrepôt claquent, des éclats de voix fusent. Comment dormir, dans ces conditions ?

Trois incendies

N'y tenant plus, le 21 février, le champion de la grasse matinée parvient à s'extraire de sa couche pour aller incendier trois véhicules et tenter de réduire en cendres le bâtiment des tapageurs. Il ne parvient à en endommager qu'une partie, mais tant pis. Il doit très vite reprendre son sommeil là où il l'avait laissé. Il était en train de rêver qu'Emmanuel Macron lui apportait son petit déjeuner. À n'en pas douter, son intervention nocturne va lui permettre de retrouver son sommeil en rythme de croisière. Minuit-12 h 30 sans escale. C'était, hélas, sans compter sur la persévérance de l'entreprise à nuire au migrant fatigué. Chaque matin, à l'heure où Fistel Kavoka tente de récupérer de son inactivité de la veille, l'agitation reprend. Lors de son réveil précédent, aucun élément n'avait permis de l'identifier. Il va pouvoir intervenir à nouveau.

Un expert Bisounours

Le 14 avril, au terme de deux mois d'une patience brisée par le cynisme des empêcheurs de dormir en rond, le quasi-insomniaque détruit par les flammes 200 m² d'entrepôt. Les caméras de vidéosurveillance montrent une ombre provenant du squat mais rien ne permet de discerner le faciès ravagé par le manque de sommeil de l'incendiaire. Retour au lit réparateur jusqu'au 1^er septembre. Avant d'entamer son hibernation annuelle, les bruits ayant repris, le pyromane décide de frapper une troisième fois. C'est le match de trop. Un riverain a reconnu ce Congolais de 42 ans en situation irrégulière : « Je l'ai vu dans la cour, il criait et rigolait ! » L'homme est interpellé alors qu'il se cachait sous des couvertures. Un expert psychiatre se rend à son chevet. Son diagnostic glace le sang des dirigeants de l'entreprise anéantie : il est en « très grave difficulté ». À quelques encablures de ruines fumantes et d'employés mis au chômage, la conclusion du spécialiste concourt dans la catégorie Bisounours de compétition.

Surmontant les propos décousus du prévenu, les policiers finissent par comprendre qu'il n'aimait pas être réveillé, tôt le matin. La pathologie implique que le sujet dorme dans un lieu dépourvu de toute activité humaine. Le vaste espace désertique situé au nord du Congo semble réunir les conditions idéales. Le marchand de sable y est généreux. Ne pas expulser le sieur Kavoka vers ce paradis serait inhumain.

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