Scandaleux : en plein désert, 15 minutes de défilé Yves Saint Laurent dans une débauche d’eau et de climatiseurs ! 

Désert des tatares

Les forêts flambent depuis le début de l’été, et tant pis s’il s’agit d’incendies criminels allumés par des pompiers pyromanes ou des fumeurs compulsifs, la faute en est, nous assure-t-on, au réchauffement climatique. De fait, l’été est chaud et on nous le martèle cent fois par jour : il faut E-CO-NO-MI-SER l’énergie, éteindre les climatiseurs et couper le robinet.

Les reportages alarmants se succèdent : sur l’oasis de Tozeur, en Tunisie, dont les cent sources sont taries et qui va mourir de soif après 4.000 d’existence, ou sur la situation catastrophique du Maroc qui connaît « sa pire sécheresse depuis quarante ans » et dont les habitants subissent « une grave pénurie d’eau ».

Alors, forcément, tandis qu’on bat l’air avec son éventail, on est un peu surpris d’apprendre que la maison Yves Saint Laurent a organisé son dernier défilé dans le désert marocain d’Agafay. Étaient conviés à cette mondanité de luxe plus de 300 journalistes, des célébrités (dont Catherine Deneuve, bien sûr) et le gotha des influenceurs sans qui aujourd’hui rien n’existe. Pour les recevoir comme il convient, « Kering a loué un terrain, créé une route de 6 kilomètres pour accéder au site, avec arrosage quotidien, bâtiments éphémères, climatisations et espace VIP », nous dit lemondemoderne.media. Bref, « c’est un studio hollywoodien digne d’un blockbuster qui a été conçu », soit « sur le site du défilé, plusieurs bâtiments de 35 mètres, un bâtiment régie technique, un salon VIP et d’autres bâtiments recouverts de panneaux miroirs pour les bureaux et collections ».

Enfin, clou de cette présentation grandiose, une « Stargate » (un énorme anneau lumineux) de 12 tonnes émergeant d’un bassin empli de 500 m3 d’eau. En plein désert. En pleine sécheresse.

La presse « people mode et travaux d’Hercule » ne tarit pas d’éloges. Ainsi le reporter du magazine GQ, ébahi, qui titre ainsi son papier : « Dans le désert marocain, le défilé Saint Laurent fait un magistral retour aux sources. » Entre cynisme et bêtise crasse, on évitera de se prononcer. Il relate : « Les invités ont été transportés en convois, à la manière de 007, dans des fourgons noirs, jusqu'à un camp construit à l'occasion en plein cœur du désert […] Comme un rassemblement galactique tout droit sorti des films Dune ou Arrival, deux boîtes métalliques scintillantes servaient de passerelle vers le podium qui, pour la première fois dans l'histoire des défilés masculins de Saint Laurent, était circulaire, s'enroulant autour d'un bassin improvisé d'où émergeait un anneau de lumière. »

Mais n’ayons pas d’inquiétude : cela s’est fait dans le strict respect de « la stratégie développement durable pour 2025 », affirme le groupe Kering qui possède aujourd’hui la marque. Et tant pis si les forçats qui ont construit cette folie pour 15 minutes de défilé ont trimé par 50 °C sans ombre pour 15 euros par jour. Car Le Monde l’assure : « En 2022, le luxe n’a jamais été aussi extravagant, ni aussi conscient des conséquences de ses actes (sic). »

Les 0,1 % les plus riches de la planète peuvent se mettre les fesses aux frais pour voir défiler des mannequins androgynes faméliques ; les petits commerçants, eux, doivent désormais fermer la porte de leur boutique s’ils mettent en marche le ventilo, sinon, gare à l’amende ! Quant à vous, lisez attentivement votre bréviaire sur « la sobriété écologique », c’est Macron qui l’a dit.

Marie Delarue
Marie Delarue
Journaliste à BV, artiste

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