Science et raison à la mode Macron

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L’article d’Emmanuel Macron paru dans L’Express du 21 décembre dernier sous le titre « Réenchanter le monde » mérite la plus grande attention, tant il recèle d’ambiguïté et de malignité intellectuelle.

Le titre est bien trouvé de la part d’un candidat non déclaré mais réel à l’élection présidentielle dans un contexte comme celui que nous connaissons. Au-delà de cette part de rêve entretenue et utilisée, ce en quoi il ne se distingue pas vraiment de ses prédécesseurs, il faut s’arrêter au contexte, à la démonstration, aux mots et aux concepts utilisés.

Le contexte n’est en réalité qu’un prétexte. Il s’agit d'une recension de diverses contributions autour du livre de Bolloré et Bonnassies, Dieu. La science. Les preuves, dont le sens est de dire que la science ne permet plus de justifier un positionnement matérialiste et qu’au contraire, elle devrait conduire à croire en l’existence d’un Dieu grand architecte de l’univers.

Notre président de la République prend tout d’abord sa plume pour faire un éloge à la science. Qui oserait soutenir le contraire ? Benoît XVI lui-même, dans son discours prononcé à Ratisbonne, s’exprimait ainsi : « La grandeur du développement moderne de l’esprit est reconnue sans restriction : nous sommes tous reconnaissants pour les grandes possibilités qu’elle a ouvertes à l’homme et pour les progrès de l’humanité qui nous sont offerts. »

Là où les mots d’Emmanuel Macron deviennent équivoques et inquiétants c’est lorsqu’il place implicitement la science au-dessus de tout, et particulièrement de la raison des philosophes comme des théologiens. D’ailleurs, il stigmatise « l’intégrisme religieux, et ses explications totalisantes qui privilégient la foi sur la raison, la croyance sur le savoir et excluent le doute constructif, [qui ] devient de plus en plus prégnant ». Sa récusation du relativisme ne se faisant, par ailleurs, qu’à l’aune de la vérité scientifique, c’est-à-dire du matérialisme. D’où une contradiction fondamentale de son discours lorsque l’on lit, ensuite, qu’il loue l’ouverture de l’homme à la dimension surnaturelle…

Si son objectif n’était que de combattre le complotisme, il serait éventuellement possible d’admettre ces affirmations. Mais en réalité, Emmanuel Macron ne se prononce qu’au nom du relativisme religieux qui lui fait écrire : « Oui, la science et Dieu, la raison et la religion peuvent donc vivre côte à côte, parfois même se nourrir. Cela est même souhaitable, tant aspiration à la raison et besoin de transcendance cohabitent en chacun de nous. »

Pour lui, la science est le domaine de la raison. On doit simplement tolérer la respiration surnaturelle ou spirituelle du citoyen conformément à ce bon vieux principe d’une fausse distinction entre le fort interne et le fort externe.

Benoît XVI, toujours lui, dans le même discours, répondit à cela en démontrant combien il était impossible, sauf à tomber dans l’intolérance et la barbarie ainsi que dans la violence, de nier la place fondamentale de la raison dans le domaine plus général des questions humaines, au-delà de celui de la seule scientificité.

« Car les questions humaines spécifiques (d’où venons-nous et où allons-nous), les questions de la religion et de la morale ne peuvent pas trouver une place dans la raison communément définie par la “science” et doivent être transférées dans la subjectivité. »

Un peu plus loin : « Mais de cette manière, morale et religion perdent leur capacité de formation collective et relèvent de l’arbitraire. Cette situation est dangereuse pour l’humanité : nous le constatons en voyant les pathologies de la religion et de la raison, qui doivent nécessairement se manifester là où la raison est si réduite que les questions de la religion et de la morale ne relèvent plus de son domaine. »

Et le pape émérite de conclure : « Ne pas agir selon la raison (selon le Logos) s’oppose à la nature de Dieu », répliqua Manuel II, depuis sa vision chrétienne de l’image de Dieu, à son interlocuteur persan. C’est dans ce grand Logos, dans cette large raison que nous invitons nos partenaires au dialogue des cultures. »

Il n’est pas sans intérêt de rappeler que ce discours fut prononcé par rapport à la question de la violence dans l’islam, qui est quand même l’un des problèmes politiques auxquels le président de la République française est confronté au premier chef ! Voilà qui est de nature à faire douter de sa capacité à le traiter et surtout assurer la sécurité des Français en ce domaine…

La solution ne se trouve que dans la vérité, la vérité sur Dieu, la vérité sur la religion que l’État doit assurer. Une vérité que l’on peut découvrir dans et par le « logos » c’est-à-dire dans et par la raison en philosophie et en théologie.

Ce n’est pas la conception de la laïcité telle que la rappelle dans sa conclusion le président de la République qui peut permettre de parvenir à atteindre ce niveau de réflexion collective, tant il est vrai que cette laïcité fut d’abord et avant tout un combat contre une religion dont il fallait absolument éteindre l’influence politique et sociale en même temps que spirituelle.

Le problème est que dans le cadre d’une campagne électorale, les mots du Président risquent d’être suffisants pour lui permettre de surfer sur la vague de la crédibilité, surtout dans le contexte de peur savamment entretenu depuis des mois.

 

Le blog de Bernard Hawadier

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