Sciences Po Grenoble : d’anciens étudiants s’insurgent contre les dérives de leur école

liberté d'expression

Dans une tribune publiée dans le JDD du 25 décembre, quarante anciens étudiants de Sciences Po Grenoble dénoncent « une dérive dangereuse » dans cette école. Il n'est pas tolérable, écrivent-ils, « que des enseignants y soient menacés et maintenant suspendus pour avoir eu la volonté de débattre de certains sujets ». Ils en appellent au ministre de l'Enseignement supérieur, ainsi qu'à la direction et aux instances de décision de l'établissement pour faire respecter la « liberté d'expression », la « nécessité de débattre » et l'« équilibre entre les sensibilités ».

Cette tribune n'est malheureusement pas un scoop. Depuis longtemps, des universités, notamment de sciences humaines, subissent des influences politiques, très majoritairement de gauche. Les plus anciens de nos lecteurs se souviennent de Mai 68, où les amphithéâtres servaient plus à la propagande de minorités gauchistes qu'à des cours universitaires. Depuis, la situation ne s'est guère améliorée, elle a même tendu à s'aggraver, le plus légalement du monde. Paradoxalement, ce sont des gouvernements de droite qui, par leurs réformes, ont permis à des minorités agissantes de faire pression ou de s'imposer.

Après la loi Faure du 12 novembre 1968, la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités, que Valérie Pécresse s'enorgueillit d'avoir fait adopter, a accordé aux universités une autonomie dont ont tiré profit les courants qui font passer leur idéologie avant l'enseignement et la recherche ou les mêlent étroitement. Ce n'est un secret pour personne que certaines d'entre elles rayonnent plus par leur propension à faire de la politique que par leur excellence et sont généralement plus réputées pour leurs records de grèves que pour la qualité de leurs diplômes.

Une minorité de militants engagés, étudiants et professeurs, suffit à dicter sa loi à une majorité silencieuse. Des syndicats peu représentatifs sont considérés comme les interlocuteurs officiels de l'administration, des associations, elles-mêmes minoritaires, trouvent dans les universités un terrain favorable. Les enseignants-chercheurs et les étudiants, qui ne sont pas nécessairement acquis aux idéologies dominantes, n'ont plus qu'à faire profil bas s'ils ne veulent pas devenir une cible, laissant trop souvent la place aux plus politisés dans les instances dirigeantes.

On peut sans doute se réjouir que d'anciens étudiants de l'IEP de Grenoble réagissent dans une tribune, mais l'auraient-ils fait du temps de leurs études ? Leur souhait de voir leur école se dépolitiser restera un vœu pieux tant que la majorité silencieuse ne prendra pas la parole pour s'opposer à une gauche d'autant plus sectaire qu'elle a la certitude d'avoir raison. Car ces minorités, comme on l'a vu en de nombreuses occasions, font régner une terreur intellectuelle pour implanter leur idéologie et il en coûte souvent beaucoup à qui la dénonce ouvertement.

L'islamo-gauchisme n'est pas seul à gangrener les universités. La déconstruction de l'Histoire, les théories du genre, toute la cancel culture qui nous vient des États-Unis y trouvent aussi de l'engrais pour s'épanouir. Jusqu'à l'écriture inclusive, imposée aux étudiants, voire aux professeurs dans leurs courriels, sans que les instances dirigeantes ne s'en émeuvent, quand elles ne les encouragent pas ou les admettent pour préserver leur tranquillité. Si des universités sont dominées par des idéologies de gauche, c'est peut-être parce que des gouvernements de droite les ont outillées pour y parvenir, mais c'est aussi parce que la majorité silencieuse les laisse faire.

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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