Scolarisation à 3 ans : Macron n’aurait pas pensé au surcoût financier pour les communes ?

Il y a un peu plus d'un mois, en ouverture des Assises de la maternelle à Paris, Emmanuel Macron a annoncé la modification de l'âge de la scolarité obligatoire, qui sera ramené de 6 à 3 ans en France à partir de la rentrée 2019. Une contributrice de Boulevard Voltaire a déjà dévoilé les limites de ce qui est avant tout une habile opération de communication, puisque la quasi-totalité des enfants sont, de fait, déjà scolarisés à trois ans.

Mesure symbolique, certes. Mais dès qu'on touche à la réglementation scolaire, même à la marge, il y a inévitablement des flux d'enfants et de personnels. Et d'argent. En effet, cette généralisation de la scolarité à trois ans concernera tout de même plus de 20.000 enfants. Il faudra donc trouver des postes. Mais il semble qu'au ministère de l’Éducation, cette réforme se fera à moyens constants en supprimant, par exemple, la scolarisation dès deux ans pour récupérer les postes correspondants. Bonne gestion que l'on ne saurait reprocher à M. Blanquer, et ce, d'autant plus qu'il a la caution de certains pédopsychiatres et du linguiste Alain Bentolila. Donc, cette mesure, c'était tout bénef.

Idéologiquement, on satisfaisait la gauche en répondant à la question des inégalités, puisque ce sont essentiellement des enfants d'origine immigrée de Rep et de Rep+ qui ne sont pas scolarisés à trois ans. On faisait tressaillir aussi les Français chenus qui voient en Blanquer la réincarnation du Jules Ferry de leurs arrière-grands-parents. Et on contentait la droite soucieuse de ses deniers : ça ne coûtera rien. Encore une réussite de la com' d'Emmanuel Macron : une mesure consensuelle plébiscitée qui ne fait pas de vagues et qui ne mange pas de pain. Que demande le peuple ?

Sauf que, quand on se penche sur l'application concrète de la mesure, on découvre qu'elle va en manger un peu. Et peut-être faire quelques vagues. La première est venue de Blois, où l'adjoint au maire PS en charge de l'éducation, M. Vételé, dénonce "un surcoût important pour les collectivités", qu'il a chiffré pour sa commune à 125.000 €. En effet, si sa ville subventionne déjà les écoles maternelles privées à hauteur de 300 euros par an et par élève, contre 1.000 € pour un enfant scolarisé dans le public, la modification de la loi obligera les communes à financer de façon identique maternelles publiques et privées. L'élu, interrogé par La Nouvelle République et franceinfo, dénonce une "improvisation", une promesse "ni sérieuse, ni raisonnable dans le contexte actuel". Et il est vrai que celui-ci, pour les communes, est marqué par la disparition des milliards de la taxe d'habitation et par les efforts demandés par l’État dans la maîtrise de leurs dépenses.

Alors, cette mesure non financée, une improvisation ? En entendant ce même élu préciser qu'il n'est pas question, pour lui, de relancer la guerre public-privé – car il s'agit quand même d'une réouverture de la question conflictuelle du financement des écoles privées par les communes -, on se demande si, de la part de l'ancien élève des Jésuites, ce n'est pas calculé. Imaginez les cris de maires de gauches de l'ancien monde un peu laïcards soutenus par un Mélenchon qui, après avoir dénoncé le Président des riches, vilipenderait le Président des cathos. Cela permettrait au Président Macron d'asseoir un peu plus sa popularité au sein des parents et des écoles privées, ce qui représente beaucoup de monde.

Finalement, les conflits du monde d'avant sont très utiles au nouveau monde selon Macron.

Frédéric Sirgant
Frédéric Sirgant
Chroniqueur à BV, professeur d'Histoire

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