Se libérer d’une obsession paralysante ?
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Le professeur Raoult est-il un génie ou un fou ? À l’aube de la grande peur du coronavirus, il déclare : « Le virus ? Fin de partie ! » Les informations qu’il avait reçues de Chine et l’usage de la chloroquine apportaient, selon lui, la solution à l’épidémie. Depuis, il a persévéré dans sa thérapie, avec des succès évidents, immédiatement contestés par tout un aréopage de sommités médicales, installées plus que lui dans les institutions.
Sur les plateaux, des « autorités » médiatiques, comme Alain Duhamel ou Maurice Szafran, sont allées jusqu’à l’injurier. Lui a tranquillement, mais avec une certaine rudesse dans le ton, continué à s’affirmer comme le « docteur » qui soigne toujours des malades et qui n’a pas de leçon à recevoir de ceux qui, depuis vingt ans, n’en ont pas vu un seul. Un chercheur de renommée mondiale mais qui préfère, aux méthodes académiques, un empirisme d’autant plus nécessaire qu’il vise à guérir des hommes et des femmes en danger de mort, et non à considérer ceux-ci comme des objets d’expérience destinés à découvrir un remède ou un vaccin, lorsque le virus aura peut-être disparu. Le grand paradoxe de Didier Raoult est d’être anticonformiste par excès de bon sens !
Dans un échange avec Guillaume Durand, Didier Raoult a fait allusion à Simulacre et simulation, de Jean Baudrillard. Cette référence indique chez le « docteur » marseillais un degré de réflexion particulièrement rare dans l’ambiance actuelle. Avec son sens aigu de la provocation, il souligne que des épidémies sont passées inaperçues alors qu’elle étaient comparables à celle du Covid-19. En 2017, une épidémie de grippe identifiée majoritairement au virus H3N2 avait tué près de 15.000 personnes en France, la surmortalité dépassant les 20.000 décès cette année-là. Elle avait touché en priorité des personnes âgées de plus de 75 ans, souvent atteintes d’autres pathologies. La comparaison des chiffres peut surprendre, car ce phénomène, dont on a à peine parlé, a laissé peu de traces dans les mémoires et n’a pas mis la planète en panne. On parle, actuellement, de 150.000 morts dans le monde, alors que la grippe saisonnière tue 650.000 personnes par an. Par ailleurs, on observe l’absence d’une surmortalité cette année, en raison de facteurs, comme la rareté des accidents de la route, expliquée par le confinement.
Cette prise de distance par rapport à l’ambiance obsessionnelle dans laquelle nous sommes plongés crée un certain vertige. Quelle est la réalité de cette menace qui a conduit le monde entier à vivre différemment ? Tandis que policiers et gendarmes taxent lourdement les récalcitrants à l’enfermement général des honnêtes gens, on libère massivement les délinquants qui risqueraient d’incendier les prisons. Toutes les caméras sont braquées sur la conférence quotidienne du grand maître de l’épidémie, tandis que l’assassinat de deux personnes par un islamiste soudanais est rangé dans la rubrique « faits divers », l’acte d’un déséquilibré. Les violences anti-policières dans certains quartiers sensibles sont carrément ignorées des grands médias.
Le débat sur la chloroquine a pris une étonnante coloration politique. Aux États-Unis, les républicains, derrière Trump, sont pour, les démocrates contre. En France, on observe que les macroniens y sont plutôt hostiles et les opposants favorables. Le Président, bien sûr, flatte « en même temps » les deux camps. Bref, on sent sur la pandémie se projeter un conflit idéologique, pour le coup virulent, qui n’a pas grand-chose à voir avec la science.
Une telle réflexion sera déclarée « complotiste ». Les hypothèses de « complot » ne manquent pas, en effet, entre celle de Luc Montagnier d’une fabrication du virus jusqu’à celle d’une chance le chemin vers un gouvernement mondial. Le Covid-19 ne serait-il qu’une grande illusion collective stimulée par la peur et le déni de la mort, absents des esprits à la fin de la Grande Guerre - une vraie guerre, celle-là, lorsque la grippe espagnole expédia 50 millions de Terriens dans l’autre monde ?
Le débat sur la sortie de crise, outre qu’il a l’avantage de faire oublier le caractère calamiteux de l’entrée, nous ramène dans une réalité moins relative : devant ce genre de défis, la réponse est-elle plus d’autonomie, plus d’indépendance ou plus d’intégration européenne voire mondiale ? De la coopération, certes, mais sans être dépendant d’États et de peuples qui manifesteront toujours leur égoïsme. Le réalisme politique doit subsister même lorsque la philosophie nous apprend à douter du réel.
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