Sean Connery : not a time to die

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Décidément, ce n'était pas l'heure pour lui de mourir, dans une époque déjà si vide, qui réclame des héros tout en condamnant l'héroïsme.

On le pensait éternel, à jamais figé dans l'un de ses deux avatars cinématographiques. Il y avait le rôle de l'érudit monacal, au passé romanesque, qui, à l'occasion, ne crache pas sur la castagne (Rock, Le Nom de la rose, Indiana Jones et La Dernière Croisade, Soleil levant, etc.) ; et, bien sûr, celui de James Bond, qu'il incarna pour toujours et derrière lequel Roger Moore le bellâtre essaya ensuite de courir (en pantalon pattes d'eph') sans jamais pouvoir le rattraper.

Sean Connery vient de mourir à 90 ans, au terme d'une vie rocambolesque. Écossais pauvre, sans diplôme, il fut successivement livreur de lait, bodybuilder, camionneur, puis « intermittent du spectacle », après un passage par la Royal Navy. Sa femme le convainquit d'accepter, à 32 ans, le rôle de l'agent secret britannique, avec le succès que l'on sait.

« Le génie », disait Baudelaire, « c'est d'inventer le cliché. » De fait, l'inventeur du cliché qu'est devenu Bond ne fut pas Ian Fleming, analyste du renseignement naval qui écrivit simplement sa vie rêvée, un matin où il s'ennuyait dans sa propriété de la Jamaïque. C'est bien Sean Connery qui a donné vie à l'espion, au point que Fleming, enthousiasmé par son interprétation, prêtera plus tard au personnage littéraire l'ascendance écossaise de l'acteur.

Dans le jeu apparemment simpliste de Connery, il y avait déjà toute la palette de ses successeurs : l'anticonformisme de Lazenby, le détachement de Moore, la noirceur de Dalton et la violence de Craig. Il y avait du génie, là-dedans. Smoking, cigarettes, baston et poursuites, villes exotiques et femmes libres (« ni faciles ni pénibles », au passage un joli nom pour une future association...) : James Bond était Sean Connery, et vice versa.

Exit, donc, aujourd'hui, très symboliquement, le héros par excellence des sixties qui, rétrospectivement, était assez peu à cheval sur la question du consentement, mais aussi sur la loi Évin, le multiculturalisme, le permis à points et beaucoup d'autres choses. Exit, également, le vieux sage du XXe siècle finissant, tiré d'Alcatraz pour faire face à un général américain (Rock) ou emballant, à près de soixante-dix ans, la jeune et plantureuse Catherine Zeta-Jones en son château écossais (Haute Voltige).

A-t-il enfin, post mortem, réussi à se défaire de son personnage ? Ou, à la question « Qui dois-je annoncer ? », répondra-t-il une fois encore, nonchalamment, »Bond. James Bond » ? Désormais, Dieu seul le sait.

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Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

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