Sébastien Delogu, victime des homophobes… de son propre camp

© Capture écran Assemblée nationale
© Capture écran Assemblée nationale

Une « vague de haine » qu’il n’avait pas vue venir. Depuis qu’il a posé en photo devant un drapeau aux couleurs de l’arc-en-ciel, le député d’extrême gauche Sébastien Delogu subit une violente campagne de cyber-harcèlement sur les réseaux sociaux. Son image postée sur Instagram, le 28 octobre, a reçu quelque 28.000 « like », mais presque autant de commentaires négatifs, voire injurieux. « Personne ne m’enlèvera ma tolérance et mon respect pour toutes les personnes discriminées et montrées du doigt… », a-t-il réagi, sur X.

Face à la violence des attaques à caractère homophobe reçues par l’insoumis, plusieurs dans son camp ont tenu à lui apporter leur soutien. C’est le cas du jeune Ilan Gabet (« Force à toi »), de sa consœur Alma Dufour (« Force et soutien »), mais aussi du compte « Le Coin des LGBT », qui a remercié le député pour son engagement en faveur des minorités « d'autant plus précieux quand la droite et l'extrême droite gouvernent main dans la main ».

Mais ce que M. Delogu et ses amis se gardent bien de préciser, c’est que les insultes et les réactions négatives à son post ne proviennent pas de « l’extrême droite ». Au contraire. Morceaux choisis : « Enlève le drapeau algérien de ta bio, t'es une honte pour l'Algérie » (Fedoua) ; « Tu passes du côté obscur de la Force » (Yasmeen) ; « Unfollow » (Mahmoud) ; « Honte à toi, tu nous as déçus » (Houda) ; « C’est quoi, ces couleurs, derrière ? » (Maissa) ; « Notre religion nous interdit de soutenir ou de suivre les LGBT » (Nounoubel)… Des réactions venues en droite ligne de l’électorat cible des insoumis !

L’angle mort des intersectionnels

Tristement habituelles, ces réactions semblent encore en étonner certains, à gauche. « Les gens qui se désabonnent... Vous avez oublié les valeurs de la gauche ? Être un soutien pour la lutte LGBT, c'est littéralement la base », veut ainsi croire Sergeï. « À gauche, nous sommes pour l'acceptation de tous. Si vous venez de le découvrir, c'est vraiment grave », abonde Louisa. Mais d’autres ont su analyser plus finement la situation. À commencer par Mila, la jeune militante bien connue des patriotes. « Beaucoup d’insultes de muslims dans les commentaires, elle marche bien, la convergence des luttes ! », a-t-elle résumé avec ironie.

Il faut dire que la jeune femme est bien placée pour parler du sujet. En 2020, elle avait eu affaire aux mêmes légions d’enragés sur les réseaux sociaux. D’abord insultée en raison d’une orientation sexuelle jugée « haram » par ses tourmenteurs, l’adolescente avait vu s’abattre sur elle un déluge de menaces de mort et de viol lorsqu’elle s’était permis de critiquer l’islam. Un déchaînement d’une telle violence qu’elle avait dû être rapidement exfiltrée de son lycée.

Là aussi, les associations de gauche avaient été aux abonnés absents, incapables de désigner l’origine de cette crasse homophobie. « Tous ont courbé l’échine par peur de paraître racistes ou par clientélisme », avait expliqué, non sans raison, Élisabeth Badinter. Interdiction d’évoquer cette religion tolérant mal les minorités sexuelles ou ce corpus idéologique qui condamne très violemment les relations entre personnes de même sexe. La position de l’islam sur l’homosexualité y est pourtant clairement exprimée. « Ceux que vous trouverez en train de commettre le crime du peuple de Loth, tuez-les », exhorte ainsi le prophète, dans l’un de ses hadiths les moins gay-friendly. Les coupables doivent, au choix, être brûlés vifs ou jetés de la construction la plus haute, la tête en bas, et achevés à coups de pierres… Autant de préceptes qui ont largement infusé dans la tête de certains de nos « jeunes ». « Sur l’adhésion au libéralisme culturel, que nous avons mesuré avec des questions sur l’homosexualité et le rôle des femmes, les écarts entre les jeunes qui se déclarent musulmans et les autres sont forts », attestent Anne Muxel et Olivier Galland, chercheurs au CNRS et auteurs d’une étude sur la « radicalité » menée auprès de 7.000 lycéens. Les chiffres, pour peu qu’on veuille les regarder, sont implacables : tandis que 14 % des catholiques considèrent que l’homosexualité est « une maladie » ou une « perversion sexuelle », ce taux, chez les musulmans, grimpe à 63 %. Ils sont même 29 % à affirmer que les violences contre les homosexuels sont « parfois compréhensibles ».

Dont acte. On se souvient, par exemple, de Dan, ce jeune homosexuel victime, début octobre à Pantin, d’une tentative de viol par deux Algériens sous OQTF. Avant lui, il y avait eu Ryan, tabassé à Corbeil-Essonnes en juillet 2024. Son agresseur n’avait pas aimé le voir se promener main dans la main avec son compagnon. « Dans ses yeux, j’ai vu la haine de ce que je suis. Et sa haine a été démultipliée parce que je suis maghrébin, comme lui », racontait-il.

Le silence de la gauche sur cette homophobie systémique est d’autant plus coupable que, pendant ce temps, les agressions se multiplient. Si Sébastien Delogu n’a reçu que des injures et des moqueries, d’autres ont moins de chance que lui.

Jean Kast
Jean Kast
Journaliste indépendant, culture et société

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