Selon Le Parisien, des gardes-côtes grecs auraient tiré sur des migrants à la dérive

Gardons-nous des titres accrocheurs, qui jouent sur l'émotion et déforment la réalité. Le Parisien, souvent mieux inspiré, titre : « Grèce : des gardes-côtes tirent en pleine mer sur des migrants à la dérive. » De quoi choquer, voire révolter les consciences, fussent-elles lucides, face au problème de l'immigration. Va-t-il faire le tour du monde, suscitant la compassion, incitant les pays européens à ouvrir davantage leurs frontières ? Avant de nous prononcer, relisons l'article en question.

Le Parisien se fonde sur des témoignages venus de Turquie – une vidéo et les déclarations de la garde côtière turque –, ce qui pourrait susciter la méfiance. La vidéo montrerait « les gardes-côtes grecs tentant dans la matinée de couler un bateau pneumatique au large des côtes du district de Bodrum, en Turquie, qui n'est qu'à 12 milles de l'île grecque de Kos ». Du côté turc, on dénonce « des manœuvres visant à couler le bateau en route pour la Grèce transportant des migrants en situation irrégulière », ajoutant : « Ils ont ensuite ouvert le feu. » Sur la vidéo, on peut voir effectivement des tirs de sommation, qui finissent dans l'eau, à quelques mètres de l'embarcation.

On est loin du titre accrocheur choisi par Le Parisien, qui laisse entendre que des migrants auraient essuyé des tirs, qui auraient pu être mortels, sans qu'on sache d'ailleurs s'il s'agissait de balles réelles. Il paraît, en revanche, assez évident que les Grecs voulaient empêcher le bateau pneumatique d'accoster sur leur territoire. La première leçon qu'on peut en tirer, c'est qu'un titre peut changer la perception de la réalité. On ne peut comprendre la véritable situation que si l'on en connaît toutes les données.

L'ouverture de la frontière turque avec la Grèce relève d'un chantage exercé par le président Erdoğan sur l'Union européenne pour obtenir son soutien dans le conflit qui l'oppose à la Syrie et à la Russie. Il veut aussi apaiser une opinion publique hostile à la présence, sur son territoire, de près de quatre millions de réfugiés qu'il s'était engagé à retenir, moyennant finances, en vertu d'un accord avec Bruxelles. Le dirigeant turc joue le maître-chanteur.

La Grèce, voisine de la Turquie, est la plus menacée mais, à partir de ce pays, les migrants peuvent se répandre dans toute l'Europe. En s'opposant à leur entrée, elle se défend d'une invasion, mais défend aussi ses alliés européens. Ceux qui, sous prétexte d'humanisme, voudraient accueillir tous les migrants ne font que cautionner un « Grand Remplacement » dont ils contestent l'existence. Emmanuel Macron lui-même commence à se rendre compte du danger. Dans un tweet, il a souligné la « pleine solidarité » de la France avec la Grèce et la Bulgarie, indiquant que la France « est prête à contribuer aux efforts européens pour leur prêter une assistance rapide et protéger les frontières. Nous devons agir ensemble pour éviter une crise humanitaire et migratoire. »

Le problème, c'est qu'il se contente de paroles, une fois de plus, comme si les mots pouvaient remplacer l'action. Au train où vont les choses, si l'on reste dans les demi-mesures, si l'on ne protège pas les frontières de l'Europe et de la France, on s'achemine vers le scénario raconté, en 1973, par Jean Raspail dans Le Camp des saints. La réalité dépassera la fiction. S'ils veulent l'éviter, les dirigeants européens, à commencer par les dirigeants français, doivent faire preuve de réalisme et ne pas céder aux diktats de la bonne conscience, qui cachent souvent des intérêts sordides. L'Histoire montre que l'angélisme et le renoncement ont engendré des tragédies.

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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