Semaine sainte en Corse avec SOS Calvaires

De Bastia à Ajaccio, SOS Calvaires a œuvré en symbiose avec les traditionnelles confréries corses.
SOS Calvaires Corse
image SOS Calvaires

Ériger sept croix en neuf jours sur l'île de Beauté : c'est l'immense défi que relève, cette Semaine sainte, l'association SOS Calvaires. De Bastia à Ajaccio en passant par Sartène ou encore Speloncato, ses responsables et bénévoles, en symbiose avec les traditionnelles confréries corses, auront ainsi restauré, élevé, planté et participé aux offices de cette Semaine sainte sur un territoire qui n'a rien renié de ses racines religieuses.

En Corse plutôt qu'à l’autre bout du monde, puisque « les calvaires sont déjà chez nous » ?

C'est à la demande des Corses eux-mêmes que l'association a décidé de mettre le cap sur l'île. « Chaque année, SOS Calvaires fait une expédition, explique à BV son directeur national Alexandre Caillé. En 2022, nous étions en Arménie pour poser un khatchkar (une croix symbole de l'art arménien) et, en 2023, en Irlande pour ériger des croix celtiques. Mais cette année, les membres de l'association sont tombés d'accord pour la Corse, car pourquoi aller à l’autre bout du monde alors que les calvaires sont déjà chez nous ? »

Un choix qui, naturellement, s'est imposé en prolongement de l'œuvre de l'association, la fabrique du mobilier liturgique pour la venue du pape le 15 décembre 2024, à la demande du vicaire d'Ajaccio. L'occasion, pour SOS Calvaires, de nouer des liens très forts avec la population - « tous avaient des projets de croix », nous précisent ses responsables qui, à l'époque, avaient identifié sept croix ou calvaires à restaurer - et de découvrir l'existence des 193 confréries corses : « Leurs membres voulaient tous nous montrer leurs offices de la Semaine sainte qui impliquaient chacun une croix. » Et c'est en parfaite symbiose avec ce tissu local que SOS Calvaires suit les offices de cette Semaine sainte tout en érigeant des croix. « Une sorte de travail collaboratif dans le bon sens du terme, poursuit Alexandre Caillé, qui vit là une expérience impressionnante ; nous devenons ainsi frères au pied de la croix. »

SOS Calvaires

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Preuve de cette volonté de l'association de se fondre dans les traditions corses : « Ce Vendredi saint, nous ne poserons pas de croix pour assister à la procession des pénitents de Sartène, le Catenacciu, qui passe à la chapelle San Sebastian, station du chemin de Croix dans laquelle nous avons érigé une nouvelle croix la veille. » Cette procession nocturne - la plus ancienne de Corse, qui remonte au XIIIe siècle - symbolise la montée du Christ vers le Golgotha. Elle est menée par un anonyme, le grand pénitent, vêtu de rouge et coiffé d'une cagoule, chaînes aux pieds. Huit pénitents noirs, la Confrérie du Très Saint Sacrement (Compagnia del Santissimo Sacramento) et toute la population l'accompagnent. Tout le long du chemin, le pénitent, à l'image du Christ chargé de la Croix, chute trois fois et se relève.

Les confréries : une tradition qui reprend vie

C'est en grande partie grâce à ces confréries que de telles traditions religieuses multiséculaires sont restées ancrées dans la culture corse : « Une sorte de chevalerie, nous explique Alexandre Caillé, dans laquelle les membres s'engagent à vie avec, pour charisme principal, le chant sacré. » Au service du clergé, donc, pour accompagner les cérémonies religieuses, mais également à celui des familles auprès desquelles ils remplissent depuis toujours une mission spirituelle et sociale : assistance aux indigents et hommages aux morts. « Lorsqu'il y a un décès, les confréries se rendent dans les familles pour prier autour du défunt, l'accompagner jusqu'au cimetière et le descendre dans la tombe. Lorsque certains membres sont exilés sur le continent, il n'est pas rare qu'ils se réunissent entre eux pour pour chanter l'office des morts à l'occasion d'un décès. » Des confréries qui, après avoir accusé une baisse dans les années 60, retrouvent ces dernières années une vitalité étonnante.

SOS Calvaires confrérie

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« C'est une tradition qui reprend vie », confirme Alexandre Caillé, qui s'émerveille d'y avoir croisé autant de jeunes que de plus âgés avec des motivations légèrement différentes : « Les plus vieux sont engagés plutôt par réaction, dans une vision de sauvegarde de leur culture, tandis que les plus jeunes – à l’image de ce qui se passe sur le continent, qui connaît une recrudescence de baptêmes - le vivent de manière plus intériorisée. »

SOS Calvaires Corse

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C'est une génération de bâtisseurs qui se lève

Mais ce qui frappe notre responsable, c'est la ferveur rencontrée partout où SOS Calvaires est passé. Le jour où BV a interrogé Alexandre Caillé, c'est dans un petit village baigné de pluie qu'une croix était érigée, alors que « toute la population était présente et très recueillie, et chacun est resté jusqu'au bout malgré le mauvais temps ». Signe que les Corses ont su réellement garder leurs traditions, « ici, nul besoin de faire du catéchisme, contrairement aux jeunes que nous rencontrons dans les villages sur le continent qui ne savent pas qui est sur la croix ; en Corse, jeunes comme vieux connaissent Jésus. »

sos calvaires

image Sos Calvaires

À l'image de Jacques Damiani, étudiant, l'un des douze porteurs d'une immense croix de six mètres et 300 kilos qui ont cheminé jusqu'au sommet du petit village de San-Martino-di-Lotta avec la Confrérie Santa Croce, qui témoignait auprès de nos confrères de Corse Matin : « Pour nous, c'était important, non seulement d'être des bâtisseurs, mais également de défendre le christianisme ; chacun, avec nos petites épaules, on avait ce sentiment de participer à quelque chose de plus grand que nous, de contribuer à quelque chose d'essentiel : la spiritualité. »

SOS Calvaires

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« Ici, vous n'avez que des fous ; des gens qui sont capables de se lever à 7 heures du matin pour aller porter des choses lourdes et faire quelque chose qui les dépasse. C'est une génération de bâtisseurs qui se dresse, des gens qui travaillent ensemble à quelque chose qu'ils ne verront pas mourir », conclut, fatigué mais comblé, Alexandre Caillé.

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Sabine de Villeroché
Journaliste à BV, ancienne avocate au barreau de Paris

Vos commentaires

15 commentaires

  1.  » aux offices de cette Semaine sainte sur un territoire qui n’a rien renié de ses racines religieuses.  »
    Pourquoi nous parle-t-on partout, à présent, de territoire ( un terme dénué de toute connotation charnelle ) alors que le mot pays s’imposerait de lui-même ?

  2. Corse, natif de Calvi, l’ai un peu de mal à comprendre la dernière partie du commentaire de Costes. En quoi la problématique nationaliste a-t-elle le moindre lien avec le thème développé dans cet article, en l’occurrence l’importance des confréries et l’action chez nous de SOS Calvaires ?
    De même, l’intervention de Ravachol me pose question. Comment et pourquoi ce type de manifestation de foi devrait-il être réservé au domaine privé ? Terre chrétienne et Catholique, la Corse ne renie ni ses racines, ni ses traditions. La religion catholique sous-tend la société Corse, participe grandement a notre identité et consolide les liens entre les générations.
    Nous ne nous posons aucune question quant a la place de notre religion dans nos rues, sur nos places, jusqu’aux sommets de nos montagnes. Nous laissons a d’autres les prières de rue, la repentance maladive, et la honte de notre Histoire.
    Heureuses fêtes de Pâques a tous.

  3. Pieux peut-être, sincères peut-être, la Corse que j’aime par sa beauté, par aussi des gens que je connaissais en Algérie, amis de très longue date, d’autres rencontre de gens étrangers parti en Corse pour une saison, et devinrent Corse, enfants et petits enfants mariés avec des Corses.
    Mais il y a, comme dans toute communauté des gentils et des …il faut de tout pour faire un monde. Aussi les indépendantistes sont-ils sincères ou affairistes, chacun en trouvera dans les deux camps. A choisir suivant ses convictions.

    • Contrairement à votre affirmation, la majorité des guerres ont eu une raison tout autre que religieuse : volonté d’accaparer les territoires d’autrui. D’aussi loin que l’on puisse remonter dans l’Histoire, c’est cela qui a mené à des conflits armés ; les Romains ont étendu leur empire sans aucune connotation religieuse ; plus près de nous, ce n’est pas une croyance quelconque qui a inspiré les Allemands à attaquer la France et d’autres pays d’Europe.

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