Séminaire des députés LREM : formation ou dressage ?
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Les 18 et 19 septembre, plus de 300 députés de la majorité se sont réunis à Aubervilliers. Officiellement pour mieux se connaître, faire le point sur leur métier de parlementaire, se préparer à défendre les grandes lois qui seront discutées à la rentrée.
Après les couacs de la session extraordinaire, les députés LREM doivent revenir à l’école pour un stage de perfectionnement. Applaudir les membres du gouvernement quand ils prennent la parole ne suffit pas : il faut qu’ils montrent leur unité, qu’ils sachent intervenir en commission, qu’ils ne paraissent pas trop ridicules dans les débats.
"Cela tient à la fois de journées d’intégration, d’exercices de motivation, de séances de formation : en aucun cas de recadrage", assure un porte-parole de La République en marche.
L’organisation est soignée... Sur une estrade, au milieu de ses ouailles, Richard Ferrand, leur président, s’active : à la fois coach et camelot, il veut ressouder ses troupes et vante ses produits. Un côté « team building », parfaitement assumé, pour favoriser la gestion du stress, la cohésion et l’esprit d’équipe. Selon l’hebdomadaire Marianne, un participant commente : « À un moment donné, je me suis demandé si Ferrand ne se prenait pas pour Steve Jobs et s'il n'allait pas nous présenter le dernier iPhone. »
Preuve, sans doute, que Macron considère la France comme une entreprise et ses députés comme des personnels qui doivent, avant tout, se montrer productifs et rentables.
En dehors des séances plénières, des travaux pratiques sur des thèmes alléchants : « Se rencontrer et construire des aspirations de groupe », « Mon rôle et mon ambition de député », « Comment être meilleur dans le dépôt d’amendement »… Une école de députés.
On y réalise même des jeux de rôle. Mais attention : pas une tête ne doit dépasser ! La performance, oui, mais pas question de trop se distinguer et de jouer la vedette.
Pourtant, les députés de La République en marche ne sont pas des « illettrés », comme les employés bretons de l’usine Gad, ni « des gens qui ne sont rien » qu’on croise dans les gares. Ce sont, pour la grande majorité, « des gens qui ont réussi » et appartiennent aux catégories socio-professionnelles privilégiées, "les CSP+", comme les appelle l’INSEE.
Beaucoup ont déjà eu des responsabilités politiques - souvent à gauche - ou patronales : venus de l’entourage de Gérard Collomb, François Patriat, Jean-Yves Le Drian ou Richard Ferrand…
À Paris et en Île-de-France, c’est la société civile qui domine : ils sont tous (ou presque) bardés de diplômes.
Comme le mathématicien Cédric Villani, lauréat de la médaille Fields en 2010. S’il se fait remarquer par son look particulier, sa lavallière et sa broche araignée, il est loin d’avoir une araignée dans le cerveau.
Manuel Valls lui-même est venu faire un tour à Aubervilliers, sans doute pour y arborer sa nouvelle barbe... signe de renouveau ?
Plutôt qu’un séminaire d’étude, c’est un séminaire de dressage. Toutes ces têtes pensantes -souvent de bonne foi - voudraient bien faire preuve d’indépendance et de quelque autonomie de pensée: ils se sont trompés de lieu ou de parti !
À l’Assemblée, on doit jouer collectif. S’il est permis de porter des godillots originaux, on a le devoir premier de rester godillot.
Pas sûr que tous acceptent ce clonage, renoncent à exercer leur jugement critique, consentent à se voir traiter comme des animaux de cirque. Sans compter que les plus lucides ont conscience qu’une minorité d’électeurs ont choisi le programme de Macron et que leur légitimité est mince.
Ils espéraient faire de la politique autrement : les voilà sommés d’en faire à l’ancienne.
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