[Série d’été] Les grandes victoires de la droite. X – 16 novembre 1919. Clemenceau met les cocos KO
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La guerre vient de s’achever. Les Français élisent une majorité de droite composée surtout d’anciens combattants. C’est la Chambre bleu horizon. Ces nouveaux députés se réclament de Clemenceau, le Père la Victoire, qui lutte avec acharnement contre le « péril rouge ».
L’homme au couteau entre les dents. L’image est restée fameuse. Elle représente un bolchevique assoiffé de sang, prêt à violenter Marianne avant de la trucider dans sa rage animale. Le Parti communiste français n’existe pas encore (il faut attendre 1920 pour que la majorité de la SFIO adhère à la IIIe Internationale) mais la révolution russe de 1917 a déjà changé la face du monde. Les hommes qui se présentent aux suffrages des Français, le 16 novembre 1919, en ont pleinement conscience.
« Spéculant sur les misères de la guerre et les difficultés de la paix, les meneurs bolcheviques prêchent la violence et préparent le désordre sans se demander s’ils ne creusent pas criminellement le fossé où la France, glorieuse convalescente, tomberait peut-être pour ne plus se relever », écrivent dans leur profession de foi les candidats du Bloc national à Paris. Caricature d’Adrien Barrière, l’image du bolchevique sanguinaire illustre la couverture d’une brochure éditée par le patronat local qui finance en partie la campagne de la droite.
La France, victorieuse, est cependant exsangue. La guerre a fait 1,6 million de morts. Elle a coûté 177 milliards de francs-or financés surtout par l’emprunt et les dommages matériels sont estimés à 125 milliards. L’inflation galope (il faut faire marcher la planche à billets pour financer les dépenses) et des troubles éclatent.
Clemenceau est président du Conseil depuis 1917. Le Tigre a commencé sa carrière à gauche mais c’est un homme d’ordre. À la fin de 1918, il a envoyé des troupes en Crimée pour prêter main-forte aux armées blanches. En France, il souffle le chaud et le froid pour contrecarrer l’influence de la SFIO accusée de sympathies bolcheviques. En mars, il crée les conventions collectives puis limite à 8 heures la journée de travail en avril, mais il réprime la manifestation du 1er Mai organisée par la CGT qui vire à l’émeute. On dénombre deux morts et plusieurs centaines de blessés parmi les manifestants et les policiers. Des grèves massives sont déclenchées dans les mines, les transports, la métallurgie. Il y en aura plus de 2.200, cette année-là. « On va tout droit à la faillite de la bourgeoisie, c’est-à-dire à la révolution », espère un syndicaliste révolutionnaire.
C’est dans ce contexte troublé qu’ont lieu les élections législatives de novembre 1919. Élue juste avant le déclenchement de la guerre, l’Assemblée sortante penche nettement à gauche. En 1914, le président du Conseil, René Viviani, est farouchement anticlérical mais la guerre a contraint les députés à « l’union sacrée ». Les socialistes s’en retirent en 1919. Les radicaux se divisent. À droite, le Bloc national, composé de plusieurs formations, est soudé par son anticommunisme et par sa volonté d’appliquer strictement le traité de Versailles, signé le 28 juin dans la galerie des Glaces de Versailles : « L’Allemagne paiera » le redressement de la France. Ses candidats se réclament de Clemenceau, le « Père la Victoire ».
La victoire de la droite est sans appel, la plus large jusqu’aux législatives de juin 1968 (412 sièges sur 613). 44 % des députés sont des anciens combattants : c’est la Chambre bleu horizon, d’après la couleur de l’uniforme des poilus. Mais la majorité va se fissurer. Candidat à la présidence de la République, Clemenceau est balayé par les intrigues : en janvier 1920, le Parlement lui préfère Paul Deschanel, que l’on retrouvera, le 23 mai, errant en pyjama le long d’une voie de chemin de fer, non loin de Montargis : le Président est tombé du train ! La situation économique ne s’améliore pas. L’occupation de la Ruhr, décidée par Raymond Poincaré, président du Conseil, en 1923, se solde par un échec : l’Allemagne ne paiera pas et la gauche prendra sa revanche aux législatives de 1924.
De cette législature chaotique, on retiendra cependant une initiative qui parvint à ressusciter, brièvement, l’Union sacrée. Le 24 juin 1920, la Chambre adopte à l’unanimité l’institution d’une « fête nationale de Jeanne d’Arc », canonisée un mois plus tôt. Selon ce texte, jamais abrogé, cette fête a lieu le deuxième dimanche de mai, jour anniversaire de la délivrance d’Orléans. « Il n’y a pas un Français, quelle que soit son opinion religieuse, politique ou philosophique, dont Jeanne d’Arc ne satisfasse les vénérations profondes […]. Ainsi, tous les partis peuvent se réclamer de Jeanne d’Arc. Mais elle les dépasse tous. Nul ne peut la confisquer », proclame son auteur : Maurice Barrès.
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4 commentaires
Clemenceau a fait de grandes choses, mais il a créé le ravage de l’Europe et l’instabilité de l’Afrique.
Nous en vivons les conséquences aujourd’hui.
Je n’évoque même pas les traites, qui de son fait, ne sont plus rédigés en français.
Clémenceau n’a t-il pas été responsable du refus de tentative de paix séparée avec l’Autriche ?
Deux frères de l’Impératrice Zita,née princesse de Bourbon-Parme,épouse de l’Empereur Charles de Habsourg successeur du vieil Empereur François-Joseph en 1916,ont fait la liaison entre l’Empereur Charles et Paris afin de présenter un projet de paix séparée entre l’Autriche,la France et ses alliés ,ce projet fut dévoilé à la presse par la France afin que l’Allemagne en prenne connaissance et menace son allié Autrichien.
Une année en moins d’un conflit aussi meurtrier ,cela aurait certainement sauvé des centaines de milliers de vies!
Merci de ce rappel historique. Il invite il me semble à se méfier des étiquettes droite/gauche. Il est intéressant de noter avec ces étiquettes que la France gagne la guerre avec une assemblée « de gauche » puis l assemblée « de droite » élue après guerre , fait perdre la paix à la France ( traité de Versailles non appliqué pour que l’Allemagne ne bascule pas dans le communisme).
– L’accord Balfour a influé sur la guerre de 1914-18, une paix était possible dès 1916. Les conseillers des dirigeants de l’époque ont joué un rôle dans la continuation de la guerre. Georges Mandel, de son vrai nom Jeroboam Rotschild, conseiller principal de Clémenceau, Philippe Sasoon, conseiller principal de Lloyd George, et Bernard Baruch, conseiller principal de Wilson.
– Clémenceau a eu des relations troubles avec des marchands d’armes. Ainsi Basil Zaharoff a offert une Rolls à Clémenceau, et a offert un poste important à son fils (chez Vickers, un fabricant d’armes qu’il contrôlait). Clémenceau veut continuer la guerre, et a des relations avec des marchands d’armes.
– En 1919 le bolchevisme gagnait l’Europe avec la Hongrie (Béla Kun, né Moritz Cohen), avec l’Allemagne en Bavière (Kurt Eisner) et à Berlin (Rosa Luxembourg).