Série télé : Au service de la France

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Qui a osé dire qu’on ne rigolait pas sur Arte ? Sûrement quelqu’un qui n’a jamais vu cette série par leurs soins produite, Au service de la France, dont la seconde saison sort aujourd’hui en DVD.

Pour dérider cette chaîne franco-allemande, de longue date réputée pour son sens inné de la déconne, il fallait au moins Jean-François Halin, connu pour avoir écrit ces deux bijoux, mis en scène par son éternel compère Michel Hazanavicius, que sont OSS 117 : Le Caire, nid d'espions et OSS 117 : Rio ne répond plus, avec un Jean Dujardin hautement désopilant dans le rôle de l’espion jadis créé par le défunt Jean Bruce.

La parodie est un art hautement délicat. Il faut railler sans trop se moquer. En l’occurrence, la cible est aisée : le SDECE et la DST des sixties gaullistes, soit un monde en noir et blanc encore pétri de certitudes, parfois naïves, mais toujours sincères, dans lequel on peine à comprendre qu’il n’est pas forcément aisé de se revendiquer Français et de construire l’Europe quand la France est encerclée de peuples qui ne sont même pas français. À ce jour, la question n’a d’ailleurs toujours pas été résolue.

Pourtant, même passé à la moulinette, cet univers désuet conserve un certain charme ; voire un charme certain. Celui où l’on pense pareillement qu’un homme est un homme et une femme une femme ; vaste programme. On imagine aussi que l’État gaullo-colbertiste peut résoudre les convulsions d’un monde en pleine évolution et révolution. Mais projet, au passage, conditionné au fait que chaque mission puisse être dûment tamponnée, que le matériel nécessaire à sa réalisation soit perçu au bureau idoine, tout en respectant la procédure. Et que le tout soit plié avant six heures du soir, heure à laquelle nos valeureux agents s’en vont rejoindre leur doux foyer. C’est James Bond au pays de Courteline.

L’un d’eux, le stagiaire André Merlaux, doit montrer ce dont il est capable. Faire le coup du lapin à un homme du FLN tout en gardant à l’œil ceux de l’OAS. Mais sans faire trop de vagues non plus et en n’oubliant pas de vider ses poches pour emplir la corbeille de la nouvelle secrétaire fraîchement titularisée. Tout le service s’est cotisé. L’occasion d’un énième pot à l’occasion duquel tout ce joyeux petit monde boit et fume comme si le jour à venir était celui du Jugement dernier. Comme cadeau de bienvenue, elle aura le dernier mixeur de chez Moulinex®. Elle en défaille de joie. À l’époque, les femmes étaient comme ça.

À propos de femmes, le brave Merlaux en cajole une. Malheur dans son bonheur, c’est une femme libérée, qui l’entraîne au cinéma voir À bout de souffle de Jean-Luc Godard alors qu’il trépignait de découvrir Le Bossu, d’André Hunebelle. Choc des mondes…

Tout cela est proprement réjouissant, surtout pour les plus de cinquante ans. Après, bien sûr, nous sommes chez Arte ; ce qui signifie petit budget. Oui, mais voilà, l’ingéniosité française est là. Pas de décors hollywoodiens – Alger est reconstitué avec trois rues en carton –, guère plus d’effets spéciaux ou de fusillades et guère plus de grand spectacle. En revanche, le talent, l’humour et la virtuosité pallient l’impécuniosité ; tandis que les innombrables clins d’œil historiques sont au rendez-vous, souvent saignants et ne participant au politiquement correct que de loin

Comme un petit bonheur n’arrive jamais seul, le tout est emballé par la très pertinente musique de Nicolas Godin, moitié du groupe Air, duo versaillais fondé avec Jean-Benoît Dunckel il y a maintenant près de vingt ans et initiateur de ce que l’on surnommait naguère, de Chine en Californie, la fameuse « French touch ».

À voir sans modération aucune, donc, sachant que ceux qui se moquent le mieux de la France sont généralement ceux qui la détestent le moins. Ce petit joyau télévisuel en demeure la preuve irréfutable.

Nicolas Gauthier
Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

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