Serquigny : le destin tragique d’un château français emporté par les flammes
« Tout est possible pour ce château », déclarait, en 2020, le maire de Serquigny, commune de l’Eure de moins de 2.000 habitants, alors qu’il attirait l’attention du représentant de l’État sur le sort de cette vieille bâtisse. Tout est possible, même le pire. Et le pire est arrivé, puisque ce château du XVIIe siècle, classé aux Monuments historiques, est parti en cendres dans la nuit du 30 au 31 décembre. Ironie du sort, quelques heures après, Emmanuel Macron, dans ses vœux aux Français, évoquait la reconstruction de Notre-Dame, dévorée par les flammes en 2019, et déclarait, dans le style grandiloquent qu’il affectionne tant, que la France, « lorsqu’elle est fière d’elle-même, accomplit l’impossible ».
Serquigny, la parcours emblématique d'un château abandonné
Barrès, désormais maudit par notre époque, évoquait, il y a maintenant plus d’un siècle, « la grande pitié des églises de France ». Les choses ne se sont pas vraiment arrangées depuis, au point d’ailleurs qu’Emmanuel Macron - encore lui ! - lançait l’idée, il y a quelques mois, d’une souscription pour sauver les églises de nos villages que les communes peinent à entretenir. On attend de voir comment cela se concrétisera… Mais il y a aussi cette multitude de châteaux, manoirs, bastides, castels, maisons de maître qui parsèment notre pays, en font le charme et n'ont pas forcément la chance de gagner au loto de la renommée. La plupart sont des propriétés privées. Pour les entretenir, il faut avoir une fortune ou la foi. Le mieux, du reste, est d’avoir les deux à la fois ! Le cas du château de Serquigny, qui fut autrefois la propriété d’une puissante et antique famille normande, les d’Aché dont l’un des membres fut compagnon de Guillaume le Conquérant, est plus qu’emblématique : après avoir été la propriété de plusieurs familles aristocratiques, il fut occupé par l’Association pour l’insertion sociale et professionnelle des personnes handicapées, puis tomba à l’abandon avant d’être racheté par une société qui le vendit à la découpe. Il y aurait, aujourd’hui, pas moins d’une quarantaine de propriétaires ! Interrogé par L’Éveil normand en 2020, le maire Frédéric Delamare déclarait, à propos du château : « C’est un patrimoine d’une richesse incroyable au cœur de la commune, il y a un potentiel. » Et il ajoutait : « Il ne faut pas laisser ce dossier en friche, nous sommes ouverts à toutes les bonnes volontés pour trouver une solution. »
Que reste-t-il, désormais, de ce château ?
De ce « potentiel incroyable », en ce 1er janvier 2024, que reste-t-il ? « Seules les deux façades et l’une des ailes pourraient être en partie préservées, sous réserve d’un effondrement toujours possible et des effets des quantités d’eau déversées sur la structure pour fixer l’incendie », annonçait, dimanche soir, la préfecture. En clair, il ne reste pas grand-chose. Certes, on peut accomplir l’impossible, pour reprendre les mots d’Emmanuel Macron, mais il y a la réalité sonnante et trébuchante. Qui paiera la reconstruction ? Le maire pense qu'« aucun des propriétaires n’a souscrit une assurance pour la partie du château dont ils sont acquéreurs ». Et quelle reconstruction, s’il s’agit de remettre en état un édifice qui était visiblement à l’abandon ? À l’abandon, mais attention, pas squatté, s’est empressé de déclarer le préfet dans le style inimitable qui fait la gloire de notre haute administration : « Aucun élément recueilli sur place ne permet de confirmer la présence durable de personnes sans droit ni titre sur le château. [...] Il était l'objet de visites régulières, mais nous n'avons pas d'éléments attestant d'un squat durable. » En attendant, le maire, qui fait peut-être semblant d’y croire, a annoncé qu’« on va prendre attache avec les services de l’État pour regarder quelles solutions seraient envisageables pour donner une suite plus favorable et réjouissante à ce grand château ».
Tout cela était écrit
L’incendie de cette vieille demeure, édifiée à la fin du XVIIe siècle dans ce style classique tellement français, n’est pas sans faire réagir les amoureux et défenseurs du patrimoine. Ainsi, l’association Sites & Monuments, la plus ancienne association de défense du patrimoine, puisque fondée en 1901, souligne sur X qu’« avant l’incendie, l’État et la mairie étaient à deux doigts de découvrir la possibilité d’exproprier un monument historique en déshérence », rappelant les termes de la loi : « L'autorité administrative peut toujours, en se conformant aux prescriptions du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, poursuivre au nom de l'État l'expropriation d'un immeuble déjà classé au titre des monuments historiques ou soumis à une instance de classement, en raison de l'intérêt public qu'il offre au point de vue de l'histoire ou de l'art. Les collectivités territoriales ont la même faculté. » Et de conclure : « Mais le patrimoine – pourtant fondamental - est le cadet de leurs soucis. » La Tribune de l’Art n’est pas plus tendre : « Château ruiné avant l’incendie, promoteur faisant faillite, imbroglio judiciaire, château abandonné, squatté. Tout cela était écrit. Et le ministère de la Culture a laissé faire. » On imagine que le ministre de la Culture, Rima Abdul-Malak, ne peut pas être partout.
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48 commentaires
Je trouve toujours surprenant que ces vieilles charpentes brulent aussi facilement . Au fait pour Notre Dame de Paris résultat de l’enquête ??????
Attendons un peu et on verra à qui profite ce désastre, j’ai bien une idée
Qui s’occupe du patrimoine à part Stephane Berne ..Nos élites n’en ont que faire..
Madame Rima Abdul Malak est très employée à combattre le RN et Cnews qu’elle ne peut s’occuper du patrimoine culturel en déshérence.
le ministre de la Culture, Rima Abdul-Malak, ne peut pas être partout !! En effet, elle ne peut s’occuper de « l’avenir » de CNEWS qu’elle veut voir disparaitre de l’audiovisuel et du patrimoine, sujet qui la dépasse ô combien.
on brule nos églises, on déboulonne nos statut, on détruit nos calvaires, et maintenant on détruit nos châteaux, il ne restera rien à la fin de la présidence de ce destructeur , la France sera ruinée et à terre si on ne fait rien avant 2027 !
Il y en a bien assez des châteaux et autres monuments à entretenir jusqu’à des anciens politiques qui ont eux aussi coûté fort cher à la France pour un entretien qui n’a pas réussit
Effectivement il est plus facile au ministre de la culture de descendre en flammes un Gérard Depardieu que de descendre voir les flammes d’un patrimoine culturel que representait ce château.
Tout brûle en France, les cathédrales, les châteaux, les voitures, les forêts etc…C’est ce qu’on appelle la politique de la terre brûlée.
Cruel mais bien vu .
Madame Rima Abdul est trop occupée par l’affaire Depardieu pour s’intéresser à notre patrimoine. No us avons à la tête de ce ministère des dames plus soucieuses des mondanités que de leur charge . Ce château illustre parfaitement le soin qui est pris de notre patrimoine , une chance que Versailles serve aux réceptions de la république…
Si squatters il y avait, sans aucun doute ils étaient tous français !
Quelle tristesse….
Il est où le luxembourgeois Bern ?
Visité oui mais par qui , si monsieur le maire pouvait être plus précis . En fait on se doute de qui peut visiter des châteaux sans y être invité et le départ du feu , comme pour Notre Dame , restera un mystère …..
Peut être quelqu’un qui a allumé une cigarette et a laissé tombé son mégot sans faire attention.
A notre époque, les mégots sont particulièrement dangereux!
… « pas de squatte durable » dit-il !
Entre les lignes ça veut dire « des squatteurs de passage », ceci expliquant sûrement cela.