Service national universel : va-t-il se fracasser contre le mur budgétaire ?

SNU

Le Sénat, droite et gauche, main dans la main, a-t-il mis le dernier clou sur le cercueil du Service national universel, projet-phare du candidat Macron en 2017 ? Jeudi soir, en effet, la majorité des sénateurs, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2025, a voté, contre l’avis du gouvernement, un amendement transpartisan visant à supprimer la quasi-totalité des 100 millions d’euros prévus pour le financement du SNU et ce afin de rediriger le gros de cette somme (80 millions) sur le budget du Sport. Un amendement qui vient en réaction au dépôt au tout dernier moment par le gouvernement d’un amendement surprise visant à retirer 34 millions au Sport et 90 millions à la Jeunesse et Vie associative. Cette escarmouche au palais du Luxembourg entre Sénat et Gouvernement, représenté par un ministre des Sports, Marie Barsacq, ancienne directrice exécutive au comité d'organisation des Jeux olympiques 2024, certes sympathique mais politiquement inexpérimenté, montre où nous en sommes aujourd’hui : à chercher les derniers bouts de chandelle et racler les derniers fonds de tiroir de la République. Histoire de fixer les idées, rappelons en effet que le projet de loi de finances de l’État, prévoyait initialement (avant censure) 490 milliards euros de dépenses en 2025. 100 millions d’économie, c’est donc environ 0,2 % de ce budget. Certes, il n’y a pas de petites économies...

SNU : « ni possible, ni souhaitable »

Donc, la majorité des sénateurs s’est ralliée à une idée fixe du sénateur socialiste de la Creuse, Éric Jeansannetas : supprimer le SNU. Le 24 novembre dernier, il déposait déjà un amendement qui devait « consacrer » sa suppression en supprimant les 100 millions prévus. Un amendement qui s’appuyait sur un rapport sénatorial (dont il était l’auteur !), intitulé « Le service national universel : la généralisation introuvable », et qui concluait que « la généralisation du service national universel, dans sa forme actuelle, n’était ni possible ni souhaitable ». Ce rapport, soulignons-le, avait été adopté par la commission des finances le 8 mars 2023. Dans cet amendement de novembre, M. Jeansannetas s’appuyait notamment sur le rapport de la Cour des comptes, évoqué sur BV par Frédéric Sirgant en septembre dernier, qui estime le coût de fonctionnement généralisé du SNU entre 3,5 et 5 milliards par an. Pas moins ! Là, il ne s’agit plus de bouts de chandelles mais de chandeliers en or massif. Or, l’expérimentation actuelle ne se justifie que dans la perspective d’une généralisation à terme. Certes, on peut voir dans la volonté de ce sénateur de supprimer le SNU une arrière-pensée plus ou moins idéologique : « On peut aussi se demander si le service national universel correspond bien au modèle d’engagement que nous voulons pour les jeunes. L’idée d’un engagement ‘‘obligatoire’’ est paradoxale », estime-t-il, ajoutant qu’il lui apparaît « préférable de faire confiance aux jeunes, dont l’engagement n’est pas à prouver ». Mouais, tout ça se discute. On va dire que ça dépend et que certains engagements de certains jeunes en certains territoires de la République méritent peut-être une certaine méfiance qu'une confiance béate. En revanche, ce qui n’est pas discutable, c’est bien la situation de nos finances publiques.

Au départ, cela semblait pourtant une bonne idée, ce SNU, autour de laquelle une majorité de Français pouvait se réunir : « la rencontre des armées de la République et de la jeunesse de France, la cohésion nationale », étaient des « enjeux » qui méritaient qu’on y mette le prix, avait martelé le candidat d’En Marche!, dans son grand discours sur la défense prononcé en mars 2017. « Un coût significatif » avait concédé Emmanuel Macron, donnant même une fourchette de prix : entre deux et trois milliards (tout augmente, ce serait le double aujourd’hui), ajoutant, bravache : « Je l’assumerai ». Quel sera, au final, le sort de ce SNU, « gadget présidentiel », selon un député écolo ? Au-delà de la simple question budgétaire, si cette suppression de 100 millions était confirmée à l’Assemblée (à moins d’un 49.3…), ce serait pour Emmanuel Macron une nouvelle grande promesse non tenue de son grand projet de 2017. Et donc, un nouvel échec. D’une bonne idée, on a glissé tout doucement vers une fausse bonne idée. Et quand on sait que d’une fausse bonne idée à une mauvaise idée, il n’y a qu’un pas…

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Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

Vos commentaires

6 commentaires

  1. Le service militaire a été supprimé car il coutait très cher et n’avait aucune utilité militaire , la formation d’un fantassin du XXI siècle demande des années de formation , c’est un technicien de haut niveau , ce n’est plus de la chair à canons .
    Ensuite on s’était rendu compte qu’il était devenu difficile d’intégrer des jeunes issus de cultures différentes suite à l’immigration de masse , et leur demander du patriotisme était une illusion pour la plus grande majorité .
    Alors le Service national universel est un gadget couteux et inutile .

  2. On n’a plus un sou pour payer les militaires de carrière, alors ce n’est pas pour financer le coût de conscrits. Et puis il n’y a plus de casernes. L’Etat les a vendues, et elles ont été démolies pour construire à la place des logements sociaux, repaires des trafiquants de drogue.

  3. Fausse bonne idée portée par E Macron pour tenter de reconstituer un sentiment d’appartenance à la nation. Sauf que : militairement sans le moindre intérêt, (juste distinguer entre un capitaine et un caporal, et défiler en rang) et sur le plan sociétal, ne suscitant ces sentiments recherchés de patriotisme que pour ceux qui étaient déjà convaincus. Dans un contexte de dette écrasante nous mettant à la merci des marchés financiers et du FMI, il est temps de se débarrasser de tous les hochets inutiles dont notre classe politique a le secret. Ce service national en fait partie.

    • Vous nous expliquerez peut-être comment vous procéderiez pour récupérer les armes mises entre les mains des « chances pour la France » concernées par ce service militaire. Quoi qu’il en soit, je serais très inquiète à l’idée que mon petit-fils doive partager la chambrée des individus précités.

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