Si quelqu’un s’élève contre le peuple pour installer la tyrannie
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Nous l'avons déjà plusieurs fois exposé dans ces colonnes, mais il est bon de le rappeler sans cesse : l'expression politique de la liberté, c'est la souveraineté. Les partisans de la liberté sont nommés « souverainistes », ce qui est le contraire des « soumissionnistes », hostiles à la liberté. Il y a, d'une part, la souveraineté nationale, qui vise à assurer la liberté de la nation dans ses relations avec les autres nations ou avec les structures internationales (ONU) ou supranationales (OTAN, UE, OMC). Et il y a, d'autre part, la souveraineté populaire qui consacre la liberté interne du peuple de décider de ses lois et de son destin collectif.
La première cité de l'Histoire à avoir mis en place dans ses institutions la souveraineté du peuple, ce fut Athènes. Certes, la démocratie athénienne des débuts ne ressemblait pas à celle à laquelle nous nous référons aujourd'hui. L’ekklesia est, à Athènes, une assemblée des citoyens (compris de façon restrictive) qui vote des lois, le budget, la paix ou la guerre, l’ostracisme, et tire au sort parmi ses membres ceux qui siégeront au Parlement (boulê), seront juges (héliastes), ministres (archontes), et les dix stratèges (cf. Aristote, Constitutions des Athéniens).
Athènes inventa, en plusieurs étapes, la démocratie. Certes, Athènes était alors une démocratie archaïque où les classes jouaient un rôle déterminant. Mais lors de l’irruption de l’impérialisme étranger (du Macédonien Philippe), les Grecs désespérés tentèrent de graver pour la postérité (et dans le marbre de stèles) l’interdiction de la tyrannie. Voici ce jaillissement de l’esprit humaniste et souverainiste que nous lègue Eucrate, le rédacteur de ces lois en 338 av. J.-C. Ces stèles, au nombre de plusieurs dizaines, ont ensuite été supprimées, sauf une qui nous lègue la résolution suivante :
« Si quelqu'un s'élève contre le peuple pour installer la tyrannie, ou aide à l'installation de la tyrannie, ou porte atteinte au peuple et à la démocratie des Athéniens, alors que soit honoré qui tuera celui qui aura entrepris un de ces crimes. Qu'il ne soit permis à aucun député de la Boulé de l'Aréopage, si la Démocratie est détruite, de monter sur l'Aréopage, de participer à une séance, ni de prendre une décision sur aucun sujet, et si se produit quelque chose de semblable, que lui et ses descendants soient privés de leurs droits politiques, que sa fortune soit remise au peuple et que le dixième de sa fortune soit donné aux dieux » (Stèle d'Eucrate, musée de l'Agora, Athènes).
Cette loi fut abrogée lorsque les Macédoniens s’emparèrent d’Athènes en 322 av. J.-C. et les stèles furent arrachées à l'exception de celle que nous venons de citer.
On est saisi par cette expression farouche du besoin de liberté, cette force et cette pureté originales qui nous impressionnent. Si nous aussi nous voulions - qui sait -, un jour, refonder notre démocratie dégénérée, relisons Eucrate. Faisons nôtre sa vigueur et sa rigueur. Il n'est ni bonheur, ni dignité, ni prospérité, ni justice, ni équité sans souveraineté populaire.
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« Liberté, liberté chérie, que de crimes peut-on commettre en ton nom » furent les dernières paroles de Madame Roland en montant à l’échafaud ; selon ces paroles, on ne peut craindre grand chose de la part de notre président en matière criminelle, attendu qu’il restreint les libertés à la portion congrue.