Sibeth Ndiaye confond deux saints ? Au moins a-t-elle le mérite de les connaître (un peu) !

sibeth ndiaye

Il y a peu, les politiques pouvaient gaffer, confondre, faire des lapsus sans grande conséquence. Au mieux, le téléspectateur érudit le signalait à son conjoint assis dans le canapé à côté de lui, au pire, un canard du camp adverse en faisait un entrefilet ironique dans sa rubrique « politique »… une semaine, un mois, un trimestre plus tard. Aujourd’hui, le « fact-checking » populaire est aussi immédiat qu’assassin sur les réseaux sociaux. Quand Benjamin Griveaux confond Charles Maurras et Marc Bloch, quand Gérald Darmanin cite un bon mot de Coluche en l’attribuant à Churchill, toute la Toile aussitôt ricane, se gausse, s’indigne devant tant d’inculture. C’est ainsi qu’en fin de semaine dernière, la nouvelle porte-parole de l’Élysée Sibeth Ndiaye a fait une malheureuse boulette : « Je suis comme saint Thomas d’Aquin, je ne crois que ce que je vois. » Las, ¡Caramba!, ce n’était pas celui-là. L’incrédule n’était pas d’Aquin mais de Galilée. Et plus de 1.200 ans séparent cet apôtre du Christ du célèbre dominicain. Une nouvelle fois, les réseaux sociaux bruissent de rire. Comment pourrait-elle être porte-parole de l’Élysée quand elle ne parvient pas à porter seulement correctement la sienne, ironisent certains ?

Il m'est arrivé, il m'arrivera encore (c'est à peu près certain) d'être en profond désaccord avec Sibeth Ndiaye. Mais si, comme disait Beaumarchais, sans liberté de blâmer, il n'est pas d'éloge flatteur, l'inverse est vrai : sans honnêteté de défendre, il n'est pas de critique crédible. On me permettra donc ce petit plaidoyer.

D’abord parce qu’un lapsus dans un entretien télévisé n’est pas une lacune ou une erreur dans un livre : la langue peut fourcher et la parole aller plus vite que la pensée. Et l’on ne peut pas effacer, le podcast est parti, la rumeur sur les réseaux sociaux aussi.

Ensuite, parce que viendra peut-être un temps où l'on regrettera les confusions spirituelles de Sibeth Ndiaye - née en 1979 et scolarisée à l’institution Sainte-Jeanne-d’Arc de Dakar, non loin de la cathédrale de la capitale sénégalaise - qui même si elle s’emmêle un peu les auréoles entre Avila et Lisieux, Foucault et Borromée, Chrysostome et Baptiste, Sienne et Labouré, sait au moins ce qu’est un saint et un adage solidement ancré dans la culture chrétienne. Le Français - même de la génération de Sibeth Ndiaye - fait (encore) du caté comme Monsieur Jourdain de la prose ; tel magazine évoquait, récemment, le « chemin de croix » du Président. Tel autre cette « grand-messe » qu'est le grand débat, encore un autre sa courte « rédemption » dans les sondages. Des journalistes connus, conscients de la méfiance dont leur profession fait l'objet, ont imaginé, l'espace d'un titre, un jeu de mots trempé dans l’eau bénite, s’engageant à « faire leur media culpa » (Les Échos).

On continue ? Les gilets jaunes ont pleuré comme des « madeleines » dans les vapeurs lacrymogènes. Certains « jettent la pierre » aux policiers… Mais sur le terrain, difficile de « trier le bon grain de l'ivraie ». Et pendant ce temps-là, les responsables politiques semblent s’en « laver les mains ».

Il arrive qu’une autre confession serve d’illustration - je ne suis pas Vishnu, lâche la mère de famille et le cadre en burn out agacés, tiraillés entre le four et le moulin. Mais laquelle imprègne autant la langue française ? On croise les racines de notre pays au détour des routes, par les églises et les calvaires, et puis aussi au détour des phrases, par les expressions et le vocabulaire.

Qu’en sera-t-il quand le socle commun chrétien évoqué par Jérôme Fourquet dans son dernier livre L’Archipel français - naissance d’une nation multiple et divisée, quand la matrice catholique se seront complètement disloqués sous la pression conjointe de l’idéologie, de l’ignorance - un enfant de 10 ans demandait au mien, cet été, sur une plage, quelle était donc cette drôle de dame sur le collier qu’il portait autour du cou - et de la montée en puissance d’une autre religion ?

Gabrielle Cluzel
Gabrielle Cluzel
Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste

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