Soignants non vaccinés : que deviennent-ils ?

« Ils ne veulent pas nous réintégrer pour ne pas perdre la face », affirme-t-on du côté des soignants suspendus.
vaccin virus covid

Leur réintégration ne sauvera clairement pas l’hôpital public et les services de santé au bord de la rupture. « Sur un service de plusieurs dizaines de personnes, il n’y a eu qu’un seul soignant forcé de partir par refus de la vaccination », chuchote un médecin parisien. Si le chiffre est mince (1.050 infirmiers, selon le ministre de la Santé François Braun), cela signifie une privation de revenus, parfois des missions d’intérimaires, parfois une totale reconversion…

« J’ai voulu reprendre le travail après avoir eu mes enfants. Je ne tenais pas à me faire vacciner et j’ai donc renoncé à exercer mon métier d’infirmière. » Cette mère de famille yvelinoise de 30 ans hausse les épaules, elle a retrouvé du travail et fait maintenant de la prévention santé dans le BTP à mi-temps. « Cela fait un certain manque à gagner mais on s’en sort », philosophe-t-elle. Son refus de la vaccination ? « Le bénéfice-risque d’une telle vaccination et surtout le mépris des politiques qui nous ont menti, puis nous ont applaudis, puis nous ont menti à nouveau. Pour moi, cela ira, merci », conclut-elle.

Si son choix n’a pas eu de conséquence grave sur sa vie privée, certains n’ont pas eu cette chance. Ainsi de Vincent Le Courcy. Ce Normand de 41 ans a eu un parcours professionnel riche. Fils d’un ouvrier du BTP et d’une aide-soignante, il a fait tous les métiers du monde avant de devenir ambulancier à l’hôpital de Falaise et de passer le concours d’infirmier. Il est arrivé premier sur quatre cents. À la fin de sa formation, le Covid a frappé à la porte. « Comme ma formation a été suspendue en raison de l’épidémie, j’ai aidé en maison de retraite et c’est là où j’ai commencé à me méfier. Tout ce que déclarait Olivier Véran sur les plateaux était l’exact inverse de ce qu’on voyait sur le terrain. » Jusqu’à la vaccination ? « Les hospitalisations de vaccinés n’arrêtaient pas, alors quand on nous a obligés à nous faire vacciner, je suis parti. J’ai été suspendu après deux mois de CDD », soupire-t-il au téléphone. Antivax ? « J’ai eu tous mes vaccins, même ceux contre l’hépatite. Évidemment qu’il fallait vacciner les personnes âgées et fragiles, mais les bien portants et les enfants ? Absurde ! »

Aujourd’hui, Vincent ne travaille pas. « J’ai mon bois, mes poules, mes légumes et ma maison. Je n’ai même pas fait ma demande de RSA. Je n’en ai pas besoin. »

Au fond, Emmanuel et les autres ne sont pas dupes. Ils savent que leur réintégration, tout comme la gestion de cette crise sanitaire, se joue essentiellement sur le terrain politique. « Ils ne veulent pas nous réintégrer pour ne pas perdre la face », affirme-t-on du côté des soignants suspendus. D’autant que ces sujets n’échappent pas à la petite guerre de tranchées entre LFI et RN. Encore une fois, le sort de ces soignants passe après la politique.

Ce qui est marquant, en revanche, lorsqu’on discute avec eux, c’est la sourde colère qui monte. « Véran ? Vous savez ce qu’on dit, chez moi ? Si on lui confie notre troupeau, nos vaches crèvent en deux mois », s'exclame Emmanuel. S’il est réintégré un jour, il retournera à l’hôpital. « J’irai là où on a besoin de moi. Mais je ne me fais plus aucune illusion. Tout craque de tout côté », confie-t-il. « Ils peuvent bien me faire mariner vingt ans de plus. Mon ouvrage reste moins bancal que le leur ! »

Ni fachos, ni obscurantistes. Applaudis puis voués aux gémonies. Les soignants non vaccinés ne constituent pas un élément majoritaire. Ils ne sont qu’une variable d’ajustement, sacrifiés pour une gestion de crise dont chaque étude démontre l’impéritie. Combien de soignants jetés dans la misère ? Combien de carrières contrariées ou de vocations dégoûtées ? L’avenir y répond déjà, et c’est peu glorieux !

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Marc Eynaud
Journaliste à BV

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