Sous l’Ancien Régime, la pendaison. Et la roue ? Vous avez oublié la roue !

supplice roue

Mercredi, à l’ouverture du procès Fillon, il paraît que le procureur a bien fait rigoler la salle en déclarant : « Le délit de détournement de fonds publics était puni d’une peine de mort par pendaison sous l’Ancien Régime ! » Outre le trait d’humour que n’ont pas forcément apprécié l’ancien Premier ministre et son épouse, faut-il voir dans cette phrase une sorte de nostalgie de la France d’avant la Révolution ?

Il est vrai que l’apparat judiciaire français vient tout droit de la monarchie. Il suffit de voir une rentrée solennelle de la Cour de cassation pour s’en convaincre : robes rouges, hermines, ordres en sautoir et tout le tremblement. La cérémonie d’installation d’un premier président est d’ailleurs, en bien des points, similaire à ce qu’était un lit de justice sous la monarchie : le président de la République ne trône-t-il pas dans un angle de la salle d'audience, comme le roi autrefois ? Une vraie reconstitution historique du Parlement de Paris. Continuité de la France, me direz-vous.

Donc, la pendaison sous l’Ancien Régime pour le détournement de fonds publics. Fort bien. Mais pourquoi en rester là ? Ne peut-on imaginer, désormais, que l’avocat général, dans tout procès pénal, aux assises comme en correctionnelle, fasse une petite évocation historique, afin d’édifier le prévenu et l’assistance ? « C'est grave, ce que vous avez fait. La preuve, sous l'Ancien Régime... »

Le délit de banqueroute frauduleuse ? « C’est un délit grave », pour reprendre les mots du procureur à l’audience du procès Fillon. Le condamné était exposé au public, attaché à un collier de fer. Par jour de marché, cela devait faire son effet. L'ancienne France n'était pas encore confrontée au problème de l'animation des centres anciens.

Le vol avec effraction ? « C’est un délit grave », aussi. Ainsi, un édit du Parlement de Flandres de 1534 précisait que « ceux qui entreront dedans des maisons, icelles crochèteront et forceront, prendront et emporteront les biens qu’ils trouveront esdites maisons, seront punis en la manière qui s’ensuit : c’est à savoir, les bras leur seront brisés et rompus en deux endroits, tant haut que bas, avec les reins, jambes et cuisses et mis sur une roue haute pour y faire pénitence, tant et si longuement qu’il plaira à Dieu de les y laisser morts, tant qu’il sera ordonné par justice. » De quoi priver le criminel de l’envie et des moyens de recommencer. La France de l’Ancien Régime n’avait pas encore inventé le rond-point à la sortie des agglomérations. On imagine pourtant l’usage qui aurait pu en être fait.

Le vol à main armée, appelé braquage ? En 1770, le Parlement de Flandres condamne les dénommés « J. et B. de Waulle, dûment atteints et convaincus de port illicite d’arme à feu, de blessure, et suspectés d’avoir volé des fagots et autre bois, ainsi que d’autres vols chez des particuliers, avec effraction la nuit » à « être flétris des lettres GAL, conduits aux galères pour neuf ans ». Précision : comme le Parlement estima que les condamnés étaient « redoutables », ils furent bannis du royaume pour 25 ans. Pas moins.

Le viol ? Le procureur pourrait évoquer la sentence prononcée, en 1771, par le Conseil supérieur de Poitiers (nouvelle juridiction créée par Maupeou) à l’encontre d’un dénommé Joubert, convaincu d’avoir violé une adolescente de quinze ans. L’homme fut condamné « à estre pendu et étranglé jusqu’à ce que mort s’en suive à une potence […] dressée […] en la place saint Nicollas », puis « son corps mort » devra « estre exposé sur le grand chemin qui conduit de cette ville en celle de Parthenay et attaché à un arbre avec un carcan de fer ». Voilà, voilà. On ne parlait pas encore de violences faites aux femmes mais la justice pouvait avoir la main leste.

Cela dit, il se peut fort bien qu’à la lecture de ces évocations historiques, petit Puy du Fou de la criminalité d’antan, le procureur fasse bien rigoler le prévenu avant qu’il ne rejoigne sa cellule chauffée ou enfile son bracelet électronique.

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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