Stanislas Poyet : « Dans ces “quartiers prioritaires”, des habitants portent un discours virulent contre l’immigration clandestine »
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Journaliste au Figaro, Stanislas Poyet signe aux Éditions du Rocher Défense d’entrer ? Enquête au cœur des quartiers prioritaires de nos villes. Pendant un an, de Marseille à Roubaix en passant par Toulouse, Saint-Ouen, Grigny, Dreux et Vénissieux, il s'est rendu « là où l’État n'entre plus » pour interroger des habitants de ces quartiers « sensibles » gangrenés par les trafics de drogue, les règlements de comptes ou les rixes. Une enquête choc.
Sabine de Villeroché. Votre enquête porte sur les « quartiers prioritaires de nos villes » : que signifie cette expression ?
Stanislas Poyet. Les « quartiers prioritaires de la ville » (QPV) sont des quartiers français considérés comme particulièrement défavorisés au regard du revenu par habitant. Ils sont les cibles prioritaires de la politique de la ville. Ce dispositif est entré en vigueur en 2015, il en remplace d'autres comme les zone urbaines sensibles ou les quartiers en contrat urbain de cohésion sociale. Il y a environ 1.500 QPV, en France, qui abritent 5,5 millions d'habitants.
S. d. V. Qu’est-ce qui vous a le plus surpris dans votre enquête ?
S. P. J'ai été étonné par la puissance de la « forteresse mentale » qui prévaut dans ces quartiers. Pour beaucoup d'habitants, notamment les plus jeunes, le quartier est le seul horizon, celui où on a ses repères, ses amis, sa familles. Comme dans un village, on y connaît tout le monde, on y connait les règles, on sait s'y comporter, on est en confiance. Pour beaucoup, la personne extérieure suscite la méfiance. On y pénètre sans mal, personne ne vous accueille à coups de pierres ou de menaces, mais les gens parlent peu, se méfient. Probablement parce qu'ils sont habitués à ce qu'on parle mal d'eux.
Alors, pour pouvoir discuter vraiment, entrer dans la vie de ces gens, il faut gagner leur confiance, entrer dans cette « forteresse mentale » en se faisant accepter, non comme l'un des leurs, mais comme une personne de confiance. Pour cela, il faut être présenté, trouver quelqu'un qui sera la première marche et permettra d'accéder à toutes les autres. Dans mon cas, ce furent des personnes un peu plus ouvertes que les autres, comme des artistes et des bénévoles associatifs, notamment. De fil en aiguille, on rencontre de plus en plus de gens, toujours en étant présenté. C'est comme cela qu'on peut passer des après-midi sur des points de deal, des endroits où il est impensable de rester plus de temps qu'il ne faut pour acheter sa dose à qui débarque sans prévenir. Une fois implanté, on peut commencer à travailler. Les discussions changent, on sort des phrases toutes faites et des lieux communs, on commence à parler de la vraie vie.
S. d. V. Vous évoquez ces populations d’origine étrangère devenues les victimes des nouveaux arrivés, au point que certains se disent prêts à « voter Marine Le Pen ». Assiste-t-on au Grand Remplacement dans le Grand Remplacement ?
S. P. Les dernières élections ont clairement montré que dans les quartiers, le premier parti est l'abstention et le second, La France insoumise. La France insoumise parle à ces quartiers, notamment en intégrant une rhétorique « anti-islamophobie ». Simplement, j'ai été étonné, durant mes nombreuses discussions, d'entendre des habitants de ces quartiers porter un discours virulent contre l'immigration clandestine. Plusieurs fois, j'ai entendu : « Marine Le Pen ne dit pas que des bêtises. »
Il faut bien se rendre compte que ce sont ces quartiers qui accueillent le plus d'immigrés clandestins. Au Mirail à Toulouse, par exemple, le nombre de clandestins a augmenté avec le Covid, car les restrictions étaient moins respectées dans ce quartier. En l'occurrence, il s'agissait, pour beaucoup, de jeunes hommes originaires des quartiers pauvres d'Afrique du Nord. Ces habitants ne sont pas contre l'immigration, étant eux-mêmes issus de l'immigration, mais ils déplorent l'arrivée de populations étrangères qui viennent ajouter de la misère à la misère, pèsent sur le niveau scolaire et occasionnent des troubles à l'ordre public, car ces jeunes clandestins sont des cibles de choix pour les recruteurs des réseaux de drogues.
S. d. V. Est-ce encore possible de rétablir l’État de droit dans ces quartiers ou est-ce désormais trop tard ?
S. P. Je ne suis pas d'accord avec le discours qui assimile ces quartiers à des « zones de non-droit ». Le droit s'applique ici et la police entre partout. Seulement, à certains endroits du quartier - sur les points de deals - et pendant un certain temps - les heures d'ouverture -, une autre proposition de droit prévaut : celle édictée par les réseaux qui imposent aux quelques habitants des immeubles concernés leurs règles. À Marseille, par exemple, le jeune dealer avec qui je discutais faisait la différence entre la cité, où la vie est normale, et le « côté obscur », de l'autre coté de la barre, où le trafic se fait. Il y a des nuances très locales.
Ces règles alternatives s'accompagnent de toute une symbolique, avec ses valeurs - de loyauté, de courage, de fiabilité -, ses possibilités de carrière, de gagner sa vie... Si bien qu'on est vraiment sur une contre-proposition fondamentale à l'intégration classique par le marché du travail. La réponse est donc évidemment policière - c'est peut-être même la première des réponses - mais on ne peut évidemment s'en contenter : pour lutter contre une telle contre-proposition, il faut remettre des services publics, de la formation, de l'école, de la culture... Rien n'est perdu, beaucoup de gens se battent dans ces quartiers pour les rendre meilleurs, il faut simplement s'en donner les moyens et à tous les niveaux.
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17 commentaires
Tant que des personnes issues de l’immigration récente (ces 30 dernières années) n’auront pas pris conscience, et le proclameront bien en avant à Droite (chez Reconquête), que pour « élever le Pouvoir d’Achat » il faudra combattre une immigration trop importante, afin de ne pas avoir à partager (réduire) leur part avec toute la misère du Monde, l’extrême Gauche, et la Gauche, et l’Imposture y règnera. Comment sans fin partager ce qu’on ne peu donner en faisant payer de moins en moins d’imposés ?
Journaliste au Figaro ???