Stéphane Bern, le fou du roi, devient Monsieur Patrimoine

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On aime ou on n’aime pas Stéphane Bern, qui anima notamment l’émission "Le Fou du roi" sur France Inter et attire toujours de nombreux téléspectateurs pour "Secrets d’Histoire", avec une prédilection pour les têtes couronnées. Il regarde l’Histoire par le petit bout de la lorgnette : "Ce qui rend l’Histoire accessible, c’est que vous retrouvez les passions humaines, l’amour, le sexe, le pouvoir et l’argent", avait-il confié dans un entretien à Libération.

À l’occasion des Journées européennes du patrimoine, visitant le château de Monte-Cristo où séjourna Alexandre Dumas, en compagnie d’une classe de CM2, le président de la République a, sous les yeux des caméras, nommé Stéphane Bern « Monsieur Patrimoine ». N’a-t-il pas montré, dans ses émissions, son attachement au patrimoine national ? L’intéressé, se comparant modestement à Prosper Mérimée, a expliqué qu’il devait "recenser les chefs-d’œuvre en péril […] et trouver de nouveaux moyens de financement, sans surcharger le budget de l’État". Il a même précisé accomplir cette mission « bénévolement ».

Ah, le brave homme, soucieux des deniers de l’État ! Il semble, cependant, que tout travail mérite salaire : si cette tâche lui prend beaucoup de temps, il serait naturel qu’il fût rémunéré ; si elle consiste à faire beaucoup de bruit pour rien, à quoi bon créer une telle fonction ? À supposer que ce poste soit nécessaire, Stéphane Bern est-il le plus compétent pour l’occuper ? On peut légitimement se demander si un conservateur spécialiste n’eût pas mieux fait l’affaire.

D’autant plus que Stéphane Bern, s’il est télégénique lorsqu’il est bien maquillé, semble un piètre historien quand il n’a pas ses fiches. Devant la classe de CM2, il s’est lancé dans l’explication d’une ordonnance signée, en 1539, par le roi François Ier. Cette scène, sans doute si mémorable qu’il fallait l’immortaliser, a même fait l’objet d’une vidéo publiée sur le compte du chef de l’État.

"À ce moment-là, dans son château, le roi a décidé que tous ceux qui étaient dans son royaume devaient parler français", a-t-il raconté, avec son art de romancer l’Histoire. Ainsi donc, pour Monsieur Patrimoine, ladite ordonnance "a fait du français la langue officielle". Il a précisé, sous le regard admiratif de Macron : "Si nous parlons tous le français, c'est grâce à l'ordonnance de Villers-Cotterêts."

Seulement, voilà, c’est totalement faux ! Les vrais historiens l’ont rectifié sur Twitter : ce texte visait à ce que les justiciables, dont la plupart ne lisaient pas le latin, puissent comprendre les décisions de justice et les documents officiels. Il ne remettait pas en cause toutes les langues régionales.

On l’aura compris : Emmanuel Macron a voulu faire une nouvelle opération de communication. Lui qui, pendant sa campagne, avait souligné l’absence d’une "culture française", qui avait essayé de rattraper cette bourde dans une tribune du Figaro, déclarant que "notre culture est toujours parvenue à se dépasser elle-même, à voguer vers le neuf, l'imprévu, l'inconnu", s’intéresse brusquement au passé et devient un fervent défenseur de notre patrimoine.

S’il a choisi Stéphane Bern, ce n’est pas seulement parce que c’est un ami de son couple et qu’il a soutenu sa campagne, mais parce qu’il est populaire. Pour parvenir à ses fins, il ne renonce à aucun moyen, surtout pas à ceux qui lui permettent de rouler les Français dans la farine. Ce n’est pas Jupiter, le maître des dieux, c’est Métis, la déesse de la ruse.

Stéphane Bern, sans doute par vanité, est tombé dans le panneau et devient le dindon de la farce. Lui qui se réfère si souvent à la monarchie devrait savoir que, si les rois ont parfois récompensé leurs courtisans, c’était pour mieux les maîtriser et s’en servir.

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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