[STRICTEMENT PERSONNEL] À la paix comme à la guerre…

Sommes-nous encore en paix ? Sommes-nous déjà en guerre ? La guerre est partout.
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Il pleut. Il pleut sans discontinuer. Il pleut des obus, il pleut des missiles. Il pleut des bombes. Il pleut des balles. Ça tombe comme à Gravelotte(1). Inutile, voire dangereux, de lever les yeux au ciel, puisque c’est du ciel que vient, de plus en plus souvent, la mort. Et les nouvelles qui tombent sur les petits écrans portables dont nous ne pouvons plus nous passer sont presque toutes mauvaises, d’où qu’elles viennent, comme dans la chanson de Stephan Eicher. Soudan, Congo, Yémen, Gaza, Ukraine : le choix est déjà ouvert, et tend à s’élargir encore.

Sommes-nous encore en paix ? Sommes-nous déjà en guerre ? La guerre est partout. Sur ses terrains de jeu et de mort. Dans les esprits. Dans les cœurs. Dans les discours. Dans les programmes. Dans les budgets. Dans les usines qui la nourrissent et qui, d’ores et déjà, croulent sous les commandes en attendant de crouler sous les bombardements. Dans les Bourses mondiales, où elle est à la hausse…

La guerre est riche de surprises

Du coup, on voit partout renaître, citer et commenter le bon vieil adage hérité des Romains, avec la marge d’ambiguïté qui l’accompagne depuis toujours. Si vis pacem, para bellum (si tu veux la paix, prépare la guerre). Les uns en déduisent qu’il faut bien se préparer à la guerre si l’on veut qu’elle ne nous prenne pas au dépourvu. C’est la sagesse même. D’autres, tout le long de l’Histoire, en ont vicieusement conclu qu’il n’est pas déconseillé de pousser à la guerre, voire de la rendre inévitable ; bref, d’en prendre éventuellement l’initiative, qui garantit la victoire, quitte à reconnaître a posteriori qu’on s’était légèrement trompé dans ses calculs, comme l’infortuné Kaiser Guillaume II : « Je n’avais pas voulu cela ! » Coût de l’erreur : la chute de l’Empire allemand, la chute de l’Empire russe, le bolchevisme, le nazisme, la récidive aggravée de 1939-1945 et, déjà, dans un premier temps, vingt millions de morts. Eh oui, entre autres caractéristiques, la guerre, de tout temps, est riche de surprises en tous genres, dont la première est l’incertitude. Nous en avons, une fois de plus, l’éclatante démonstration.

Vladimir Poutine, le 24 février 2022, lorsqu’il lançait son opération militaire spéciale, était persuadé que c’était une affaire de trois jours, que l’invincible armée russe ne ferait qu’une bouchée de l’Ukraine et que toute la planète, « monde libre » compris, après avoir versé les quelques larmes de rigueur et condamné aussi vertueusement que verbalement l’agresseur à la tribune des Nations unies, s’inclinerait devant le veto de Moscou, l’abstention de Pékin et le fait accompli.

Les choses ne se sont pas passées comme prévu

L’Ukraine a résisté, les États membres de l’OTAN, avec la bénédiction et le soutien de la Maison-Blanche, ont fourni à Kiev l’aide technique, militaire et financière qui a permis aux Ukrainiens de ne pas être écrasés, sans leur donner la possibilité de vaincre, a interdit à la Russie de remporter la victoire, sans lui infliger la honte de la défaite, et ont trempé le gros orteil américano-européen dans l’eau glacée de la cobelligérance, sans aller jusqu’à y plonger. Résultat, à ce jour : autour d’un million de morts et de mutilés, et 20 % du territoire ukrainien aux mains de la Russie, qui devrait garder ou plutôt recouvrer la possession de la Crimée et du Donbass, aux termes des négociations que Moscou et Washington ont entamées et comptent apparemment mener à terme en écartant, autant que faire se pourra, de la table des pourparlers, du cessez-le-feu, de l’armistice et d’une hypothétique paix à venir aussi bien l’Ukraine meurtrie, ravagée, décimée, exsangue, que les quelque trente pays européens qui aimeraient avoir voix au chapitre. Mais la morale et la justice n’ont pas reçu, à ce jour, leur carte d’invitation. Ainsi va le monde, qui redécouvre ou feint de redécouvrir que les relations internationales sont soumises à des rapports de force qui piétinent allègrement les principes du droit. Comme à l’époque de Bismarck, de Napoléon, de Louis XIV, de Gengis Khan, de Jules César et de Ramsès II, trois mille ans avant la SDN et l’ONU. À moins que…

À moins que l’Europe, n’écoutant que son courage - qui, jusqu’à présent, lui a déconseillé de s’engager officiellement, entièrement et réellement dans la guerre, autrement dit d’accepter d’y payer le prix du sang et des larmes -, ne franchisse le pas et remplace, en substituant son aide à la leur, place pour place, euro pour dollar, sanction pour sanction, les États-Unis désormais défaillants. Sans hésiter à aller plus loin.

C’est ce que donneraient à croire, s’ils étaient suivis d’effet, les gesticulations, concertations, postures, propos, et engagements de principe qui se sont multipliés, ces derniers jours, entre les dirigeants civils et militaires de l’Union européenne et de quelques pays alliés. De cette suractivité où la France, en tout cas le chef de l’État qui parle en son nom, a joué incontestablement un rôle moteur, que retenir à ce jour, en quelques mots ?

Si menace russe il y a, ce n’est ni pour aujourd’hui ni pour demain

La machine de propagande qui s’est mise en marche a joué d’abord, avec une efficacité certaine, sur le registre éprouvé et classique de la peur. Comme en 1814, lorsque les chevaux des Cosaques (au fait, russes ou ukrainiens ?) s’abreuvaient dans la Seine, comme en 1981, lorsque les chars soviétiques étaient censés faire leur plein de carburant aux stations-service les plus proches des Champs-Élysées… l’ogre russe serait prêt, après avoir avalé l’Ukraine, à absorber les pays baltes, puis la Pologne, la Roumanie, puis l’Allemagne, puis la France, en attendant sans doute de régler leur compte aux États-Unis… Fable ridicule, et qui trouve des auditeurs crédules ! Comme si Poutine, atteint de maladie mentale, n’était pas le premier averti et le premier conscient des faiblesses, des lacunes, des vulnérabilités militaires, politiques, financières et démographiques de son armée, de sa société et de sa popularité. Comme s’il n’avait pas pris un soin extrême, depuis trois ans, à ne menacer, à ne provoquer, à ne chatouiller aucun des pays membres de l’OTAN, à ne répondre à aucune de leurs provocations ou de leurs ingérences… Si menace russe il y a, ce n’est ni pour aujourd’hui ni pour demain... Pas plus qu’une éventuelle menace européenne.

Car les experts occidentaux n’ont nullement caché que, même si les « puissances » européennes, excluant les États-Unis, adoptaient, lançaient et concrétisaient les plans de réarmement qui sont actuellement envisagés, ce n’est pas avant cinq à dix ans que l’on en verrait les effets. Voilà qui laisse du temps à M. Poutine et à ses successeurs, comme à M. Macron et aux siens, pour garder ou retrouver mesure, sang-froid et sens des réalités.

Littérature et imposture

En attendant, ce n’est qu’à un lointain prédécesseur de M. Macron, un certain Charles de Gaulle, homme de guerre et homme d’État, que la France doit d’être encore écoutée et considérée, en dépit de la paralysie de ses institutions, de la stagnation de son économie et de la médiocrité de ses dirigeants. La force de dissuasion, voulue et imposée par ce grand homme, nous préserve des agressions et pourrait étendre son ombrelle sur nos voisins européens. Tout le reste est littérature et imposture.

Ainsi de l’institution théâtrale d’une « économie de guerre » qui relègue au second plan les difficultés présentes et reporte sur les Présidents et les gouvernements à venir la reconstruction de notre économie, fragile, de notre société, malade… et de notre défense, squelettique. Ainsi de cette référence inédite à la patrie – en danger – et de cet appel solennel à la cohésion nationale qui a fait regagner quelques points, dans les sondages, au locataire mauvais payeur de l’Élysée. Ainsi, surtout, de ce climat de guerre, de cette atmosphère de guerre qui, préparant les médias et l’opinion à l’idée d’une guerre possible, probable, nécessaire, inévitable, fatale et bien sûr « patriotique », imposent la retenue, voire le silence et la censure à toute opposition. Emmanuel Macron, fidèle à lui-même, tente, avec succès dans l’immédiat, de greffer une grossière opération politicienne sur une crise qui nous rappelle, hélas, qu’il ne suffit pas qu’une situation soit dramatique pour que surgisse et s’impose le grand acteur qu’appelleraient les circonstances.

 

 

(1) Expression, aujourd’hui désuète, très populaire au lendemain de la guerre de 1870. À vos dictionnaires !

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Dominique Jamet
Journaliste et écrivain Président de l'UNC (Union nationale Citoyenne)

Vos commentaires

13 commentaires

  1. Ah bon le bouclier nucléaire français va nous protéger ? De quoi ? L ennemi n’est pas loin ni à nos portes, il est déjà installé dans nos murs !
    M Jamet vous avez l art de ne jamais voir l éléphant dans le rayon de porcelaine. Vous focalisez sur la rayure et oubliez l essentiel.

  2. Bla bla-bla-bla d’un Macronien sur le déclin …je me fiche de savoir à quelle sauce va être mangé zelenskiki , ce qui me fait peur pour mes enfants et petits enfants ce sont les victimes civiles massacrées en France depuis des années , et ce qui tombent comme à Gravelotte dans l’hexagone ce sont les coups de couteaux dans nos églises , nos écoles , nos banlieues, nos rues , nos salles de spectacles …mais forcément, certains n’y voit aucun danger , bien à l’abri qu’ils sont , et quand l’islam fera le nettoyage en France ils pourront dire .
    . » lisez mes papiers , articles , chroniques jamais je n’ai accusé Mahomet , je suis avec vous « 

  3. Les Etats-Unis sont devenus une fédération pour avoir une défense commune . Mais ils partaient d’une page blanche , des Etats tout neufs , sans passé , sans histoire . Une langue et une culture commune la langue anglaise dominante dans la population . Un système religieux commun , l’ensemble judéo-chrétien . Et à la fin pour verrouiller le tout , une monnaie commune le dollar et sa banque centrale .
    En Europe le chantier est différent , pour l’instant 27 Etats , avec des langues , des cultures , des histoires centenaires différentes . Il y a bien un système religieux commun , le système judéo-chrétien comme aux Etats-Unis , mais curieusement on en veut pas , refus d’inscrire la religion chrétienne dans la constitution européenne , quand on ne veut pas d’un ciment , c’est pour laisser la place à un autre , j’ai ma petite idée . Certains Etats européens ont constitué la zone euro avec sa monnaie commune l’euro . La défense existe déjà elle est de la compétence de chaque Etat , qui ont déjà une armée , deux Etats ont l’arme atomique , la France et l’Angleterre , mais cette dernière à un système de défense lié à celui des Etats-Unis .

  4. « C’est une question de survie de la grande civilisation nordique , à laquelle appartiennent les cultures russes , européennes et américaines , dans un contexte de pression démographique presque insoutenable de la part du Sud » Vladislav Sourkov acien conseiller de Vladimir Poutine .
    Et il faut entendre par Sud une autre grande civilisation qui fédère plusieurs cultures , la civilisation musulmane , qui depuis sa naissance au VII èm siècle, a bien l’intention d’anéantir la civilisation nordique , elle a échoué avec les armes , elle est en train de réussir avec l’immigration.

  5. La guerre entre les Russes et les Ukrainiens , est une guerre civile entre slaves de religions orthodoxe , unis par une histoire commune millénaire , pour le contrôle d’un territoire très riche sur le plan agricole et minier.

  6. Pour la France , le problème de la Russie et le problème de l’Algérie , sont liés .
    Si la Russie veut nuire à la France , inutile d’envoyer des troupes armées , il suffit qu’elle demande à l’Algérie, qui a des liens étroits avec elle depuis 1962, et qui a déjà 6 millions de personnes implantées chez nous avec l’immigration, d’ouvrir le robinet à migrants pour envoyer en France des milliers de migrants en provenance du continent africain , c’est moins cher qu’une guerre classique et plus efficace .

    L’ancienne dissuasion nucléaire a été remplacée par la dissuasion migratoire .

  7. Il s’agit bien d’une gesticulation théâtrale de la part du petit président à visée sondagière. Il y réussit mollement car depuis longtemps l’homme de l’Elysée a perdu toute crédibilité. Mais le théâtre international, lui, est bien tragique avec ses milliers de morts et de mutilés. Alors soyons moins prétentieux dans nos envies d’intervenir là où justement on ne nous attend pas. S’il y a une guerre en France qui ne dit pas son nom et que les « élites » s’acharnent à ne pas voir, c’est celle d’une guerre civile qui se prépare si rien n’est fait. Peu à peu, l’islamisme gagne du terrain. C’est un fait. S’il faut s’armer, c’est d’abord contre ce danger imminent. L’aveuglement à ne pas voir ce qui se passe juste sous notre nez, rend ridicule la volonté d’aller se mêler d’une guerre qui n’est pas la nôtre à plus de 2000km de la France. Je suis d’accord avec Monsieur Jamet. Jamais la Russie n’a eu l’intention de venir aux portes de nos pays européens et donc de la France. Une chose est sûre, Poutine ne veut pas de l’OTAN à ses frontières et s’il y a eu attaque d’un pays frère par la Russie, c’est que là encore nous nous sommes mêlés d’une affaire en poussant dans ses retranchements ledit pays qui nous avait pourtant mis en garde contre un encerclement atlantiste. Nous nous trouvons être, aujourd’hui, « Gros-Jean comme devant » puisque le principal responsable de cet encerclement, ce sont les Etats-Unis, eux-mêmes, qui ont décidé, après cela, de s’en laver les mains et de ne plus être pour nous ni protecteur, ni caution. Alors le vrai courage, c’est ici et maintenant.

  8. Il y a toujours dans l’opinion un fond de gens crédules et passifs qui sont sensibles à l’effet drapeau. Cependant cette fois ci, comme vous le dites, ce n’est pas crédible et notre président s’agite sans inquiéter vraiment. Autour de moi je ne rencontre que des gens qui ne sont pas dupes et qui au contraire se sentent plutôt soulagés de voir les efforts de paix initiés par Trump. Il y a 6 mois on craignait que la situation puisse dégénérer en guerre atomique, ce n’est plus le cas et les préoccupations se recentrent sur l’état de la France qui est désespérant.

  9. Ce qui est ridicule chez nous , c’est la communication , la mise en scène , le texte récité ou déclamé , puisque c’est un comédien qui nous gouverne depuis 2017 .
    On pourrait à partir du constat du retrait des Américains, dire qu’il faut qu’on les remplace, et que chaque pays renforce sa défense militaire puisque la défense est de la compétence de chaque pays de l’UE , et n’est pas une compétence de l’UE .
    Mais voilà , il y a des ambitions personnelles , quelqu’un qui travaille à devenir empereur à la place de l’impératrice de l’UE , pour préparer « son boulot de dans deux ans ».

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