[STRICTEMENT PERSONNEL] Foudre de guère

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Deux mille cinq cents ans avant l’ère de Coubertin, une règle, ou au moins un principe, acceptée par tous les participants aux Jeux olympiques (j’allais dire les vrais, ceux qui se déroulaient à Olympie) voulait qu’aussi longtemps que se déroulait l’Olympiade, les conflits incessants qui opposaient les cités grecques les unes aux autres fussent suspendus. Le progrès, où ce que nous appelons ainsi, est passé par là. Pendant les JO de Paris, la Terre a continué de mal tourner, ni la guerre en Ukraine, ni la guerre à Gaza n’ont connu de temps mort, si l’on ose dire. Quoi qu’il en soit, la France, les Français et même les professionnels de la politique épuisés par une longue suite de campagnes et de consultations électorales n’en ont que plus découvert, goûté et finalement adoré les quinze jours de ce que l’on a désigné à juste titre comme une « parenthèse enchantée ».

Des vacances bien occupées

La parenthèse refermée, chacun attendait que le président de la République règle le petit problème qu’il avait laissé pendant depuis le 7 juillet et que, conformément à l’exigence clairement formulée par la Constitution, selon laquelle il incombe au premier magistrat de France « d’assurer la continuité de l’État », il nomme au plus vite un Premier ministre et un gouvernement, habilités « à déterminer et à conduire la politique de la nation ». Il n’en a rien été. Il n’en est rien à l’heure où ces lignes sont écrites. Un brouillard persistant entoure les intentions et l’agenda d’Emmanuel Macron. Entre deux allers-retours de Brégançon à Paris et de Paris à Brégançon, une visite au roi Léon, un enlacement acrobatique de Teddy Riner et des félicitations enthousiastes aux champions et aux championnes invités à partager avec lui le mérite de leurs exploits, le chef de l’État n’a pas trouvé le temps de s’intéresser à des vétilles. Il lui a semblé plus urgent et plus important de commémorer le débarquement du 15 août 1944 en Provence, puis de célébrer la libération de Bormes-les-Mimosas. C’est tout juste s’il aura le temps, autour du 23 août, de rencontrer les leaders des différents partis politiques, puis de s’entretenir avec les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat. Peut-être aura-t-il, au passage, quelques instants pour s’intéresser à la mise au point du prochain budget, aux ressources à dégager pour combler le déficit actuellement prévu, voire à cette autre broutille qu’est la dette de 3.200 milliards, qui pèse actuellement sur la France, et aux sanctions que l’Union européenne menace de prendre contre notre pays. D’autres événements, d’une autre importance, sont probablement déjà inscrits dans l’agenda personnel du locataire de l’Élysée. Par exemple, le centième anniversaire de la mort d’Anatole France et du Manifeste du surréalisme, en octobre prochain. En novembre, l’hommage au maréchal Leclerc, libérateur de Strasbourg. Le 8 mai 2025, la commémoration de l’effondrement du IIIe Reich, et le 2 septembre, celle de la reddition du Japon. Sans oublier, bien entendu, l’annonce, dés juillet prochain, d’une nouvelle dissolution, aussi réfléchie, aussi rationnelle et aussi géniale que la précédente.

Une première pour la Ve République

Emmanuel Macron n’est pas le premier président de la Ve République à avoir eu maille à partir avec le suffrage universel. Il est le premier à ne pas en tirer les leçons.

S’estimant désavoué et donc délégitimé par le suffrage populaire, le général de Gaulle, en avril 1969, démissionna dans les heures qui suivirent son échec au référendum. Il lui avait manqué deux points pour obtenir la majorité. À deux reprises, François Mitterrand, mis en minorité par le peuple, se résigna à cohabiter avec une majorité de droite tout en parvenant à transformer sa défaite en demi-succès, puisqu’elle lui permit de délimiter face à Chirac, puis à Balladur, les frontières du fameux domaine réservé. Chirac lui-même accepta, pendant cinq ans, la prééminence du gouvernement socialiste de Lionel Jospin. François Hollande, enfin, au seul vu des sondages, évita d’aller vers une défaite assurée en 2017. Pour sa part, Emmanuel Macron, en l’espace de deux ans, en est à la quatrième claque reçue, au quatrième camouflet infligé par le corps électoral. Si le terme légal de son mandat reste fixé à 2027, il ne reste plus rien de la faible légitimité que lui avait conférée sa victoire de mai 2022, victoire qu’il ne devait pas à l’adhésion à sa personne, à sa politique, à son bilan ou à son programme, mais au rejet massif par les électeurs de gauche de sa concurrente. En mai 2022, les électeurs, en refusant de lui donner une majorité absolue, l’avaient déjà contraint à se traîner misérablement, pendant deux ans, de 49.3 en 49.3. En juin 2024, les européennes avaient relégué la candidate qui se réclamait de lui en deuxième position, à près de 20 points derrière Jordan Bardella. Un mois plus tard, en juillet dernier, seul « le barrage républicain » lui permettait de limiter les dégâts en ne faisant perdre à sa majorité relative qu’une centaine de sièges tout en la réduisant de minorité effective.

Le roi est nu

Napoléon disait, mêlant dans un langage cru admiration et mépris de son ministre des Affaires étrangères, le félon Talleyrand, que celui-ci était le seul homme qu’il connût dont on pouvait botter le train sans qu’il en parût rien sur sa physionomie. De même, rien n’indique dans le comportement, les propos, sur le visage ou dans les décisions du chef nominal de l’État qu’il ait pris conscience, en tout cas qu’il ait pris acte, des raclées successives qu’il a reçues et des conséquences que tout autre que lui en tirerait. Récusé sur sa droite comme sur sa gauche, par des oppositions par bonheur pour lui inconciliables, mais par malheur pour lui majoritaires, lâché, maudit et trahi à son tour par ceux qui hier se réclamaient de lui, Emmanuel Macron ignore ou feint d’ignorer (son cas passionnera les psychiatres) qu’il n’est plus maître des horloges, ni des pendules, ni des montres, ni des leviers, ni des manettes, ni d’ailleurs de rien. Face à la situation ahurissante qu’il a créée, il est le problème et il détient la seule solution qu'il n'envisage pas : son départ. Il est, désormais, un homme seul dont les propos, les gestes, les grimaces lassent la galerie qu’il croit encore occuper ou amuser. Le roi est nu, comme dans le conte d’Andersen, et affecte d’être le seul à ne pas le savoir. Comme au beau temps où il régnait seul sur l’Olympe, il lui arrive, sur le devant de la scène, de brandir encore des foudres en carton, des foudres de guère. Tel un Jupiter qui n’aurait pas inventé la foudre.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 17/08/2024 à 21:12.
Dominique Jamet
Dominique Jamet
Journaliste et écrivain Président de l'UNC (Union nationale Citoyenne)

Vos commentaires

31 commentaires

  1. Qu’ajouter à ce constat d’une cruelle vérité ? Sinon de souligner que le comportement de cet individu ne fait que nuire à l’avenir de notre pays, qui affronte de gravissimes problèmes dont sa Majesté semble se ficher éperdument : la dette abyssale, l’immigration incontrôlée, l’école en décomposition, le système hospitalier dans la détresse, pour ne citer que les plus évidents.

  2. Je ne comprends pas , que Marine Le Pen , accepte de se rendre à cette consultation , alors que tous ceux qui y accourent , chefs de partis pour certains , mais chef de gang pour LFI .
    Elle devrait s’abstenir ou y envoyer un représentant , un ou une technicienne de parquet par exemple.
    Le RN a été largement humilié et mis a l’écart voir au banc des pestiférés , elle doit rendre la monnaie .
    Mais je suis sûr qu’elle sera a 5 h du matin à la porte du 55 St honoré !

  3. En vérité et sauf à être sérieusement contrarié, limité, voire bloqué dans son action, Macron, qui a perdu la législative 2024, ne peut pas se permettre de nommer un premier ministre et un gouvernement de franche opposition (NFP, RN).
    En effet peu de Français savent que même si les pouvoirs d’un président français sont très étendus, les domaines où il décide de façon autonome et seul sont limitativement fixées à l’article 19 de la constitution que je vous invite à consulter. En dehors des 8 articles sur les compétences de matières énoncées à cet article 19, tous ses autres actes doivent être contresignés par le premier ministre de son bord politique ou d’opposition. Faute de contreseing du PM, un acte présidentiel est irrégulier.
    A titre d’exemple de blocage du chef de l’Etat, en décembre 1999 le PM Jospin a refusé de donner son contreseing au président Chirac qui voulait intervenir militairement en Côte d’ivoire pour sauver son ami le président Bédié renversé par le général Guéi. Cette opposition du PM socialiste a facilité l’avènement en 2000 de Laurent Gbagbo.
    On comprend que pour sa survie personnelle, Macron ne respecte pas le vote de juillet 2024 des Français, biaise et essaie de monter une coalition bâtarde, artificielle et chiffon de parterre aboutissant à un gouvernement complaisant et un premier ministre arrangeant qui ne lui mettra pas des bâtons dans les roues avec des refus de contreseing comme Jospin vis-à-vis de Chirac.

  4. En réalité Mitterrand réussit ses cohabitations car il avait contre lui Chirac qui le laissait manœuvrer lors de la première cohabitation. La deuxième fut plus difficile car Balladur s’en laissait moins compter. Mais Mitterrand s’en foutait puisqu’il savait qu’î ne se représenterait pas. En réalité si aucune majorité ne se dégage dans les jours qui suivent aucun premier ministre ne pourra gouverner. Et dans un an devant cette déconfiture Macron aura beau jeu de dissoudre en argumentant que c’est la seule solution pour en sortir.

  5. « Son cas passionnera les psychiatres ». Pas du tout. Il y a longtemps qu’ils ont porté un diagnostic, qui peut se résumer en psychopathe narcissique immature, et donc dangereux par nature.

    • en 2017, un célèbre Psychiatre italien avait déjà fait un examen comportemental de Macron le décrivant comme  » psychopathe narcissique  » bilan confirmé en 2022.

  6. Et comme je l’ai lu à propos de l’auteur du « Roi est nu », « l’hypothèse de l’homosexualité d’Andersen n’est pas dénuée de tout fondement ».

  7. Macron reste un comédien de très grand talent. Mais pour les Français, la comédie a assez duré. Pour les créanciers de la France elle est terminée et ils ne vont pas tarder à en faire un drame… et une tragédie pour les Français.

  8. merci pour cette diatribe qui a le mérite, comme chaque fois , M. Jamet, d’apporter le vrai avec succulence et humour….Hélas, ce sont les Français qui font et feront encore les frais de l’inaction de ce  » foudre de guère »….

  9. Comme un coq sur un tas de fumier, il parade, content de lui.
    A ce niveau, ca relève de la psychiatrie, c’est du lourd.

    • Il est content de lui à l’évidence. Mais il ne fait pas rien. Discrètement, il envoie des troupes françaises en Ukraine, il envoie notre argent (celui qui manque aux hopitaux) aux Nazi d’Ukraine, il soutient les génocidaire Netannyahou…Il se fait balader par quelques « indépendantistes » en Nouvelle Caledonie, qui vivent l’enfer depuis 3 mois, comme les voyous « français » l’an passé Il a détruit toutes les bonnes relations de la France avec l’Afrique..il a vendu l’argent de nos retraites et bientôt la SECUà Blackriock. Il va bientôt mmettre les deux mains dans nos économies pour « sauver la France »! Il achète les bons du trésor américain dont personne ne veut plus, bref il détruit il vole, la France..pour le grand plaisir de l’oncle SAM Et ça, c’est du boulot de pro!

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