[STRICTEMENT PERSONNEL] Habemus papy !

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Laurent Berger, Xavier Bertrand, Beaudet, Borloo, Castets, Cazeneuve, Lisnard, Migaud, etc. : cette suite ininterrompue d’entretiens d’embauche qui ne débouchaient sur aucun engagement, ce défilé incessant des locataires éventuels, possibles, potentiels, supposés ou hypothétiques de l’hôtel Matignon tenaient du théâtre d’ombres chinoises, de la présentation de mode, du tir forain, voire du tir aux pigeons, avec leur lot d’indiscrétions voulues, de pronostics erronés, d’informations confidentielles, de fuites organisées, de supputations byzantines et de tuyaux crevés.... Ça commençait à bien faire.

Macron, l’homme du « comme si »

C’est peu dire qu’écartelé entre consultations de pure forme, invitations protocolaires, rendez-vous plus ou moins discrets, Jeux olympiques, Jeux paralympiques, voyages à l’étranger et week-ends à Brégançon ou au Touquet, l’ex-maître des horloges, feu Jupiter, prenait son temps au-delà de toutes raisons, de toute décence, et au mépris de l’obligation qui lui est faite par la Constitution d’assurer la continuité de l’État. À croire que sa Rolex™ personnelle s’était arrêtée, la veille des élections européennes. Le président de la République était devenu ostentatoirement l’homme du « comme si ». Comme si après l’avoir réélu en mai 2022, par défaut plus que par adhésion, et plutôt par crainte de sa rivale que par amour de sa personne, les Français ne lui avaient pas infligé successivement trois claques monumentales le 9 juin, le 30 juin puis le 7 juillet. Comme si 70 % des Français n’avaient pas fait connaître leur hostilité à sa réforme des retraites, grande œuvre du second quinquennat. Comme si le bloc fissuré de ses soutiens à l’Assemblée nationale n’avait pas fondu au fil du temps en passant de la majorité absolue à la majorité relative puis à la minorité effective. Comme si un gouvernement démissionnaire pouvait indéfiniment rester en fonction. Comme si la loi et l’usage n’imposaient pas de soumettre le budget mensonger de 2025 aux représentants du peuple élus lors des dernières législatives. Comme si la dissolution, cette arme prétendument absolue à la disposition de l’exécutif, ne s’était pas avérée une pétoire à un coup qui, de surcroît, par un effet de boomerang, lui avait explosé au visage.

Le chef de l’État vivait-il décidément dans un monde parallèle ? S’il était conscient de son impopularité et de son impuissance, rien ne manifestait dans son comportement ou ses interventions publiques qu’il eût compris la leçon et résolu d’en tirer les conséquences. Alors que trois mois s’étaient écoulés depuis la Bérézina du 9 juin, et près de deux mois depuis le Trafalgar du 7 juillet, ce délai, en dépit de ses profondes réflexions et de son inlassable activité, ne lui avait permis de dégager aucune option qui convenait - entendez, par là, qui lui convenait. Pourtant, passée la fameuse parenthèse enchantée des Jeux olympiques et en dépit de l’intérêt croissant pour les Jeux paralympiques, à la veille de la rentrée scolaire et sociale, l’immobilisme macronien suscitait une incompréhension grandissante qui tendait chez les uns à la colère, chez les autres à l’inquiétude.

Un cheval de retour ?

Coup de théâtre. Une fumée blanche est soudain sortie, ce jeudi en fin de matinée, des cheminées de l’Élysée. Habemus papy. À soixante-treize ans, c’est à Michel Barnier qu’incombe donc la lourde tâche de symboliser le renouveau, le dynamisme, le rajeunissement, la modernité, la révolution en marche, bref, tout ce qu’incarnait Emmanuel Macron lorsque – coup d’essai et coup de maître – le jeune et ambitieux poulain de François Hollande fut élu pour un premier mandat présidentiel. Dans l’immédiat, il revient à Michel Barnier de former un gouvernement, puis d’affronter un Hémicycle a priori réticent ou hostile. Avec succès ? Ce n’est pas impossible.

La désignation de monsieur Barnier m’a rappelé un proverbe espagnol : « Muchos enemigos, mucho honor! » (s’être fait beaucoup d’ennemis, c’est un grand honneur). Entré en politique, il y a plus d’un demi-siècle, conseiller général de Savoie dès 1973, député pour la première fois en 1978, plusieurs fois ministre et ayant toujours pris soin de laisser, à l’issue de ses différentes missions, les lieux aussi propres qu’il les avait trouvés en entrant, commissaire européen et, à ce titre, fervent défenseur de l’UE, lors du Brexit, Michel Barnier est un homme sans ennemi. Ce que l’on peut considérer comme un point positif chez un homme privé et qui n’est pas si fréquent au terme d’une longue carrière politique. Après tout, que demande-t-on d’autre à l’eau que d’être incolore, inodore, et insipide ? Michel Barnier, de l’avis de la plupart des spécialistes de la politique française et européenne, n’en est pas moins un honnête homme et un brave homme. Ce qui ne court pas les rues dans le paysage politique.

Je ne sais pourquoi, un mot fameux de Winston Churchill m’est également revenu à l’esprit. Remplacé dès 1945 par le leader travailliste Clement Attlee et ulcéré par l’ingratitude de ses compatriotes, le vieux lion britannique raillait volontiers son successeur : « Un taxi vide s’arrête, disait-il, et Monsieur Atlee en descend. » C’était cruel et, de surcroît, injuste. Tout le mal que l’on souhaite à Michel Barnier, à l’occasion d’une promotion aussi prestigieuse que tardive, c’est de se révéler à Matignon, s’il en a le temps, l’homme d’État dont des millions de Français vont enfin découvrir l’envergure et, pour certains d’entre eux, tout simplement l’existence.

Dominique Jamet
Dominique Jamet
Journaliste et écrivain Président de l'UNC (Union nationale Citoyenne)

Vos commentaires

25 commentaires

    • Désolé, mais il avait des postes à pouvoir dans le passé et il n’en a rien fait comme bien d’autres. Alors attendre alors que le train est depuis bien longtemps passé ? En attendant nous avons le certitude qu’il nous coûtera un maximum.

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