[STRICTEMENT PERSONNEL] Introduction à la vie des votes

Dominique Jamet

« Aujourd’hui côte à côte, demain face à face » ? Avouons-le sans fard, il y a des jours, à la lecture de tel fait divers particulièrement sordide, de telle enquête sur le chaudron bouillonnant des « quartiers populaires » et leur inféodation croissante au crime organisé, ou encore devant le développement et le déferlement, à la première occasion, du désordre, du vandalisme, du saccage, du pillage, de l’émeute, de la destruction des écoles, des médiathèques, des gymnases et des bâtiments administratifs, dans la fumée blanche des grenades lacrymogènes et la fumée noire des incendies, où l’ombre de Gérard Collomb et de ses paroles prophétiques semble planer sur l’actualité et préfigurer un avenir pour notre pays et sa démocratie.

Autant la vigilance s’impose face à la montée spectaculaire de divers types de délinquance criminelle, de tension sociale ou de violence politique, autant l’état de notre société et l’inadaptation, la faiblesse, l’insuffisance des réponses qu’apportent à nombre de problèmes d’ordre public ou d’ordre matériel ceux qui se disent nos dirigeants alimentent un besoin accru d’autorité et une demande croissante de répression, autant la lucidité et le sens des proportions qu’apportent la connaissance et la prise en compte de notre Histoire et de l’Histoire en général nous conduisent à relativiser la sensation que nous avons parfois, un peu vite, de vivre une période de violence omniprésente et de chaos généralisé. Il s’en faut de beaucoup. Heureusement. Mais les bientôt soixante-dix ans de stabilité institutionnelle et les quelque soixante-deux ans de paix internationale que nous avons vécus nous avaient déshabitués, et c’est fort bien ainsi, des niveaux d’inquiétude, d’angoisse et de peur, aussi bien vis-à-vis des périls venus de l’extérieur que des menaces internes qu’ont connus, traversés et finalement surmontés nos ancêtres et nos aînés.

Quelques (mauvais) souvenirs du XXe siècle

A-t-on, en France, la moindre idée, le moindre souvenir, la moindre notion de ce que furent, de l’autre côté du Rhin, avant la prise de pouvoir « légale » par Adolf Hitler et son parti nazi, les deux années d’agonie de la République de Weimar, quand les affrontements quotidiens entre les milices fanatiques et armées du KPD et du NSDAP, chemises rouges contre chemises brunes, matraques, couteaux et revolvers brandis dans les deux camps, couchaient deux mille morts sur le pavé ?

Sait-on encore que, de l’autre côté des Pyrénées, après la victoire historique du Front populaire, les rixes entre nationalistes et antifascistes firent, entre février et juin 1936, près de quatre cents morts ? Que le 12 juillet de la même année, Dolores Ibárruri alias la Pasionaria, en réponse à un discours passionné, lui aussi, de Jose Calvo Sotelo devant les Cortes, s’écria : « Cet homme a parlé pour la dernière fois ! » et que, de fait, le meurtre, par un garde d’assaut républicain, du leader monarchiste fut le point de départ de la guerre civile et de ses cinq cent mille morts.

A-t-on oublié ce qu’était l’atmosphère de la France en 1934, après que le 6 février, sur la place de la Concorde, envahie par une foule mêlant fraternellement gauche et droite, la répression de l’émeute par la garde mobile eut fait dix-neuf victimes auxquelles vinrent s’ajouter, trois jours plus tard, une dizaine de morts, cette fois tous de gauche ? D’où la grande manifestation unitaire du 12, à l’origine du Front populaire (l’original, pas sa copie).

La paix de l'isoloir

Nous n’en sommes pas là. Certes, depuis que dans la soirée du 9 juin dernier, le Président Macron, à la surprise générale, a décidé de donner la parole au peuple, au risque de s’en mordre les doigts, des manifestations quotidiennes ont regroupé, sous les bannières de la gauche unie, les militants de ses quatre obédiences. Au-delà des slogans, des discours et des outrances, rien ne permet de croire, rien ne donne à croire que ce dimanche, le peuple et ceux qui parlent en son nom aient l’intention de contester la légitimité de la réponse que le peuple, dans son ensemble, donnera aux trois questions qui lui sont posées : 1) Maintenez-vous ou rendez-vous votre soutien au chef de l’État et aux partis qui le représentent ? 2) Préférez-vous donner le pouvoir aux candidats du Nouveau Front populaire ? 3) Souhaitez-vous offrir leur chance au Rassemblement national et à ses alliés ?

Faut-il le rappeler ? Oui. Le vote est l’arme absolue, mais non létale, que la République et la démocratie mettent dans les mains de tous les citoyens qui ne refusent pas de l’utiliser. L’isoloir est l’espace secret et sacré à l’intérieur duquel chaque citoyen est libre de son choix, donc de ses préférences et de ses rejets, en l’absence de toute pression, de toute menace et de toute tentative illicite de séduction. Au-delà et en dehors des manifestations, des débats, des outrances, des violences… et des sondages, le résultat des élections est et demeure la seule voie légale, pacifique et incontestable ouverte à la libre expression de la volonté du peuple souverain.

Dominique Jamet
Dominique Jamet
Journaliste et écrivain Président de l'UNC (Union nationale Citoyenne)

Vos commentaires

23 commentaires

  1. Le vote, expression de la démocratie, vraiment ? Comme Etienne Chouard, je pense qu’il faut distinguer le vote de l’élection. Or, nous avons voté pour la dernière fois en 2005. Et encore, faut-il le rappeler, notre vote sans aucune ambiguïté fut jeté à la poubelle par Sarkozy.
    Est-ce de la démocratie de déléguer ses pouvoirs à un élu qui en fera ce qu’il veut, sans aucun contrôle ?
    Non, vraiment, il faut être bien naïf pour croire que le 30 juin nous allons choisir notre destin.

  2. Certes, l’isoloir est l’espace secret, où chaque citoyen s’exprime. Mais, dans une démocratie digne de ce nom, si la presse se doit d’être plurielle celle de service-public se doit d’être indépendante. Nous en sommes loin et la précipitation avec laquelle a été lancée cette consultation pour les législatives est indigne d’une nation qui s’évertue à distribuer des leçons de démocratie au monde entier.

  3.  » le résultat des élections est et demeure la seule voie légale, pacifique et incontestable ouverte à la libre expression de la volonté du peuple souverain. » C’est pour cela qu’il serait étonnant que notre régime totalitaire-soft accepte ce constat sans broncher. Il est plus que probable qu’il se ramènera au principe éternel de Staline : « ce n’est pas celui qui vote qui compte, mais celui qui dépouille les votes… »

  4. Une fois de plus ma nationalité française me pèse , la nationalité britannique me conviendrait en ce moment , afin de m’en aller voter pour le néo labour ou pour Reform UK .

  5. Je me souviens de 81 et des personnes voulant quitter la France à cause du péril rouge qui arrivait. Nous avons vu le résultat. Des soubresauts politiques notre pays a t’en connut, et bien plus terrifiant, comme espérerait par l’extrême gauche, et leurs factions anarchistes révolutionnaires. Mais en fait que craignent ils tous ces thuriféraires moralisateurs de gauche du centre et d’une certaine droite ? L’arrivé au pouvoir d’un soit disant parti fasciste, que serait selon eux le rassemblement national ? Ou plutôt l’effondrement définitif, en cas de réussite probable de son programme politique, de leurs deux seuls réflexes et arguments depuis 40 ans à savoir la calomnie et surtout la Peur ! Nous vivons une époque formidable que je déserterais de connaître de mon vivant..

  6. Je regrette l’absence de Dominique Jamet sur Cnew. J’espère qu’il reviendra sur sa décision à la rentrée

  7. En France, la démocratie devient de plus en plus une illusion, une publicité mensongère :
    – il suffit de voir comment sont traitées les interventions ou les dérapages dans les médias : CNews ciblé par l’Arcom pour un pet de mouche alors que les médias publics peuvent déraper continuellement sans jamais être inquiétés
    – il suffit de voir Darmanin qui dissout 3 associations prétendument d’extrême droite, dont j’aimerais bien connaître les crimes motivant cette décision, pendant que LFI braille la police tue, son dirigeant trouve rigolo le slogan « un policier mort une voix de moins pour le RN », etc. Mais là pas de poursuite, et on ne dissout pas. Mais Zemmour a été traîné en justice pour des propos bien moins haineux et moins ambigus que cela.
    – Les syndicats, dont celui de la magistrature qui devrait être exemplaire, utilisent l’argent des subventions versées pour défendre les salariés pour soutenir et manifester pour des partis politiques : pas de poursuite pour détournement de fond d’argent public ? Comment se fait-il que Fillon aura été mis en examen en quelques minutes avant les présidentielles de 2022 ?
    – Fabius à la tête du conseil constitutionnel, son fils exerce des fonctions importantes chez Mackinsey ; Mackinsey a des contrats mirobolants avec le gouvernement : pas de conflits d’intérêts là ?
    – Etc.

  8.  » chaque citoyen est libre de son choix « , sauf que le matraquage et lavage de cerveau organisés contre un certain parti fait que « le citoyen » au subconscient ramolli par la propagande a déjà choisi, avant même d’être isolé dans …. l’isoloir !!

  9. Faut y croire car quand la bande a Sarko n’est pas satisfaite du résultat, on vote entre soi et on décide ce qu’on veut. Et nous, on va continuer à en pâtir avec vdl reconduite.

    • Vert100, je ne vois pas pourquoi on prendrait en compte le vote blanc car dans tous les partis,il y en a forcément un qui se rapproche plus ou moins des convictions de celui qui vote ainsi,et donner autant de valeur à quelqu’un qui n’a pas d’avis finalement serait injuste vis-à-vis de ceux qui ont le courage de donner un réel avis. C’est trop facile de réclamer quand on a décidé en son âme et conscience de ne prendre aucune responsabilité tout comme les abstentionnistes, à la seule différence qu’ils se déplacent.

      • Vous auriez raison si l’on pouvait réfuter l’idée que voter blanc n’est pas l’expression d’un choix et donc d’un avis. Exprimer le fait que rien dans l’offre politique proposée ne convient c’est faire le choix de ne pas voter par défaut en offrant sa voix au « moins pire » de tous. En excluant le vote blanc des résultats comptabilisés, on permet artificiellement à certaines personnes dont personne ne veut d’être élues. C’est sans doute grâce à ça que la médiocrité s’est installée au pouvoir et à cause de ça que l’abstention est à son niveau d’aujourd’hui.

      • Pas forcément de rapprochements, non, entre deux candidats ont peux n’être d’accord ni avec l’un ni l’autre, alors est il raisonnable de voter pour le moins pire.

      • Alors utilisons le vote total et surtout ce qu’il représente au niveau général de ce qu’il représente ! … Je m’explique :
        Sur 200 personnes, seulement 100 « votent » dont 50 disent je me prononce « pour personne » …
        Sur les 50 « exprimés » l’un des candidats reçois 11 votes et se trouve être « en tête » des « élections » ! … Le résultat annonce qu’il est majoritaire ! ? … LOL …

  10. « … le résultat des élections est et demeure la seule voie légale, pacifique et incontestable ouverte à la libre expression de la volonté du peuple souverain. » Quelle bonne blague ! Le referendum de 2005 et le traité de Lisbonne de 2008 ne sont pourtant pas si loin pour que puisse être oubliée cette forfaiture ayant transformé en chiffon la volonté clairement exprimée du peuple. La démocratie, aussi bien pour le pouvoir que pour certaines formations politiques, c’est seulement quand le peuple vote bien, au sens où ils l’entendent, bien-sûr.

    • Sans parler de l’espèce de « droit de veto politique » que s’arrogent les conseils constitutionnel et d’état…

  11. « … le Président Macron, à la surprise générale, a décidé de donner la parole au peuple… » Ne nous méprenons pas. Ce type méprise le peuple et ne manquerait pour rien au monde une occasion de l’insulter ou de l’accabler. Si la dissolution revient en effet à donner la parole au peuple, l’intention du Machiavel en carton est bien évidemment ailleurs. Ces législatives anticipées ne sont pour lui qu’un moyen de créer une crise politique dont il persuadé de tirer avantage. Toutefois, les 7 années qui viennent de s’écouler ont démontré que rien ne se passe jamais comme l’a voulu ce type trop souvent présenté comme supérieurement intelligent.

    • Espérons qu’une fois de plus Macron se soit trompé. Mais l’hystérique agitation dans certains milieux universitaires, sportifs, « culturels », mediatiques, associatifs et bien sûr politiques risque d’influencer bien des braves gens…

  12. Le problème est que le vote blanc n’est pas pris en compte.
    Une majorité de vote blanc n’implique pas un nouveau tour électoral

    • En théorie mais on a vu ce que cela a donné avec les dernières élections des députés Européens, Rien n’a changé et toute cette racaille politique nous a bien enflé et ignoré. Cela s’est déjà passé en France là ou les Républicains ont enflé la population et cela va se reproduire une fois de plus. Par ailleurs, Blanc, nul ou abstention ne veut rien dire pour les Républicains démocrate ! Cette racaille politique est comme les services publics beaucoup trop boulimique parce que trop engraissé par des fonds publics depuis que la démocratie Républicaine a fait passer l’idée ou plutôt l’arnaque que « la Démocratie a un coût », depuis l’argent public coule a flots entre leurs poches.

  13.  » Souhaitez-vous offrir leur chance au Rassemblement national et à ses alliés ?  » C’est ce que nous allons faire , leur donner une chance et prier qu’ils ne nous déçoivent pas comme tant d’autres avant eux .

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