[STRICTEMENT PERSONNEL] Le fauteur de paix

Donald Trump, un cynique, un goujat, une brute, mais qui cherche cependant à imposer la paix.
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Pauvres « poilus », pauvres pigeons ! Dans leur naïveté, les rescapés qui sortaient, en plus ou moins bon état, mais au moins vivants, de quatre années d’enfer croyaient, ou voulaient croire, d’un côté comme de l’autre, lorsque sonnèrent enfin, le 11 novembre 1918, les clairons de l’armistice, mettant fin à ce que l’on appela pendant les vingt ans qui suivirent « la Grande Guerre », qu’ils avaient participé à « la Der des Ders ».

Grande illusion qui se brisa sur les écueils de la réalité, au fur et à mesure que le succès et la contagion du fascisme et du nazisme, d’une part, la séduction et l’imposture du bolchevisme, d’autre part, faisaient voler en éclats, avec les pactes de bonne volonté négociés par Aristide Briand, et en dépit de ses adjurations pathétiques (« Arrière les fusils, les mitrailleuses, les canons ! »), le rêve d’une Société des nations.

Rétrospectivement, la guerre de 14-18, malgré un bilan, honorable, de vingt millions de morts, fait aujourd’hui figure de modeste ébauche en regard de celle qui, vingt ans plus tard, devait lui succéder et, après avoir fait entre soixante et quatre-vingt millions de victimes, se terminer sur ce que l’on peut considérer (au choix) comme une apothéose ou une apocalypse, Hiroshima, Nagasaki et les deux cent mille civils japonais rayés le temps de deux éclairs du monde des vivants.

La crainte d'un nouveau cataclysme

Le souvenir du cataclysme, la crainte de sa répétition, dans un format encore plus grand, ont pendant quelques décennies relativement contenu la propension naturelle de l’espèce dite humaine à s’entretuer et limité jusqu’ici les innombrables conflits intervenus à l’emploi des outils de mort dits « conventionnels ». Même les guerres de Corée et du Vietnam, en dépit de leur durée et de leur violence, sont loin d’avoir atteint les scores enregistrés entre 1914 et 1918 ou de 1939 à 1945. Cependant, la crainte ne cesse de grandir que l’on voie l’homme, comme il l’a fait au long de son histoire, recourir sans discernement à toutes les armes dont il dispose, quels que soient leurs dégâts. Les derniers développements de la guerre en Ukraine ne peuvent qu’aviver cette crainte. Le temps et le renouvellement des générations (les derniers survivants de la Deuxième Guerre mondiale savent ce qu’est une guerre ; leurs héritiers, pour la plupart, n’en connaissent que la version édulcorée qu’en donnent la télévision et le cinéma), en affaiblissant le souvenir du désastre, ont contribué, comme nous avons pu le constater ces derniers mois, à éroder puis à ruiner et à disqualifier les structures que les vainqueurs de 1945 avaient fondées, à savoir l’ONU et son Conseil de sécurité, dans le vain espoir de ne pas reconstituer la situation qui avait débouché sur la Deuxième Guerre mondiale.

On laissera aux historiens du futur (si futur il y a) le soin de rechercher les origines et les responsables de la guerre déclenchée par la Russie, le 24 février 2022. S’il n’est pas douteux que Poutine fut l’agresseur, ils partageront les torts plus équitablement que ne le font nos médias et nos dirigeants entre le maître du Kremlin, les Ukrainiens et l’Occident. Étant donné ce que sont, depuis mille ans, les relations difficiles, orageuses, belliqueuses mais également religieuses, culturelles, politiques et biologiques entre ce que l’on appelait autrefois les Grands-Russes et leurs frères slaves, on devrait comprendre que la récente amputation d’une partie historiquement constituante de son territoire est quelque chose d’aussi douloureux à l’échelle de l’Empire russe que le fut, pour la France, la perte de l’Alsace-Moselle en 1871. Le patriotisme, le nationalisme, le désir de récupérer la province perdue ne sont pas différents chez le président russe de ce qu’ils étaient chez Poincaré, Clemenceau ou Barrès. Ils ne pouvaient qu’être condamnés dans un monde qui n’est plus le même et qui prétend, alors qu’il est toujours dominé par la ruse et la force, n’être régi que par le droit international et celui des peuples à disposer d’eux-mêmes.

Qui aurait prédit, il y a trois ans, que la guerre d’Ukraine durerait encore trois ans plus tard et que la Russie serait privée de la victoire facile qu’elle escomptait par l’intervention massive des pays de l’Union européenne, des États membres de l’OTAN, et notamment des États-Unis ? Sans donner à l’Ukraine les moyens de vaincre, cette assistance lui a permis de résister. Sans aller jusqu’à empêcher la Russie de remettre la main sur les portions de l’Ukraine qu’elle estimait lui appartenir, elle l’a jusqu’à présent empêchée d’aller plus loin et de triompher de la résistance héroïque d’un peuple galvanisé par un président-comédien devenu un héros national.

L’élection de Donald Trump et sa volonté d’arrêter l’effusion de sang et de désengager son pays du bourbier où son prédécesseur démocrate l’avait enlisé a, du jour au lendemain, changé la donne. Le traitement que le nouveau président de la première puissance mondiale a infligé au malheureux Volodimyr Zelensky est indigne et a légitimement indigné le monde, mais certains donneurs de leçons et professeurs de morale surjouent l’indignation.

Un instant de paix ?

Donald Trump s’est révélé, sous les yeux du monde stupéfait, fidèle et égal à lui-même. À ses promesses. À son image. À sa méthode. Un cynique, un goujat, un brutal, pour ne pas dire une brute. En même temps, la seule personne au monde à la fois capable et désireuse d’arrêter le carnage, de proposer à la Russie une solution honorable qui lui permettrait de réintégrer le concert des nations en la libérant de l’influence chinoise et d’imposer à l’Ukraine exsangue, sacrifiée sur l’autel de la paix, une paix humiliante qui la sauverait de l’anéantissement. Pas trace de sentiment dans le marché proposé aux belligérants. L’Amérique de Trump n’est plus celle qui intervenait bénévolement aux côtés des démocraties en 1917. Moins, encore, celle qui, après sa victoire de 1945, finançait la reconstruction de l’Europe qu’elle avait surabondamment bombardée. Elle entend, ô scandale, se faire payer à proportion des services qu’elle a rendus et mettre chacun devant ses responsabilités et en face de la réalité.

Les actuels dirigeants de l’Europe, si le terme de « dirigeants » est bien le bon, n’ont pas manqué de stigmatiser, au nom de la vertu et des bonnes manières, le fauteur de paix. Émerveillés de leur propre courage, cherchant dans la surenchère la popularité qui leur manque, prisonniers de leurs rodomontades et, pour certains, croyant compenser par l’injure, la menace et la caricature leur manque de crédibilité, ils se lancent et nous lancent sur une voie aussi dangereuse à terme qu’irréaliste dans l’immédiat. Au moment même où Trump veut et va vers l’apaisement, les vingt-sept, ou la plupart des vingt-sept, entraînés par M. Macron et Mme von der Leyen, le premier espérant retrouver une légitimité perdue, la seconde s’arrogeant une légitimité que ne lui confère aucun texte, sont sommés de se rallier à une politique dite d’économie de guerre dont ils n’ont pas les moyens, dont ne veulent pas les peuples et qui est supposée nous permettre de faire jeu égal avec la Russie, à la roulette atomique et sur le champ de bataille conventionnel d’ici cinq à dix ans, au prix du marasme économique et de la tension internationale. C’est ce qu’on appelait, à la veille de la Première Guerre mondiale et dans les années 1930, applaudie par les « marchands de canons », les militaires, les experts, les philosophes du petit écran et les foudres de guerre, la course aux armements. Nous savons à quoi elle a mené, nous devinons où elle nous mènerait. En attendant le pire, devons-nous nous satisfaire du sursis de cinq à dix ans qui nous est accordé ? Un instant de paix, disait Giraudoux dans La guerre de Troie n’aura pas lieu, c’est toujours bon à prendre.

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Dominique Jamet
Journaliste et écrivain Président de l'UNC (Union nationale Citoyenne)

Vos commentaires

131 commentaires

  1. Ayant le privilège d’avoir commencé à aller à l’école vers la fin de la guerre de 39-45, et d’avoir l’âge d’avoir connu la guerre d’Algérie, je peux vous assurer qu’il n’y a rien de marrant dans la guerre contrairement à ce semble penser Macron.

  2. « Un cynique, gougeat, un brutal « .
    Pourquoi de tels qualificatifs pour un homme qui jette la vérité à la figure ? L’Amérique nous avait habitué à plus de fourberie, en prétendant nous avoir sauvés en 1918 et en 1945 très généreusement pour l’amour de la démocratie et de la liberté. Ce sont ces deux guerre qui ont permis aux USA d’avoir dominé le monde jusqu’ici avec les pires méthodes de la CIA. Le plan Marshall ne procédait pas vraiment de la générosité pure !
    Trump dérange. Il nous secoue, il nous réveille. Ce n’est pas agréable d’entendre la vérité : les États n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts. Les USA ont créé l’Union Européenne pour la dominer, comme une colonie, en la pillant et en y imposant leur civilisation. Aujourd’hui, l’EU est vaincu et épuisé. L’intérêt des USA est en Asie. Nous devrions prendre des leçons de Trump, au lieu de le mépriser par de tels adjectifs pour nous dédouaner du saccage de l’Europe et de la France que nous avons permis depuis 60 ans par manque de générosité, par incompétence et manque de respect de la vérité de nos dirigeants.
    Qui se lèvera pour rendre à la France, non pas sa grandeur perdue, mais simplement son identité ?

    P

  3. Encore du Jamet qui ose traiter Trump de tous les noms d’oiseaux. La grande différence Mr Jamet est que lui, il en a et que face à des menteurs, voleurs, incompétents il faut secouer le cocotier pour que ces véroles qui nous pourrissent la vie tombent une bonne fois pour toute. Bravo Mr Trump trop intelligent pour ces pleutres.

  4. Le seul objectif que devrait avoir tout politique est d’arrêter la guerre ! Hors jusqu’à présent, aucun ne l’avait ! Trump est l’homme de la situation ! Cet article, comme tout le monde occidental, oublie toujours les raiosns pour lesquels les Poutine a lancé sa guerre. Et pourtant, elles sont nombreuses : la guerre du Donbass, le traité de Minsk, et le traité que l’ukraine et la Russie s’apprêtait à signer au début de la guerre et que l’anglais Boris Johnson a fait capoter ! J’aimerais bien qu’un jour quelqu’un fasse un article sur ce sujet.

  5. Je me suis toujours dit que je suis né pendant la guerre 39/45 et que je mourrai dans une autre guerre mondiale. Je m’explique, né en début février 1942, je me souviens des bombardement sur Alger, je decouvris les bananes séchées en 1950. Le Vietnam en guerre fin de cette guerre en 1954, le 1er novembre 54 la guerre d’Algérie débute ( événements d’Algérie) se termine le 5/07/1962. Le débarquement sur le canal de Suez 1956 français, anglais, et israélien. Les américains et les russes nous demandent d’arrêter. Sans parler de la guerre américaine sur 38 ieme parallèle, pas fini depuis 1955. Puis kadafi, l’Iran , l’Iraque, et les guerres successives avec l’Israël et ses voisins depuis + de60 ans. Toutes les guerres larvées en Indonésie. L’indépendance des Pays sateliques de l’URSS. Les guerres qui ne disent pas leurs noms, mais qui existent en Amériques du sud . Les maldives avec l’Argentine et les Anglais. L’Afrique du Sud, etc… ce qui surprenant, c’est cette Europe dirigé par des jeunots qui non pas connus la guerre, et sont décidés à vous entraîner dans une guerre, alors qu’eux en seront exemptés. Armons et partez,

  6. Trump ne veut pas la paix en Ukraine, il veut faire gagner la russie pour faire du business avec elle et s’approprier les terres rares ukrainiennes. Il est étonnant que de soit disant patriote en pincent pour Trump qui s’associe à la Russie et donc ses alliés Corée du nord, Chine, Iran et tourne le dos à ses alliés et leur mène une guerre commerciale, idéologique, voir bientôt militaire, annexion du Canada, Groenland, dénigrement de l’Europe et de la France. En bref un taré dangereux pour le monde mais aussi pour son pays comme lors de l’attaque du Capitole

    • Si il veut la Paix . C’est d’ailleurs ce qui dérange toutes les grosses entreprises d’armes.

    • Nous n’avons pas voulu faire d’alliance avec la Russie comme le désirait de de Gaulle, nous récoltons ce que nous avons semé ! Nous avons été les dindons de la farce . Nous avons affaire à des ignares et on ne va pas reprocher à Trump de faire du business avec la Russie !

  7. « Infligé au malheureux Zelensky » s’il avait été moins agressif , il aurait évité une humiliation. Je n’adhère pas du tout à cette analyse simpliste concernant le conflit russo-ukrainien. N’oublions pas non plus que les Russes ont donné aussi leur vie pendant la deuxième guerre mondiale et surtout le sort qui les attendait à leur retour au pays dirigé par la dictature communiste, sans eux les Américains ne seraient pas intervenus ! Deuxio, l’Europe porte une grande part de responsabilité dans le conflit russo-ukrainien, remonter aux origines , Poutine n’a fait que défendre les russes maltraités dans le Donbass, il n’a pu aller jusqu’à Kiev mais face à 27 pays , leurs armes ils n’ont pas réussi à écraser la Russie, j’en assez de ces raisonnements manichéens agresseur-agressé ! J’ai vu sur une video de YT, supprimée depuis, des soldats ukrainiens jeter à terre des soldats russes ligotés et leur tirer une balle dans les genoux !
    Macron qui veut « jouer au guerrier » , qu’il y aille ainsi que tous ces députés donner leur sang pour ce pays , dans son débile discours , il ne prononce jamais le mot paix!
    Alors oui, Trump peut être brutal, grossier, cynique mais non seulement il veut mettre fin à la guerre mais aussi épargner des vies humaines et remet son pays à l’endroit ! ce qui ne semble pas préoccuper nos têtes de noeuds
    Je ne veux pas que le sang de nos soldats soit versé pour un conflit qui ne nous concerne pas. Vance avait tout à fait raison que l’ennemi n’est pas à l’extérieur mais à l’intérieur, en effet, nous avons une guerre à mener c’est celle de l’islamisme qui gangrène notre pays

  8. Très intéressant votre parallèle avec la situation de l’Alsace Lorraine en 1914. Article à conserver !

  9. Excellente analyse !
    L’Europe se satisfait d’alimenter une guerre avec le soutient des USA, et soudain elle découvre que lauriers d’une paix entre les antagonistes vont revenir au terrible Donald Trump !
    Rébellion de papier pour l’EU, où chacun fait jouer son égo bafoué, mais l’histoire retiendra sans doute qu’au moment où un faiseur de paix se faisait jour, les européistes se comportaient en faiseurs de guerre au risque de ruiner profondément les nations européenne…

  10. Trump fait du Trump, il faut s’y faire, et si sa brutalité et son cynisme permettent de faire cesser la guerre, c’est tout ce qui compte. Il a le courage que beaucoup d’autres n’ont pas. J’ai presqu’envie de dire « suivez mon regard » !

    • Tout à fait. Préserver des vies humaines n’est pas le souci de nos deux têtes de noeud macron et van der Leyen

  11. La seule phrase que je « retiens » est celle ci : « C’est ce qu’on appelait, à la veille de la Première Guerre mondiale et dans les années 1930, applaudie par les « marchands de canons », les militaires, les experts, les philosophes du petit écran et les foudres de guerre, la course aux armements » …
    avec UN GROS BEMOL car la télévision était « naissante » dans les années 1930 ! …
    Tout « ça » pour finir qu’il faut remarquer que macron se voit souvent dans les années 30 effectivement car très souvent il utilise « le principe de la politique-drapeau » et en même temps crache sur la FRANCE à chaque instant et surtout lorsqu’il est en dehors du territoire ! …

  12. Pertinente analyse de M. Jamet…C’ est tout à fait curieux le climat de la semaine écoulée, on dirait que plus la perspective de paix s’ approche plus on parle de guerre… C’ est à croire que Trump est en train de voler à Macron la guerre qui l’ a fait réélire et qui lui permet de poursuivre sa fuite en avant européiste et supranationale!

    • Il lui a volé la vedette et Macron tente par tous les moyens, y compris les plus ridicules, de survivre médiatiquement au raz de marée Trump . Parce qu’il ne desespère pas de rebondir comme président d’une UE qui a pris un coup dans l’aile .

  13. Excellent comme d’habitude
    L’ambition personnelle de notre exécrable président pourrait nous valoir des déconvenues
    Trump a bien cerné le psychopathe en fonction et je ne doute pas que Poutine aura l’intelligence d’accorder à ce monsieur toute l’attention qu’il mérite !

  14. Macron ne sait pas se faire respecter par l’Algérie et voudrait être respecté par Trump et Poutine. Ceux qui l’ont élu en pensent quoi ?

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