[STRICTEMENT PERSONNEL] Le Président se meurt

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Les institutions sont à leur naissance ce que les pères fondateurs voulaient qu’elles soient. Puis elles deviennent ce que les hommes et les usages en font. Il y a encore quelques semaines, l’image de notre Constitution était généralement positive. Les spécialistes célébraient sa force et sa souplesse. Malgré quelques modifications discutables telles que le passage du septennat au quinquennat qui alignait le temps présidentiel sur le temps parlementaire et l’interdiction du cumul des mandats, qui coupe les élus de leur territoire, on appréciait notamment le glissement élégant qui faisait passer en cas de besoin, c’est-à-dire en période de cohabitation, la réalité du pouvoir et la prééminence de l’exécutif de l’Élysée à Matignon et du chef de l’État à son Premier ministre, en fonction de l’orientation voulue par le suffrage universel. À près de soixante-six ans, la loi fondamentale de 1958 ne faisait pas son âge. En cas de conflit entre le président de la République et le Parlement, le chef de l’État disposait de deux recours : soit par la dissolution soit par le biais du référendum, il lui était permis de demander au peuple tout entier d’arbitrer entre la représentation nationale et lui-même. De Gaulle ne s’en privait pas. Pour mémoire, il lui était également possible de démissionner. De Gaulle, comme on sait, s’y autorisa.

On ne saurait penser à tout, et moins encore tout prévoir. Les délicats équilibres de la Constitution reposaient implicitement sur le présupposé consubstantiel à la nature de la politique d’une droite éternelle, d’une gauche perpétuelle et de leur alternance aux affaires.
Les conséquences de la dissolution de convenance décrétée par Emmanuel Macron le 9 juin 2024 ont placé le pays et l’apprenti sorcier du 55 faubourg Saint-Honoré devant une situation aussi inédite qu’imprévue. Entre Jeux olympiques et jeux du cirque, l’été qui commence a ouvert une période de vacance sans que, au moment où sont écrites ces lignes, qui que ce soit puisse prévoir la date de la rentrée. Ni Michel Debré, ni (Dieu me pardonne) le général de Gaulle lui-même n’avaient anticipé la tripartition et le cul-de-sac où s’est embourbé le char de l’État. Aucun des trois blocs entre lesquels se sont répartis la quasi-totalité des députés élus les 30 juin et 7 juillet n’étant majoritaire, aucun d’eux ne peut prétendre accéder au gouvernement sans être immédiatement placé sous la fatale épée de Damoclès des deux autres blocs. À perte de vue, et très précisément en attendant qu’une nouvelle dissolution puisse intervenir, soit en juin 2025, la France est et restera ingouvernable.

Retour vers le futur ? Conducteur et chauffard, Emmanuel Macron nous a fait repasser en IVe. Tout ce que les fondateurs de la Ve avaient cru pouvoir nous garantir - et la promesse, par exception, avait été tenue -, la stabilité, la continuité et l’autorité de l’État, a été soudain balayé et nous avons vu, nous voyons et nous verrons la résurrection des partis, de leurs intrigues, de leurs combinaisons, de leur petite cuisine comme au bon vieux temps de ce régime d’Assemblée qui avait fait de la France de l’après-guerre et de l’avant de Gaulle le désespoir des citoyens et la risée du monde.

Rétrospectivement, avec seulement un mois de recul, le coup de théâtre du 9 juin dernier apparaît pour ce qu’il est : ni coup de force, ni coup de génie, mais tout simplement pire qu’un coup d’épée dans l’eau, la faute grossière de celui qui, après avoir passé pour le Mozart de la finance, s’est pris pour le Machiavel de la politique et s’est tout simplement tiré une balle dans le pied.

Que s’est-il passé ? Réélu en mai 2022, Emmanuel Macron s’était vu refuser, un mois plus tard, la confirmation de sa légitimité. Blessé dans son orgueil, entravé dans son action, le Président sortant puis rentré supportait de plus en plus mal les contorsions, les manœuvres, les subterfuges et, bien sûr, le recours à l’article 49.3 auxquels le contraignait la fameuse « majorité relative » qui n’était qu’une minorité effective. Or, les élections européennes du 9 juin n’avaient fait que confirmer la détérioration de son image et l’affaiblissement de son pouvoir. C’est de ce statut, à ses yeux humiliant et même insupportable qu’il a décidé dans un moment d’hubris irrationnel de faire appel le 30 juin. On connaît la suite. Et l’on en voit déjà les effets.

Le Président Macron vit désormais, politiquement parlant, la même agonie que le monarque en fin de parcours dont Ionesco met en scène, dans Le roi se meurt, le déclin, l’abandon et la fin. Lui aussi, depuis la défaite cinglante qu’ont subie ceux qui « bénéficiaient » de son parrainage, est celui dont les flatteurs se détournent, dont les courtisans ont oublié le nom et dont le pouvoir, qui se réduit de jour en jour, se limitera bientôt à son palais, puis à son bureau, puis à sa chambre à coucher. Il était celui qui pouvait dire : « C’est grâce à moi que vous avez été élus » ; il est celui à qui les insolents répliquent : « C’est à cause de toi qu’on a été battus ». Il était censé résoudre les problèmes et sauter les obstacles. Il est l’obstacle. La Constitution de la Ve République n’interdit pas au chef de l’État de tirer les conséquences de son impopularité.

Dominique Jamet
Dominique Jamet
Journaliste et écrivain Président de l'UNC (Union nationale Citoyenne)

Vos commentaires

68 commentaires

  1. 7 ans ce n’est pas long lorqu’on a un président à la hauteur et qui ne se prend pas pour un phoenix mais 5 ans c’est beaucoup trop lorsqu’on a un saltimbanque à la tête de l’Etat.

  2. Macron lors d’une interview, en campagne ou au début de son 1er quinquennat (je ne sais plus bien), avait confié que Machiavel était son auteur politicien qu’il préférait et il a été admis qu’il aurait passé le diplôme de l’E.N.A. sur textes de ou sur Machiavel. Quand on sait ce qu’il a coûté à l’unité de l’Italie, avec une politique de l’extrême (machiavélique), j’ai commencé à fouiller la personnalité de Macron. Jamais un bulletin pour Lui ou ses amis. Mais une grande partie des votants ne connaissent pas Machiavel ou en sont admirateurs…C’est le 1er problème de la France

  3. « Les temps difficiles créent des hommes forts. Les hommes forts créent des temps favorables. Les temps favorables créent des hommes faibles. Et les hommes faibles créent des temps difficiles »
    Nous sommes dans la 4ème phase et il nous faut espérer bientôt un homme fort pour retrouver des temps meilleurs.
    Pour l’instant je ne vois pas de Trump français pour nous sortir du chaos dans lequel des politiques corrompus, pensant se servir au lieu de servir l’intérêt de la France, nous ont plongés, depuis plus de 40 ans. A croire que nous ne sommes pas encore suffisamment tombés au fond du trou.

  4. « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’au bout pour que vous puissiez le dire » (attribué à Voltaire)
    Au nom de quoi tout faire pour bâillonner un tiers des Français, quel que soit ce tiers ? La République et la démocratie sont bafouées. Nous ne sommes plus ni en République ni en démocratie et avançons vers une forme de régime à l’autoritarisme sordide. De quoi donner envie, voire même nécessité, de voter de plus en plus à l’opposé des « bâillonneurs ».

    • Bien sur que nous ne sommes plus ni en république ni en démocratie…enfin c’est comme ca que je le ressens aussi…mais comment faire? une organisation de mafieux (NFP ex Nupés) a détourné le choix de plus de 11 millions de français avec la ferme intention de s’approprier le gouvernement par n’importe quel moyen… c’est hallucinant, ces gens sont des forcenés malades, qui cherchent le chaos, certains sont des extrémistes violents… Comment une coalition d’une dizaines de partis de gauche peut-il légalement se liguer en ajoutant bout à bout ses portions de voix, contre le premier parti d’opposition du pays, le RN qui lui n’a rien d’extrême et alliés LR Ciotti?
      Et on accepte cela? on nage en plein délire…

  5. Comme en n’importe quel jeu à chaque tour on rebat les cartes…advienne que pourra. …Monsieur Macron joue avec la France comme il jouerait à la belote. Le résultat est en vue : l’Elysée pour lui, mais hélas pour nous, n’est plus qu’un château….de cartes !

  6. Grâce à monsieur Dominique Jamet, j’ai pu aller sur le site »INA.de » et revoir la conférence de presse du Général de Gaulle du 31 janvier 1964.
    Tout est dit sur la Constitution de la Veme République… les partis n’ont de cesse de piétiner cette constitution pour leur bien être personnel (les postes avec leurs privilèges cela va de soit) .
    Si certains partis, et notamment le NFP, continuent leur cirque , demain nous serons gouvernés comme nous l’étions sous la 3 eme et 4 eme République.
    Serais ce l’avenir politique que les Français veulent?

  7. Hélas ce genre de narcissique n’a jamais conscience d’avoir fait erreur. Adulés et trop félicités dans l’enfance (par une grand-mère, par exemple), ou dans l’adolescence (par une enseignante), il se surestime et, pour renforcer cette évaluation erronée, il sous-estime les autres, phénomène dont il devient dépendant à la manière d’un drogué. Il ne raisonne pas, il EST la raison…

  8. Lorsque j’ai suivi la formation qui m’a permit de devenir « directeur d’établissement médico social », on nous a expliqué que le temps d’un directeur était de, plus ou moins 7 ans, durée qui permet de développer une stratégie. Lorsque l’on regarde les USA, on peut avoir l’impression qu’ils agissent au mieux de leurs besoins économiques mais que l’action sur le long terme, y compris à l’égard des « cousins » est illisible et imprévisible. Je ne comprends pas que le mandat présidentiel soit passé à 5 ans. Si l’on tenait à « aligner » les volontés du peuple, il n’était pas plus compliqué de porter le mandat législatif à 7 ans. Nous nous sommes alignés bêtement sur les USA et notre diplomatie en a souffert, elle est devenue illisible et maintenant inexistante avec la suppression du corps diplomatique. 5 ans permettent la (ou les) réactions, mais pas l’action concertée et développée. Nous nous sommes condamnés à devenir les vassaux de l’Europe avec ce mandat de 5 ans.

    • Je pense aussi que 5 ans c’est trop court pour respecter des engagements de campagne, 7 ans c’était très bien. Toutefois une consultation/bilan à mi-mandat serait une bonne chose pour motiver le gouvernement. Voir où il en est…

  9. Après une série de présidents fainéants, un président narcissique sans vision et sans cap, qui se rêvait sans doute premier président des États Unis d’Europe.
    La baffe du 09 juin rend très difficile cette éventualité.

  10. Il est l’obstacle, c’est tout ce qui lu reste mais c’est au moins un titre . Il aime tant çà ! Responsable en chef de la faillite du pays et de la disparition de toute autorité internationale, il n’a pas été mis en place pour un autre programme mais est talonné de peu, dans l’ordre des responsabilités par le prédécesseur que des électeurs ont eu l’outrecuidance d’expédier encore une fois au Bourbon-Circus au titre de M.Loyal ou de palefrenier.

    • Je pense que Macron avec son obsession de l’Europe a éclaté la France et divisé les français… Pour lui il n’y a que l’Europe qui importe. De cette « union » (UE) il ne vise qu’une fusion des nations au détriment de leurs peuples… les dernières élections Européennes ont été le déclic. Les français aiment l’Europe et sont européens mais veulent dans leur grande majorité rester avant tout Français. Voilà aussi une nouvelle réalité du pays qu’il faudrait pouvoir prendre en compte… les scrutins a 2 tours ne sont plus possible (avec les petits arrangements…) et il faut reconnaitre la proportionnelle (réelle) à un tour.

  11. Un septennat entier de communication sans véritable action autrement que malfaisante pour la France qu’il déteste, bien sanctionnée aux Européennes, une Assemblée dont la majorité des postes vont à NFP (sans tractations ???) on voit mal comment il imposera un premier ministre Larem ou LR viable. Comptez vos abattis, ça risque fort d’être « barre à gauche toute ». Petit espoir? Mes amis de l’étranger indiquent que de telles coalitions dans leur pays ne marchent « qu’environ un an », pour exploser d’un coup. Alors que les faillites repartent à la hausse, que la dette n’est en rien résolue, que l’insécurité c’est une tuerie par jour, et tutti quanti, Macron et sa IVe République vont nous offrir un joyeux bazar. Mais, hey, vous avez voté, vous l’avez. Ne pleurez pas, je n’ai pas pitié (je ne dis pas ça pour BV, où peu auront voté pour « ça »).

  12. L’on pourrait évidemment citer Adémar de Chabannes et son fameux royal échange : « qui t’a fait comte ? » auquel fut répondu : « qui t’a fait roi ? »…sauf qu’Emmanuel n’est pas tout à fait Hugues Capet, mais bien plutôt son absolu contraire !

  13. Après le sympathique mais oisif Jacques Chirac, nous « bénéficions » de présidents sans autre projet d’être au pouvoir. Seule la communication compte. La limite de l’incompétence est probablement atteinte. Comme d’habitude en France, il nous faudra encore un effondrement économique et institutionnel pour qu’un homme compétent capable d’imposer son autorité prenne les choses en mains. Illustration de l’immaturité de l’électeur français…

    • « sans autre projet d’être au pouvoir » si,si,si projet n°1 : détruire totalement la France pour la donner à l’Europe de van der la hyène. Projet n° 2: s’enrichir comme jamais grâce à la corruption.

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