[STRICTEMENT PERSONNEL] Lui et le KO

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Je crois bien avoir déjà eu l’occasion de le dire : quelles qu’elles soient, les institutions ne sont et ne valent que ce qu’en font et ce que valent les hommes qui sont amenés, par leur fonction, à les incarner devant le peuple et devant l’Histoire. L’actualité française nous en donne, ces temps-ci, une démonstration éclatante.

Réélu en 2022 pour un second mandat, la victoire d’Emmanuel Macron, moins surprenante et moins brillante que son irruption triomphale sur le devant de la scène, cinq ans plus tôt, n’en était pas moins, arithmétiquement et juridiquement, incontestable. Certes, son score était nettement plus faible que la fois précédente : dés l’aube de ce deuxième quinquennat, l’espérance et l’enthousiasme n’étaient plus au rendez-vous. Tel un candidat au bac repêché à l’oral, le Président sortant ne devait sa reconduction qu’à l’apport de millions d’électeurs qui, loin d’être ses admirateurs et ses partisans, n’avaient pour objet que de faire barrage à sa rivale du second tour.

Aucun élément nouveau n’étant intervenu pour remettre en cause ce résultat, le terme légal de ce mandat demeure naturellement fixé au printemps 2027. Chef de l’État, donc, pour encore deux ans et demi, il faudrait être aveugle pour ne pas constater chaque jour que M. Macron, qui n’est actuellement soutenu ou plutôt accepté que par un cinquième du corps électoral, plus impopulaire et plus haï qu’aucun de ses prédécesseurs, personnellement discrédité, politiquement délégitimé, tout en gardant le titre, a perdu, de son fait, par sa faute, et vraisemblablement sans retour, la réalité du pouvoir.

Une crise humaine plus qu'institutionnelle

Sommes-nous toujours sous la Ve République ? Formellement parlant, la question n’est pas à l’ordre du jour. En dépit des leçons hâtives que certains commentateurs et certains hommes politiques un peu trop pressés tirent du spectacle affligeant que nous donnent, depuis la rentrée de septembre, les principaux acteurs et les innombrables figurants du mauvais Guignol qui se donne sur notre scène politique, nous n’avons nullement affaire à une crise de régime mais à une crise passagère du régime dont la naissance, les péripéties et l’évolution doivent tout aux erreurs magistrales commises par celui que sa mission oblige, au contraire, à être le gardien vigilant d’une Constitution qui, depuis plus de soixante ans, assure au travers des orages et des tempêtes la stabilité et la continuité des divers gouvernements de la France.

Comment le successeur du général de Gaulle, de Georges Pompidou, de François Mitterrand peut-il faire aujourd’hui (triste) figure d’héritier d’Albert Lebrun, de Vincent Auriol ou de René Coty, réduit comme eux à inaugurer les chrysanthèmes et les cathédrales et à constater, lors de ses nombreux voyages à l’étranger, que sa voix, censée être la voix de la France, ne porte plus au-delà de sa salle de bain ? Élu, comme rappelé plus haut, par défaut plus que par adhésion, le Président Macron, pour reprendre une image chère à Napoléon, a manœuvré comme une huître et risqué puis perdu toute sa mise, perdu tout son crédit, tout en refusant d’assumer sa responsabilité et de titrer les conséquences de ses échecs.

« Moi ou le chaos » : ainsi résumait-on l’esprit des campagnes que le général de Gaulle remporta dix fois avant de démissionner le soir même de son unique défaite pour se retirer à Colombey, ne laissant à ses soutiens que des regrets et suscitant, mais un peu tard, l’étonnement admiratif de ceux mêmes qui l’avaient combattu.

« Lui et le KO »... et le chaos en prime, autre temps, autre personnage, autre stature. Trois fois désavoué dans les urnes - et de quelle manière ! -, Emmanuel Macron, après être allé trois fois au tapis, n’est plus qu’un boxeur sonné qui revendique un statut et squatte un fauteuil auxquels il n’a plus droit. Le fantôme, ou fantoche de l’Élysée, suit de son balcon, bien à l’abri des éclaboussures, les dérisoires et lamentables combats que se livrent les trois « blocs » parlementaires dans le bourbier où il les a plongés.

Une solution simple pour faire repartir la machine

Une crise est pourtant bien là, intérieure, extérieure, financière, économique, sociale, et appellerait des solutions d’urgence. Les ravages des guerres en cours, l’ombre menaçante des guerres à venir s’étendent sur le monde. La France, sans en avoir encore conscience, est en attente de l’homme neuf et du pouvoir fort qui défendraient son peuple, sa place et ses intérêts. L’heure des périls de toute sorte devrait être celle de l’union nationale, de l’union sacrée, comme on disait en d’autres temps où la défense, l’intérêt, voire la survie de la France primaient sur toute autre considération. Or, que voyons-nous ? Des partis qui, se croyant revenus sous la IVe, font cuire leurs petites gamelles sur leurs petits feux et ne voient pas plus loin que le bout de leurs ambitions, de leurs querelles et de la semaine en cours. Nous voyons un Premier ministre de bonne volonté à qui on fait payer les pots cassés par ses prédécesseurs et qui s’épuise, de recul en recul, de concession en compromis, à force de multiplier les contorsions et d’avaler les couleuvres en attendant le coup de grâce que lui annoncent ses adversaires pour la minute, le jour, au mieux la semaine qui vient. Michel Barnier mériterait, nous méritons mieux que cela.

Entre un Président hors d’état de diriger l’État, un Premier ministre condamné par la configuration de l’Assemblée actuelle à être minoritaire au sein d’un prétendu « socle commun » lui-même minoritaire et des parlementaires en goguette qui redécouvrent avec volupté les intrigues, les complots, les poisons et les délices de ce qu’on appelait autrefois « le système », le moins que l’on puisse dire est qu’on ne voit pas le bout du tunnel dans lequel nous venons d’entrer...

Un homme aujourd’hui hors course, un homme dont le passage au pouvoir s’est traduit par un bilan médiocre, négatif ou désastreux, suivant les domaines concernés, cet homme même peut faire repartir la machine qu’il a mise en panne et clore l’épisode sinistre et grotesque que nous traversons. Affaibli, déconsidéré, contesté, détesté, ridicule, Emmanuel Macron est pourtant en mesure de rendre à la France et à la République le plus grand, le plus méritoire et le plus inattendu des services. En s’en allant. Dés maintenant, dés demain, ou ce soir. Tout de suite. Merci d’avance, M. Macron !

Dominique Jamet
Dominique Jamet
Journaliste et écrivain Président de l'UNC (Union nationale Citoyenne)

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