[STRICTEMENT PERSONNEL] Mourir pour Kiev ?
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Une leçon. De droit ? De morale ? Non. De mathématiques, de physique, d’anglais ? Pas davantage. (Encore que…) Une leçon, pourtant, et quelle leçon ! De réalisme. De cynisme. De politique. Une leçon d’ores et déjà inscrite dans toutes les mémoires, à peine administrée et déjà historique. C’est ce qu’ont infligé l’autre soir, sous l’œil impitoyable des caméras, sous le regard incrédule puis stupéfait du monde entier, dans le cadre d’un show à deux voix, plus magistral qu’exemplaire, le président des États-Unis et son complice du jour, à celui dont ils avaient décidé de faire l’invité et le dindon du plus cynique et du plus réussi des après-dîners de con.
Zelensky sommé de dire merci à la dame
Pendant près d’une heure de vérité, le gros blond avec une cravate rouge et son partenaire barbu ont tourné et retourné sur le gril leur souffre-douleur, venu une fois de plus (une fois de trop) quémander leur soutien, leur argent et leurs armes, comme Donald Trump lui en avait déjà fait la remarque et le reproche, en affectant le ton de la plaisanterie. Après avoir incité, pour la forme, et histoire de rire, Volodymir Zelensky à y aller encore de son numéro préféré, Donald Trump et J.D. Vance se sont relayés pour sermonner, semoncer, contredire, interrompre puis railler et, finalement, injurier leur invité. En vain, réfugié et pelotonné sur le petit coin de canapé, dérisoire champ de bataille où on l’avait cantonné, l’homme au chandail noir que le maître de la Maison-Blanche ne manqua pas de brocarder tenta de tenir tête. Il fut progressivement réduit par ses tourmenteurs au rôle et au statut de petit bonhomme, de petit garçon et, pour finir, traité de petit voyou, de sale gosse mal élevé, proprement sommé de dire merci à la dame, de demander pardon au monsieur, avisé que la porte du salon, celle de l’office et tout simplement celle de la propriété lui seraient fermées tant qu’il ne serait pas venu à résipiscence. Officiellement mis dehors, le malheureux président ukrainien, à qui l’on avait bien pris soin de faire savoir que, s’il avait été reçu, il ne le devait qu’à l’insistance du Président Macron, dut se résoudre, faute d’avoir pu faire valoir un seul de ses arguments, à adresser, suprême humiliation, un message de remerciement à l’Amérique, à son peuple, à son Congrès… et à son président.
Ainsi se terminait, conçue et orchestrée par son promoteur (immobilier), la sinistre soirée au cours de laquelle celui-ci, qui avait quelques raisons personnelles de ressentiment envers son hôte, avait décidé de mettre en scène sous le signe d’une grossièreté et d’une colère surjouées l’événement capital que constituent la cessation de toute assistance politique, militaire et financière des États-Unis à l’Ukraine et la sommation faite à Zelensky ou, le cas échéant, à son successeur d’accepter les conditions du cessez-le-feu puis du traité que leur dicteront, le moment venu, le plus tôt étant le mieux, et d’une seule voix, Washington et Moscou.
Le prétendument imprévisible Trump a changé en un soir la donne
Ainsi, sur ce sujet, capital dès à présent et pour notre avenir, le président Trump, à la grande surprise de tous les professionnels de la politique qui ont fait de la politique ce que tout le monde en pense, se met-il en devoir de faire ce que le candidat Trump avait annoncé qu’il ferait. Cela prendra assurément plus de vingt-quatre heures, mais a les plus grandes chances de devenir une réalité et de changer les équilibres du monde en beaucoup moins de trois ans. La communauté internationale vient de célébrer le troisième anniversaire d’une guerre que le président russe s’était imaginé pouvoir déclarer, mener et gagner en huit jours, les différents acteurs de ce qui s’est avéré une horrible et interminable boucherie, un conflit international dont le bilan s’alourdit chaque jour, dont les risques de poursuite, d’élargissement et de débouché sur la Troisième Guerre mondiale ne cessent de s’aggraver, dont toute personne sensée ne peut que souhaiter le règlement et la fin… Le coup de poker, de longue date prévu et annoncé par le prétendument imprévisible Trump, a changé en un soir la donne.
Trump constate seulement que la Russie, dans cette affaire, n’a pas tous les torts
À peine connu cette volte-face totale par rapport aux choix qu’avait progressivement, lentement, à contrecœur, opérés le prédécesseur déjà oublié de Donald Trump (il me semble que son nom commençait par quelque chose comme bide ?), ce grand retournement, les premières réactions, d’étonnement, d’indignation, de condamnation ont commencé. Elles vont se développer, s’étoffer, se nourrir les unes des autres. On évoquera bien sûr, on a déjà évoqué Munich, les accords de Munich, l’esprit munichois. Il est vrai qu’à Munich, le président Beneš et la Tchécoslovaquie furent sacrifiés à l’agressivité de Hitler par le doux Chamberlain et le pacifique taureau du Vaucluse, ovationnés par des foules immenses à leur retour d’Allemagne. En 2025, on ne manquera pas de rappeler la fameuse citation prêtée à Churchill : « Ils ont eu le choix entre le déshonneur et la guerre, ils ont choisi le déshonneur et ils auront la guerre. » Honneur et déshonneur ne figurent pas dans le lexique de Donald Trump. Il constate seulement que la Russie, dans cette affaire, n’a pas tous les torts, que l’Ukraine n’a pas toutes les raisons, que si la première n’a pas réussi à vaincre, la coalition occidentale et l’héroïsme des Ukrainiens ne parviendront pas à la faire perdre, à moins évidemment de prolonger, de nourrir et d’étendre la conflagration jusqu’à des dimensions planétaires. Ceux qui n’excluent pas la grande lutte finale entre l’Occident et la Russie, entre l’Occident et la Chine ou toute autre forme d’Apocalypse, doivent avoir l’honnêteté d’admettre et d’accepter l’idée qu’après la Deuxième Guerre mondiale qui avait multiplié par trois les victimes et les ruines de la Première, la Troisième ne peut qu’être pire que la Seconde.
Est-ce ce qu’on souhaite, est-ce ce qu’on veut, est-ce ce que l’on ne peut ni ne doit éviter ? J’entends déjà ce que vont nous seriner, nous marteler, nous assener, dans les jours qui viennent, rodomonts de tribune, matamores de studio, tranche-montagne de plateau. L’Europe est au pied du mur et certains, dirigeants ou démagogues, préconiseront sans trembler d’aller plus avant sur le sentier de la guerre. En avons-nous les moyens, y avons-nous intérêt, en avons-nous la volonté ? Combien d’Européens, en 2025, sont-ils prêts à mourir pour Kiev ?
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97 commentaires
Quel plaisir et quelle satisfaction de voir ce tandem Républicain remonter les bretelles du joueur de piano à queue …les états d’âmes des démocrates français , américains , roumains et autres mafieux du camp du bien me vont à ravir . Mourir pour Kiev ? Mais qui parle de ça si ce ne sont que ces donneurs de leçons qui sévissent partout même dans quelques chroniques de BV . L’Armee Francaise n’ira jamais combattre en Ukraine et c’est tant mieux , c’est sur le territoire français que cette Armée sera appelée à combattre et là elle aura le soutien des Patriotes car là dépend l’avenir de la France , et pas sur les bords du Dniepr
Même a mon âge je défendrais mon pays mais il va falloir me procurer le matériel et les armes en conséquence.
J’ai beaucoup apprécié cet article qui en dit long sur le niveau des représentants de l’UE. Nous en sommes arrivés au point que, comme pour Yalta, la Russie et les USA déclarent la PAIX. Cette fois il n’y aura pas les Anglais. Ce point d’arrivée va, j’espère, arrêter de massacrer des vies humaines de tous bords et nous remettre au travail pour utiliser notre argent ( Impôts et Taxes ) pour développer notre Agriculture ( qui en a bien besoin ) et nos Industries.
Pertinente en tous points l’ analyse de M. Jamet! La réalité est cruelle mais jamais l’ Ukraine ne gagnera cette guerre donc il faut la faire cesser au plus vite et non comme le fait l’ Europe l’ alimenter en armement (sans parler des troupes au sol ce qui ferait de nous des belligérants d’ une troisième guerre mondiale dés lors que le royaume uni et la France sont des puissances nucléaires) et tant pis pour les poldèves ils ont assez perdu de vies en trois ans de guerre…
Entièrement d’accord avec vous.
Cette altercation a eu au moins un mérite (presque un miracle): Apprendre à Zelinsky à dire « merci »… Il nous a en effet remercié pour notre soutient ce qui nous change de ses « j’exige » et « c’est insuffisant » qu’on entendait jusque là…
Non merci , je ne bougerais pas pour L’Ukraine.
Car , il est évident que les russes , ne vont pas envahir le reste de l’Europe , faute de moyens et pourquoi faire ?
Ca choque parce que nous sommes trop habitués à la mollesse politique ambiante, celle du « en même temps » et où rien ne se décide jamais. Celle des « faiseurs de phrases », comme disait Napoléon. Là, il s’agit de politique réelle (les colères de Napoléon, de De Gaulle, etc.) et d’arrêter rapidement une guerre. Si l’on écoute et regarde en anglais (BBC) l’intégralité de l’entretien, on se rend compte que Zelensky a commis la première grosse erreur de se croire encore sous Biden, habitué à avoir tous les dirigeants européens à ses pieds, et se permettant ainsi de sermonner – à la Maison-Blanche ! – Trump & Vance sur la stratégie: en gros, si l’Ukraine cède, l’Europe est menacée, et en dépit de l’océan qui vous protège, « vous bientôt »! L’enjeu est le retour à un équilibre mondial permettant la paix, cependant que l’UE préfèrerait la guerre: Macron et Starmer, ces jours-ci, ne sont-ils pas allés demander des « sécurités » aux USA au cas où ils déploieraient des troupes en Ukraine? L’UE aime la guerre avec le sang ukrainien: elle sert ses buts.
Quand on pense à toute cette jeunesse de l’Europe qui ne réclame que de la poudre et des balles pour se ruer en Ukraine et sauver « l’ordre international », on comprend mieux l’appel aux armes de Madame Baerbrock, ministre fédéral de la guerre, pour lancer ses casques à pointe à l’assaut du Donbass et de la Crimée.
En France, sous l’action du président Macron, on peut déjà déployer nos drapeaux, nos étendards et nous mettre en marche, il ne manque pas un bouton de guêtre.
Aucun européen ne souhaite mourrir pour Kiev . Cette guerre a éclaté parce que Zelensky bombardait le Dombass .Personne ne parle plus de ces pauvres gens , valent ils moins que les autres . Et puis avant de continuer a financer l’Ukraine , les européens voudraient savoir pour quoi a été dépensé chaque centime , en effet l’Europe finance , l’Europe a envoyé des armes , les européens ont le droit de savoir ou passe leurs impôts .
La moitié des Ukrainiens ne veut pas mourir pour Kiev, ayant fui le pays. Et surtout maintenant, ou elle est perdue sans appel. Une guerre sans but, une guerre pour rien. Le sang russe se fera payer cher.
Sur l’Ukraine on a l’impression que tout a commencé avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie , mais avant il y a eu la guerre du Donbass , 15000 morts , 6000 civils massacrés , le sympathique bataillon Azov et ses uniformes « rétros » pour combattre les séparatistes prorusses dans le Donbass.
Au fait une juridiction internationale a relevé un génocide ? un crime contre l’humanité ? à ma connaissance non .
Et après l’effondrement de l’URSS , les Américains se sont précipités avec des valises pleines de dollars pour mettre des bons gouvernements en place, et des armes de tous les calibres à mettre sous le nez des Russes, dans les ex-pays controlés par l’URSS , avec promesse d’intégration dans l’OTAN en plus .
La chaine des causalité est longue pour expliquer cette guerre , et cette guerre n’aurait jamais eu lieu si l’Ukraine avait accordé l’indépendance aux populations russophones de son territoire , la Russie voulait récupérer et protéger ses populations enclavées dans des pays de l’ex URSS.
Avec en plus l’UE qui s’est engouffrée derrière Biden. Camp du Bien auto proclamée elle se trouve bien ulcérée maintenant devant un Trump qu’elle déteste et qui a le pouvoir d’arrêter une guerre (Démocrate) stupide.
Des millions d’ukrainiens sont partis à l’étranger car ils n’étaient pas prêts à mourir pour leur pays. pourquoi les européens devraient ils mourir pour Kiev?…
Bravo, Monsieur Jamet, votre analyse est très juste. Un bémol néanmoins, ce que vous décrivez comme une sorte de « show »de la part de Trump n’est que la démonstration d’un pragmatisme et d’un rapport de force dont nous ne sommes pas coutumiers en France, car le magistère moral de la gauche nous a conditionnés à accepter d’être constamment humiliés et d’avoir honte de ce que nous sommes.
Au passage, je ne suis, quant à moi, pas prête à mourir pour Kiev, et je dis, comme Brassens à tous ceux qui veulent mourir pour de belles idées, « mourez donc les premiers…nous vous cédons le pas »!
Evidemment cela nous a changé de la séance papouilles et tripotages de la rencontre Trump Macron quelques jours avant .
« Combien d’Européens, en 2025, sont-ils prêts à mourir pour Kiev ? »
Le problème est que Poutine a du mal a trouver des Russes pour aller mourir pour Kiev, il a embauché des mercenaires venue de la Corée du Nord ; et Zelensky a aussi du mal à trouver des Ukrainiens pour aller mourir pour Kiev , comme dans toutes les guerres ceux qui ont eu les moyens sont partis se planquer à
l’étranger . Les Ukrainiens venus en France sont de même culture que nous , des slaves , ils ne vont pas nous assassiner dans des attentats orthodoxes , cette immigration à au moins cet avantage .
Autant on aura pu apprécier le fond de ́ « entretien »autant la forme est minable: peut-on imaginer MLP en débat face à macron ET Édouard Philippe ? On aurait cru assister à un conseil de discipline où se ferait vertement tancer un élève perturbateur. Vance n’aurait jamais dû entrer dans la danse.
La gauche est va-t-en guerre.
Effectivement , la 2ème guerre , guerre d’Algérie, mali …gouvernement de gauche