[STRICTEMENT PERSONNEL] Nicolás Maduro, dictateur à la noix (de coco)

Dominique Jamet

Entre la fondation de Rome (753 av. J.-C.) et le Ier siècle avant l’ère chrétienne, la dictature - aussi bien le mot que la chose - fut conçue et fonctionna comme une institution dont la durée et les règles étaient encadrées par la loi. Le dictateur était l’homme nécessaire, l’homme incontournable, voire l’homme providentiel, auquel on avait recours lorsque la patrie était en danger, du fait des Albains, des Sabins, des Étrusques ou des Gaulois, ou lorsque la République était menacée par l’émeute, la sédition ou l’insurrection. Le choix de ce sauveur par destination, proposé par le Sénat, validé par les consuls, était limité à son objet et à une durée de six mois. C’est ainsi que le légendaire Cincinnatus, à deux reprises, puis Camille, plutôt oublié aujourd’hui, par cinq fois, furent appelés à la dictature et, mission accomplie, abdiquèrent leur fonction en respectant le délai légal.

La longue agonie de la République romaine se traduisit par la dérive d’une institution dont l’article 16 de notre Constitution est l’écho lointain et affaibli, avec l’obligation pour le chef de l’État de faire valider a posteriori, par le Parlement, les mesures d’urgence qu’il a été amené à prendre. C’est ainsi que Sylla s’arrogea le titre de dictateur pendant plus d’un an en prenant prétexte de la guerre civile qu’il avait lui-même contribué à provoquer. Quant au grand César, il se fit confier la dictature d’abord pour un an, puis pour dix ans, puis à vie, quelques mois avant son assassinat. Sous l’Empire, le principe de la dictature, formellement parlant, tomba en désuétude. Disposant de tous les pouvoirs (chef de l’État et des armées), le prince n’avait évidemment nul besoin de greffer sur le pouvoir absolu qui était le sien, aussi longtemps qu’il régnait, un régime d’exception. L’exception n’était-elle pas, alors, sa seule règle ?

Aucun État, sur cette Terre, n’a inscrit le principe et le mot même de dictature, temporaire ou durable, dans sa loi fondamentale. Quel progrès depuis Rome, du moins en matière d’hypocrisie ! Quel État, quel régime auraient aujourd’hui la franchise ou le cynisme de se qualifier eux-mêmes de dictature, bref, de se reconnaître pour ce qu’ils sont ? Et pourtant, il suffit de connaitre l’Histoire du XXe siècle, il suffit, en ce début de XXIe siècle, de regarder autour de nous pour voir persister, proliférer et prospérer, comme au plus beau temps, les fleurs vénéneuses de la dictature.

Le dictateur, personnage ambigu

À quoi reconnaît-on un dictateur en devenir ou en exercice ? À ce qu’il est capable et bien souvent coupable de tout faire, pour que son mandat n’ait pas de terme et que son pouvoir n’ait pas de limite, dût-il, dans la réalité, bâillonner, museler, opprimer et, le cas échéant, exterminer les peuples qu’il prétend diriger et incarner.

Y a-t-il de bons, y a-t-il de mauvais dictateurs ? On n’épuisera pas, dans le cadre modeste d’une chronique, un débat qui n’est pas si simple, car il nécessiterait d’établir pays par pays, et guide suprême ou líder máximo, un par un, le bilan de chacun. Hitler, faut-il le rappeler, avait promis à 80 millions d’Allemands la grandeur, la puissance, la gloire et le bonheur ! En revanche, Atatürk, s’il a dirigé la Turquie d’une main de fer, ne l’en avait pas moins arrachée, de son vivant, aux ténèbres de l’islam. Si l’illustre Duce avait eu la bonne idée de décéder d’une crise cardiaque - disons, avant septembre 1939 -, nos voisins transalpins célébreraient encore le plus grand Italien de leur Histoire récente. Franco, sorti vainqueur et vindicatif d’une atroce guerre civile, n’en a pas moins apporté à l’Espagne la stabilité et la continuité qui lui faisaient défaut depuis plus d’un siècle. En contrepartie d’une abolition totale des libertés individuelles, les successeurs de Mao ont fait de la Chine la deuxième puissance du monde...

Deux incapables à la suite

Et au fait, le Venezuela ? L’élection présidentielle du 28 juillet dernier a fait éclater au grand jour le bilan qu’une majorité massive d’électeurs tire de 25 ans de régime « bolivarien ». En 1999, le Venezuela était le pays le plus riche et l’un des plus corrompus de l’Amérique latine. En 2024, le Venezuela est l’un des pays les plus corrompus, les plus inégalitaires et les plus misérables de l’Amérique latine. Le désastre avait commencé sous Chávez, il s’est achevé sous la direction de Nicolás Maduro. Deux incapables à la suite, c’est trop pour un seul peuple. Assis sur les réserves pétrolières les plus abondantes de la planète, le Venezuela a manqué d’essence, de même que Cuba a connu des pénuries de sucre. Un quart de la population a fui sa terre natale. À notre échelle, imaginons que 17 millions de Français aient déserté l’Hexagone, depuis 1999. Maduro après Chávez, c’est Staline après Lénine. Le successeur, que s’est choisi sur son lit d’agonie le dictateur mourant, doit son accession au pouvoir à sa fidélité, à son obséquiosité, à sa servilité et, finalement, à sa médiocrité. De quoi ont servi au despote de Caracas les cours de castrisme et de communisme que son mentor lui avait fait suivre à La Havane ? Qu’on puisse être à la fois une brute et un imbécile, un tyran et un propre à rien, c’est ce que nous prouve tous les jours la gestion par Maduro des conséquences de ses bourdes.

L’Histoire, aussi bien que l’actualité des dictatures, aurait dû enseigner à Nicolás Maduro que lorsqu’un régime, un gouvernement et un homme cumulent, au plus haut niveau, l’échec politique, la faillite économique, la crise sociale, l’impopularité et l’exaspération, il est pour le moins téméraire de consulter le peuple et de lui permettre de donner son avis. Les contre-exemples ne manquent pourtant pas. On peut éviter de procéder à des élections, ne tolérer que des concurrents fantoches du dictateur en place, on peut bourrer les urnes, on peut truquer les résultats, etc.

Quelle issue pour le despote ?

Maduro, du reste, ne s’en était pas privé lors des deux premières consultations d’où il était sorti vainqueur, en ajoutant aux intimidations, aux arrestations, à l’invalidation de ses adversaires et concurrents la falsification des résultats du scrutin. Le benêt ignorait-il à ce point les sentiments de ses concitoyens et sujets à son égard ? Le système informatique ultramoderne, infaillible, irréfutable qu’il se targuait, bien imprudemment, d’avoir mis en place lui a explosé à la figure. Non seulement les démocraties occidentales, mais les pays les plus indulgents ou les plus favorables au régime « bolivarien » ont dénoncé la fraude, dont les Vénézuéliens eux-mêmes sont en train d’accumuler les preuves. Que se vaya! L’avenir de l’apprenti pas sorcier semble tout tracé. S’envolera-t-il comme Sheikh Hasina dans l’avion salvateur qui l’a menée à Delhi ? Ou dans l’hélicoptère fatal qui a conduit le couple Ceauşescu au poteau ? Son propre peuple lui laissera-t-il le choix ?

Dominique Jamet
Dominique Jamet
Journaliste et écrivain Président de l'UNC (Union nationale Citoyenne)

Vos commentaires

17 commentaires

  1. Chez nous aussi les incapables ideologues se succedent..et nous n’avons pas de pétrole.. et plus d’idées.. un dictateur c’est donc aussi quelqu’un qui triche dans les urnes..de grands « democrates »en sont soupçonnes.. en Amérique en Asie et en Europe.. maturité ne fait juste pas partie du même  » club »

  2. Portrait exemplaire d’un dictateur exceptionnel. En « oubliant » de relever que dans notre monde « progressiste » l’exception est en passe de devenir la règle.

  3. C’est pour ces raisons qu’il faut préférer les vrais dictateurs : pas seulement Poutine ou Xi Jinping, mais aussi les Grands Marchands qui imposent leur loi sur l’Occident et font la guerre au monde entier au nom de la « Démocratie », mais en réalité de leur Profit et de leur Pouvoir.

  4. Franchement, s’acharner sur Maduro sans se rendre compte que les USA, la CIA (et Elon Musk) sont à la manoeuvre au Vénézuela comme dans toute l’Amérique du Sud pour contrôler les matières premières (pétrole et lithium notamment) et asservir les peuples en place, c’est d’une étroitesse d’esprit ahurissante et d’une méconnaissance totale de la géopolitique mondiale (vous connaissez Maïdan?)

    • L’ennui, c’est que même en tenant compte des influences étrangères évidentes, Maduro reste comptable de la situation de son pays et de son peuple. Il est responsable de la famine qui sévit dans la population qui n’a pas fui.

  5. L’extrême gauche ne rend jamais le pouvoir de façon pacifique. L’argument est toujours le même : »il faut lutter contre les contre révolutionnaires et les fachos »

  6. Ce n’est pas un problème de dictature. Tous les dictateurs non communistes en Amérique Latine sont partis. C’est le cas d’un système communiste comme Cuba, la Corée du Nord ou la Chine. Le système est changé dans sa structure. Aucune marche arrière n’est possible. Il ya une armé et une police politique organisés pour perpétuer le communisme. Chavez, Maduro ou Tartampion pourront occuper le pouvoir qui restera toujours une structure communiste. Le changement ne peut pas s’appeler dictature. C’est un système communiste. Vous créez la confusion, comme si le problème était la personne qui exerce le pouvoir.

  7. Quand on pense que c’est ce à quoi voudrait nous amener Melenchon… suivi par une partie de la gauche qui attend la distribution des portefeuilles. On assistera ensuite à la déliquescence du NFP. Les nantis et les déçus des ministères vont s’étriper et avec ses 76 députés LFI n’ira pas loin.

  8. Encore un  » meilleur d’entre nous » incompris par son peuple et le réel qui va finir au terminus des prétentieux .

  9. La déclaration était  »une immense honte ». Je suis apolitique mais j’ai tendance à suivre le patriotisme.
    Par contre, je préfère faire une grève contre la faim que de voter pour l’extrême gauche.
    La liberté guide mon clavier, aucune animosité.
    Bonne fin de semaine,

  10. « … lorsqu’un régime, un gouvernement et un homme cumulent au plus haut niveau, l’échec politique, la faillite économique, la crise sociale, l’impopularité et l’exaspération… », ça me rappelle quelqu’un, pas vous ?

    • C’est la réflexion que je me suis faite, bien avant un mélenchon… Dictateur, indubitablement, mais incompétent, je suis pourtant moins sur, car moi, je pense que c’est bien plus grave que cela, il y a à mon sens, une parfaite compétence apportée en parfaire conscience et total cynisme, à la destruction posée et de plus en plus irrémédiable, de ce qui a fait la France. De la haute trahison poussée à de tels extrêmes, je ne vois que le peloton pour féliciter le lauréat. Ou un sniper…

      • je ne pense pas que la compétence soit présente, mais la volonté de destruction totale de la France est bien à l’oeuvre

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