[STRICTEMENT PERSONNEL] On demande un sauveur

Dominique Jamet

Ce n’est pas mépriser ou injurier le Salvador que de rappeler qu’il s’agit d’un petit pays. Le plus petit, et le plus pauvre, d’Amérique centrale, quelque part entre Honduras et Guatemala. Six millions et demi d’habitants – le dixième de la population française – s’y entassent sur 20.000 kilomètres carrés – les deux tiers de la Belgique.

Le nom du Salvador lui a été donné par les Espagnols, en référence à Jésus-Christ Sauveur du monde, et force est de constater, ma foi, qu’en juin 2019, lorsque Nayib Bukélé Ortez, âgé de trente-sept ans et parfaitement inconnu à l’extérieur, en devint le président avec 53 % des suffrages exprimés, sa malheureuse patrie, en danger, avait grand besoin d’un sauveur.

Miné par une corruption généralisée, rien ne semblait pouvoir arrêter le Salvador sur la pente fatale qui le voyait glisser, à l’image de l’Équateur et surtout du Mexique, vers le chaos, à savoir l’infiltration puis la submersion de l’État de droit et de la société entière par le crime organisé, en l’espèce les seigneurs du narcotrafic et leurs gangs tout-puissants dont les membres, sûrs de leur impunité, affichaient sans peur et sans vergogne leur affiliation à telle ou telle bande ou mafia dont ils se faisaient tatouer sur le visage et sur le corps le nom et les emblèmes.

Quelques chiffres spectaculaires pour donner une idée de la situation. Pour toute l’année 2019, le Salvador enregistrait 2.400 homicides, à comparer avec les quelque 1.000 relevés en France, dix fois plus peuplée, rappelons-le. Le taux des meurtres pour 100.000 habitants s’élevait à 58 pour 100.000 habitants, contre 1,2 chez nous.

Un réel passage à l'acte

Deux ans plus tard, le nombre des homicides au Salvador avait baissé, à 1.147. En 2023, il s’établissait à 495 et le taux pour 100.000 habitants tombait à 7,8, le plus bas jamais constaté au Salvador. C’est que le président avait décrété l’état d’urgence et ne s’était pas borné à déclarer dans les mots mais avait poursuivi dans les faits et dans le droit une guerre totale contre le crime en mettant l’armée, la police et la justice au service de cette priorité absolue.

Les médias du monde entier ont braqué leurs projecteurs, ces dernières semaines, sur les formes et sur les conséquences de cette offensive que le président Bukélé entend mener jusqu’à la victoire, et d’abord sur les gigantesques centres de rétention qu’il a voulus et conçus à la mesure du problème qui lui était posé. Pour ce faire, il n’a pas hésité à faire arrêter et incarcérer plus de 60.000 délinquants supposés, soit 1 % de la population du Salvador, identifiés sur la base de leurs tatouages, de leurs forfaits ou de simples soupçons. Certains se sont élevés contre des arrestations arbitraires, contre la lenteur des procédures qui ont abouti à la libération d’innocents injustement inquiétés. Ils n’ont pas tort sur le principe, mais ils refusent de voir que c’était le prix à payer pour aboutir au résultat cherché : la mise hors d’état de nuire des dizaines de milliers de déclassés, de dévoyés et d’opportunistes qui avaient plus ou moins clairement parié sur la pérennité et la victoire de la mafia et cru trouver des emplois plus rémunérateurs et paradoxalement plus sûrs en dehors de la légalité.

Une réélection qui en dit long

Le peuple salvadorien a tranché, et de quelle manière ! En réélisant Bukélé avec 83 % des suffrages, en élisant 58 députés de son parti sur les 60 membres du Parlement au terme d’une consultation dont nul n’a contesté la régularité, il a plébiscité un homme qui a retenu son pays au bord du précipice et qui, à défaut de lui apporter dès à présent la prospérité, a restauré l’État en lui faisant remplir la première mission qui lui incombe : assurer la prééminence de la loi sur la violence, du droit sur le crime, garantir la sécurité et la vie des citoyens.

Nous suivons en France un tout autre chemin. La violence sociale, sous toutes ses formes, après avoir longtemps et continûment reculé, progresse de nouveau à bas bruit. Au lieu de construire des prisons à la mesure des chiffres de la délinquance et des besoins de l’ordre public, la Justice module de plus en plus ses condamnations sur l’insuffisance des espaces dévolus à l’incarcération. La police voit les tribunaux détricoter chaque matin par le biais des sursis, des aménagements et des réductions de peines le travail ingrat qu’elle a réalisé la nuit précédente. Plus grave : en conjuguant la prohibition théorique des diverses sortes de stupéfiants mais en déléguant dans la réalité leur commercialisation au crime organisé, nous avons permis à la mafia de la drogue de recruter une armée du crime qui, suivant les ordres qu’elle recevra, peut indifféremment maintenir la paix sociale ou déchaîner la guerre civile. Nous aussi, comme les Salvadoriens, nous sommes en quête mais, moins chanceux qu’eux, nous sommes en peine d’un sauveur.

Dominique Jamet
Dominique Jamet
Journaliste et écrivain Président de l'UNC (Union nationale Citoyenne)

Vos commentaires

65 commentaires

  1. Pour tester le système, on pourrait déjà l’appliquer à Mayotte et ensuite au reste de la France si on obtient des résultats.

  2. On récolte toujours les fruits de ce que l’on a semé pour peu que l’on ne fasse rien ou trop pas assez pour empêcher la survenance de ces fruits. Ce qu’il se passe sous nos yeux partout en France c’est les fruits de ce que l’on a semé pendant 4 ou 5 décennies en termes d’incompétence, d’imprévoyance, ce manque de clairvoyance, de lâcheté, de laisser faire, d’idéologie nationalophobe ou francophobe … L’aigreur de ces fruits mortifères nous handicapent et nous effraie. Le temps est venu d’éradiquer les causes et espèces qui ont produit ces fruits pour les remplacer par d’autres causes et d’autres espèces produisant d’autres fruits plus conformes aux intérêts du pays et du peuple. Ce que le Salvador a fait,la France est capable de faire, même plus et mieux.

  3. Superbe analyse. Merci de donner une voix aux millions de français qui pensent de la sorte mais qui n’ont aucune possibilité de se faire entendre puisque leurs représentants ne les représentent plus.

  4. la méthode est radicale ! Malheureusement il est à craindre qu’au pays  » des droits de l’homme » ce ne soit inapplicable, sauf par la force, c’est à dire une forme dictatoriale de gouvernance qui sera combattue par l’UE et consort –
    Mais si le personnage à poigne existe, qu’il se manifeste, ce serait déjà çà !

    •  » Malheureusement il est à craindre qu’au pays » des droits de l’homme » ce ne soit inapplicable » Et surtout dans un pays soumis (volontairement) aux diktats de la CEDH, machine infernale construite et dirigée par Soros et dont le but principal est de sauvegarder l’immigration (et sa délinquance) aux dépens des peuples résidants.

  5. Zemmour est le seul avec son parti, et Marion Marechal à s’orienter dans le bon sens ;mais la tâche est gigantesque et l’orienter d’une manière significative ne sera pas une mince affaire.

  6. Nayib Bukélé Ortez est le président d’un pays lointain et vous êtes en sa faveur. Facile !!!
    Éric Zemmour est tout proche de nous, et vous faîtes la fine bouche…
    Salvadorien, Mr Jamet, auriez vous voté Nayib Bukélé Ortez lorsqu’il s’est présenté pour la première fois à l’élection présidentielle du Salvador ?
    Finalement, ne serait-ce pas la faute de personnes comme vous, à l’égo surdimensionné, si nous n’arrivons pas à renverser la table dans ce pays ?

  7. Il n’y aura jamais de « sauveur » façon Bukélé en France ! Je n’en connais aucun pour le moment quel que soit son nom.
    Le Salvador est un pays indépendant ou du moins pour ce que j’en sais ! Pas la France qui dépend beaucoup trop de l’europe, qui dépend de l’Allemagne qui elle dépend des USA. Et n’oublions pas tous les tentacules de cette europe. Je ne les cite pas la tâche serait trop faramineuse ! Alors il me faudrait vivre 300 ans que je n’en connaitrai pas un minuscule bouleversement. Restons optimiste pour garder un peu de santé mais ne soyons pas des rêveurs ! J’ai regardé un sondage donnant MLP face à edouard philippe à 50/50, donc je reste « calme » et je ne m’enthousiasme pas trop vite !

    • Taratata ! Si nous le voulions nous le pourrions. Des liens, ça se dénoue. Et si nous faisions le premier pas, beaucoup d’autres suivraient. Seulement voilà, nous ne le voulons pas, en tout cas pas assez fort.

  8. Ne nous leurrons pas. La mafia mondialiste, avec l’aide de la CIA, avait besoin d’un homme énergique pour remettre de l’ordre dans un pays totalement gangrené et devenu incontrolable. La même chose qu’en France et 1958 empêtrée dans la guerre d’Algérie et qui rappelle DeGaulle pour « mettre de l’ordre »(ce qu’il a fait). Les mêmes, 10 ans plus tard, ont tout fait (même lui injecter un rouquin agitateur pour refoutre le b…. chez les jeunes. Celà fera pareil au Salvador. Quand le pays sera pacifié, la mafia mondialiste (CIA inclus) fera tout pour le virer et pouvoir reprendre le contrôle du pays pour leur intérêt.

  9. La France manque d’un sauveur, il lui manque le Sauveur, car la France, même une grande partie de celle qui se dit catholique, a perdu la Foi. Sur le plan politique, tout est à changer, et si l’on veut vraiment combattre, il faut renvoyer ceux qui détruisent la France, hommes politiques compris, et rétablir la peine de mort.

  10. Pour parler honnêtement, la situation en matière de sécurité en France reste cornélienne: il faudrait oublier quelques temps le respect des lois – nécessaires – qui nous régentent, et font de notre démocratie ce qu’elle est, en exerçant avec force des actions quasi-militaires contre la délinquance installée un peu partout. Ce qui s’appelle un putsch… Puis, une fois l’ordre rétabli, revenir à la situation normale. Mais qui fera cela?

    • Je poursuis : ouvrez les yeux. Les lois nécessaires qui nous régentent ont été déviées, polluées par les classes dirigeantes et ne servent plus qu’à soumettre les honnêtes gens, respectant soigneusement tout ce qui fleure bon la mafia. Il vaut mieux en 2024 être dealer qu’automobiliste pressé si l’on veut échapper aux rigueurs de la loi. Alors, un putsch? certainement pas, une remise en ordre, mais d’une grande nécessité si l’on veut éviter un avenir salvadorien.

  11. Un sauveur? mort de rire…Le système français s’appuie sur l’élan électoral majoritaire , tout autre voie est celle du « coup d’Etat » mode 1958.. Il n’y en aura pas, et il n’y aura nulle guerre civile ou « révolution » (d’ailleurs, les souverainistes-populistes les perdraient). Il y a un axe politique autour de Marine Le Pen qui domine largement : cela vous gêne?

  12. A l’échelle de la France cela ferait 600 000 prisonniers alors qu’on a du mal à en loger un nouveau chaque jour.

  13. « nous sommes en peine d’un sauveur… » Notre problème est certainement moins celui de trouver un « sauveur » que d’être un peuple composé d’une majorité d’électeurs ayant trouvé bon pour son avenir de reconduire l’épouvantable Macron. A supposer que ce sauveur existe, pourquoi donc se donnerait-il la peine de venir en aide à des gens qui adorent être maltraités et qui en redemandent?

  14. Oui M. JAMET ,
    mais comme le déclarait hier P. LELLOUCHE, « Nous sommes tous responsables depuis 40 ans » (ah la belle affaire ! responsable mais pas coupable), n’avez-vous pas également participé à cette situation actuelle et à venir de la France, en hurlant avec les « chiens » contre « la bête immonde » ?

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